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La filière déchets en lutte pour un statut national

12 avril 2018 | Mise à jour le 12 avril 2018
Par | Photo(s) : Gilles Targat / AFP
La filière déchets en lutte pour un statut national

En grève, les 3 et 4 avril, avec blocages de sites dans divers départements de France, les éboueurs et égoutiers des secteurs public et privé exigent la création d'un service public national de la filière « déchets ». Et revendiquent un statut protégeant et valorisant leurs métiers.

Hasard ou coïncidence du calendrier ? De nombreux éboueurs, égoutiers, agents de la TIRU, conducteurs transporteurs du secteur « traitement des déchets » étaient en grève les 3 et 4 avril. En même temps, donc, que les cheminots de la SNCF. Deux journées d'action qui, dans divers sites bloqués et occupés en Île-de-France et dans les principales métropoles, se sont soldées par des évacuations musclées des grévistes par les CRS. « Le hasard de calendrier était bienvenu, car nous étions bien sûr solidaires des cheminots et de tous les services publics en grève nationale ces jours-là, mais notre mobilisation avait été construite bien en amont », tient à préciser Sébastien Cravéro, secrétaire général du syndicat CGT des personnels de la métropole Aix-Marseille.

Au moment où le gouvernement Macron s'attaque frontalement aux statuts de toutes les fonctions et entreprises publiques, à commencer par celui des cheminots de la SNCF, les travailleurs de la filière déchets, eux, veulent s'inscrire à contre-courant de la doxa néolibérale qui vise la privatisation de tout bien ou service public ou d'intérêt public.

Abaisser les coûts, au prix de la vie

« Nous revendiquons haut et fort la création d'un service public national de toute la filière déchets et la création d'un statut encadrant l'ensemble de nos métiers : collecte, traitement, recyclage, transport… », détaille Sébastien Cravéro. Décalé ou visionnaire ? Jugez plutôt : ces deux revendications portées par la CGT ne surgissent pas ex nihilo. Depuis des années, en effet, les travailleurs de la filière « traitement des déchets » cherchent à faire reconnaître non seulement le caractère indispensable, mais aussi l'extrême pénibilité de leurs métiers.

Un seul chiffre pour s'en convaincre : 17 années d'espérance de vie en moins, en moyenne, pour un éboueur ou un égoutier. « Pour nous, ce critère de la pénibilité est d'extrême importance, et plus encore depuis que la pénibilité intrinsèque de nos métiers est aggravée par la mise en concurrence de tous contre tous, des agents du public contre les sous-traitants d'entreprises privées qui recourent à l'intérim ou aux travailleurs sans-papiers pour gagner des contrats avec les collectivités territoriales dans le seul objectif d'abaisser les coûts, au prix de nos vies », explique le syndicaliste.

Autre chiffre éclairant, le salaire moyen en vigueur dans la filière se situe autour de 1400 euros net, quels que soient l'ancienneté ou le degré de la pénibilité puisque celle-ci n'est pas prise en compte. « On démarre tous au niveau du Smic puis, pour évoluer un peu, on doit accepter de faire des heures supplémentaires et, de plus en plus souvent, de travailler 6 jours sur 7 pour avoir droit à des primes tout en sachant qu'on participe à la banalisation du travail en horaires atypiques, la nuit, les jours fériés, les dimanches, etc. », ajoute un agent de la propreté de Paris.

Ils n'arriveront plus à nous opposer

Ne plus gagner sa vie à la perdre, telle est sur le fond la revendication primordiale des travailleurs de la filière « déchets ». Aussi bien ceux relevant du secteur public que du secteur privé qui, après des années de dumping social et de violentes dégradations de leurs conditions de travail et de vie ont fini par trouver le chemin de la convergence syndicale : « Pendant des années, on nous a opposés, et ça a marché. Aujourd'hui, c'est fini, et c'est déjà ça de gagné dans les consciences », fait valoir Sébastien Cravéro. D'où cette revendication commune, portée conjointement par les fédérations des transports CGT et celle des services publics, de création d'un service public national et d'un statut d'agent public pour l'ensemble de la filière.

Une revendication qu'il reste à faire valoir dans une période où les notions mêmes de service public et de statut sont attaquées avec force par le gouvernement Philippe, et présentées comme des privilèges par ses relais médiatiques. Pour Frédéric Aubisse, secrétaire général adjoint de la FTDNEEA CGT, la séquence actuelle est paradoxalement très favorable : « Le contribuable sait bien, désormais, que chaque privatisation d'un service d'intérêt public comme celui de l'eau ou celui du traitement des déchets aboutit systématiquement à un coût plus élevé, pour un service rendu inférieur en qualité et, en l'occurrence, néfaste pour la planète et la santé des travailleurs. »

L'exemple hongrois ? Surtout ne pas s'en inspirerLa Hongrie, pays à la pointe de l'excellence en matière de traitement des déchets jusqu'en 2012, se trouve aujourd'hui au sommet… d'une montagne de déchets. Si l'argent n'a pas d'odeur, la logique du marché elle flaire constamment les bénéfices à faire. Or, les actionnaires des entreprises privées qui désormais gèrent la filière déchet trouvent trop peu rentable de reprendre des contrats » bon marché » passés avec les collectivités. Résultat : ça empeste à Budapest, au sens propre comme au figuré.