Conférence sociale : tout ça pour ça !
Très attendue par les Français, la journée d’échanges et de réflexions voulue par l’Élysée autour des rémunérations et du pouvoir d’achat s’est révélée «... Lire la suite
« Nous devenons un pays de bas salaires », déplorait le secrétaire général de la CGT au micro de France Info lors de la journée nationale de mobilisation interprofessionnelle du 19 mars. « On peut travailler et ne pas se loger, ne pas manger à sa faim, c'est quand même quelque chose d'inadmissible », ajoutait Philippe Martinez, qui enjoignait le gouvernement d'augmenter le Smic de 20 %.
D'une certaine manière, le mouvement des gilets jaunes porte « en creux » la question salariale, car si l'étincelle en a été l'augmentation des taxes sur les carburants, c'est bien parce que les citoyens les plus modestes ne parviennent plus à vivre des revenus de leur travail une fois honorées leurs dépenses contraintes.
Pourtant, la plateforme des gilets jaunes, fin novembre 2018, ne comportait que deux références aux salaires : un Smic à 1 300 euros net (il est à 1 171,34 € net depuis le 1er janvier) et un salaire maximum de 15 000 euros. Mais ce mouvement social se joue hors de l'entreprise et des syndicats, il n'aborde pas frontalement la question du partage de la richesse créée par le travail. Or le premier acte de ce partage, c'est le versement du salaire, décomposé en salaire direct et salaire socialisé.
Face aux gilets jaunes, la réponse d'Emmanuel Macron a été de détourner le débat sur la seule question du pouvoir d'achat et du revenu pour ne pas parler du salaire brut. Cette diversion lui a permis de répondre du même coup aux vieilles revendications patronales de réduction du coût du travail en amplifiant les réductions ou les exonérations de cotisations sociales ou en transférant les gains de pouvoir d'achat sur un crédit d'impôt.
Il ne s'est tourné vers les entreprises que pour leur offrir la possibilité de verser une prime exceptionnelle défiscalisée et exemptée de cotisations sociales, après leur avoir permis d'augmenter le net à payer en défalquant une partie des cotisations sociales.
De fait, si l'on se réfère à la notion même de salaire (brut et net), on peut dire que Macron a fait baisser les salaires. Ses mesures contribuent à fausser la notion même de salaire et à extraire une part des revenus d'activité de l'entreprise. Par la même occasion, elles exonèrent les entreprises, où se créent les richesses, de leur contribution à la redistribution sociale et fiscale.
Elles assèchent les recettes des régimes de protection sociale et siphonnent le budget national pour compenser la faiblesse des salaires. Par ailleurs, à cause des effets de seuil, cela exclut un grand nombre de salariés qui perçoivent un salaire qui reste insuffisant pour vivre correctement et pour rétribuer leurs compétences, leurs qualifications, leurs responsabilités.
Les réponses du président Macron obéissent à une sorte de loi d'airain édictée par le patronat et les libéraux : les salaires seraient l'ennemi de l'emploi. Une thèse en vogue au ministère du Travail dont la locataire, Muriel Pénicaud, affirmait en décembre 2018 que « le coup de pouce au Smic, on sait que cela détruit des emplois, cela n'est pas la bonne méthode ».
Pour Éric Heyer, économiste à l'OFCE, « cette vision classique omet le lien ambivalent entre Smic et chômage ». Certes le coût du travail augmenterait, « mais cela permettrait de booster la consommation des ménages, surtout quand ceux-ci, modestes, ont une faible propension à épargner. On ne constate alors qu'un léger impact négatif, d'autant que la consommation se reporte principalement sur des services locaux et des biens nationaux, 15 % de la consommation seulement allant à l'import ».
La thèse est également réfutée par les Économistes atterrés pour lesquels « le salaire n'est pas l'ennemi, mais l'ami de l'emploi. Durant les Trente Glorieuses, les salaires augmentaient régulièrement, cela entraînait l'activité et les entreprises ne s'en portaient pas plus mal. C'est ce cercle vertueux qu'est venu rompre le néolibéralisme à partir du début des années 1980. Avec la finance libéralisée et le libre-échange, il a imposé un régime d'austérité salariale ».
Les avantages économiques et sociaux d'une augmentation des salaires sont multiples. D'abord cela permettrait d'améliorer les conditions de vie des salariés, par exemple de faire reculer le phénomène de renoncement aux soins, cela aiderait les ménages à isoler leur logement, changer leur véhicule pour un modèle peu polluant, accéder aux vacances, à la culture.
« Si les plus modestes disposent d'un meilleur pouvoir d'achat, les carnets de commandes des entreprises vont avoir tendance à augmenter. C'est d'autant plus vrai que les plus modestes ont tendance à dépenser la totalité de leurs revenus », expliquait au Parisien David Cayla, membre des Économistes atterrés, le 10 décembre 2018. « Depuis Keynes, on sait que la demande de travail est aussi fonction du carnet de commandes des entreprises. »
On peut ajouter que cela permettrait également d'augmenter les recettes fiscales de l'État, tout comme les cotisations sociales salariales et patronales. Ni le gouvernement, ni les penseurs libéraux qui professent l'austérité salariale et la baisse du coût du travail ne sont en capacité d'en expliquer les bénéfices. Et pour cause, cette politique austéritaire n'a permis de sauver aucun emploi. Pire, elle contribue à en détruire. Elle a considérablement amplifié les inégalités sociales. Il est urgent de réinscrire notre pays, de même que ses voisins européens, dans un cercle plus vertueux.
Reconnaître et payer les qualifications pour lutter contre le déclassement
Très attendue par les Français, la journée d’échanges et de réflexions voulue par l’Élysée autour des rémunérations et du pouvoir d’achat s’est révélée «... Lire la suite
Plus de quatre mois après la dernière manifestation contre la réforme des retraites, les syndicats entament une nouvelle séquence avec le gouvernement lors de la conférence... Lire la suite