De fait, si l'on se réfère à la notion même de salaire (brut et net), on peut dire que Macron a fait baisser les salaires. Ses mesures contribuent à fausser la notion même de salaire et à extraire une part des revenus d'activité de l'entreprise. Par la même occasion, elles exonèrent les entreprises, où se créent les richesses, de leur contribution à la redistribution sociale et fiscale.
Elles assèchent les recettes des régimes de protection sociale et siphonnent le budget national pour compenser la faiblesse des salaires. Par ailleurs, à cause des effets de seuil, cela exclut un grand nombre de salariés qui perçoivent un salaire qui reste insuffisant pour vivre correctement et pour rétribuer leurs compétences, leurs qualifications, leurs responsabilités.
Trois décennies d'austérité salariale
Les réponses du président Macron obéissent à une sorte de loi d'airain édictée par le patronat et les libéraux : les salaires seraient l'ennemi de l'emploi. Une thèse en vogue au ministère du Travail dont la locataire, Muriel Pénicaud, affirmait en décembre 2018 que « le coup de pouce au Smic, on sait que cela détruit des emplois, cela n'est pas la bonne méthode ».
Pour Éric Heyer, économiste à l'OFCE, « cette vision classique omet le lien ambivalent entre Smic et chômage ». Certes le coût du travail augmenterait, « mais cela permettrait de booster la consommation des ménages, surtout quand ceux-ci, modestes, ont une faible propension à épargner. On ne constate alors qu'un léger impact négatif, d'autant que la consommation se reporte principalement sur des services locaux et des biens nationaux, 15 % de la consommation seulement allant à l'import ».
La thèse est également réfutée par les Économistes atterrés pour lesquels « le salaire n'est pas l'ennemi, mais l'ami de l'emploi. Durant les Trente Glorieuses, les salaires augmentaient régulièrement, cela entraînait l'activité et les entreprises ne s'en portaient pas plus mal. C'est ce cercle vertueux qu'est venu rompre le néolibéralisme à partir du début des années 1980. Avec la finance libéralisée et le libre-échange, il a imposé un régime d'austérité salariale ».
Des salaires pour mieux vivre
Les avantages économiques et sociaux d'une augmentation des salaires sont multiples. D'abord cela permettrait d'améliorer les conditions de vie des salariés, par exemple de faire reculer le phénomène de renoncement aux soins, cela aiderait les ménages à isoler leur logement, changer leur véhicule pour un modèle peu polluant, accéder aux vacances, à la culture.
« Si les plus modestes disposent d'un meilleur pouvoir d'achat, les carnets de commandes des entreprises vont avoir tendance à augmenter. C'est d'autant plus vrai que les plus modestes ont tendance à dépenser la totalité de leurs revenus », expliquait au Parisien David Cayla, membre des Économistes atterrés, le 10 décembre 2018. « Depuis Keynes, on sait que la demande de travail est aussi fonction du carnet de commandes des entreprises. »
On peut ajouter que cela permettrait également d'augmenter les recettes fiscales de l'État, tout comme les cotisations sociales salariales et patronales. Ni le gouvernement, ni les penseurs libéraux qui professent l'austérité salariale et la baisse du coût du travail ne sont en capacité d'en expliquer les bénéfices. Et pour cause, cette politique austéritaire n'a permis de sauver aucun emploi. Pire, elle contribue à en détruire. Elle a considérablement amplifié les inégalités sociales. Il est urgent de réinscrire notre pays, de même que ses voisins européens, dans un cercle plus vertueux.
Reconnaître et payer les qualifications pour lutter contre le déclassement