Avec « Le Bouton de nacre », son dernier documentaire, le cinéaste chilien Patricio Guzmán prolonge sa réflexion sur la mémoire historique de la dictature de Pinochet. Et la met en orbite comme une poésie interstellaire.
Cela fait quarante ans depuis la sortie de La bataille du Chili (1975), mais il n'en a pas fini avec la mémoire collective de son pays. Patricio Guzmán poursuit son œuvre et c'est tant mieux.
Parce qu'il n'a cessé d'en renouveler les formes, les projections.
Le Bouton de nacre apparaît comme le prolongement naturel de Nostalgie de la lumière, son dernier documentaire où le désert d'Atacama et ses gigantesques télescopes servaient de point de départ à une réflexion politico-métaphysique sur l'extermination des prisonniers politiques de la dictature de Pinochet.
Là, il passe encore un cran, en reconstituant l'histoire de deux boutons de nacre découverts au fond de l'océan Pacifique, près des côtes chiliennes, pour mettre en regard le génocide des années 1970 avec celui des premiers habitants du Chili, les Indiens de Patagonie.
« EN REGARDANT LES ÉTOILES, M'EST APPARU L'IMPORTANCE DE L'EAU »
Se saisir de l'infiniment petit, du dérisoire, du presque rien pour révéler l'infiniment grand, l'important, l'essentiel : la vie. Cela peut paraître ambitieux, démesuré. C'est le contraire. La démarche est assumée ; le cinéaste guide en voix off et d'un ton humble, pédagogique, poétique.
Il faut souligner la remarquable diversité de matériaux documentaires qui structurent le récit : entretiens avec des chercheurs, des témoins, des plasticiens ; témoignages des derniers Aborigènes d'Amérique dans leur propre langue ; cartes, objets, ossements…
Cette plongée dans l'histoire politique se fait en outre dans un intime dialogue avec la nature, les paysages extraordinaires de volcans, de montagnes, de glaciers et d'océan qui constituent la cordillère des Andes et ses rivages.
Les éléments naturels ont-ils une mémoire ? Ces deux vestiges de coquillages le montrent : l'eau a gardé le secret des crimes impunis à travers le temps. Désormais, un film le dit.
Le Bouton de nacre,
réalisé par Patricio Guzmán.
1 h 22. Sortie nationale le 28 octobre 2015