9 mars 2023 | Mise à jour le 9 mars 2023
Par
Pauline Porro
| Photo(s) : Amaury Cornu / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Depuis le début du conflit social contre la réforme des retraites, la jeunesse est particulièrement présente au sein des cortèges. Afin de durcir le rapport de force, plusieurs universités et grandes écoles ont entamé des blocages depuis le 7 mars. Reportage à l’Université de Nanterre, où les étudiants réfléchissent à la suite à donner au mouvement.
« La révolution française s’est décidée dans des salons, qui sait ce qui pourrait se décider sur les pelouses de Nanterre ! » À la tribune de l’AG des étudiants de Nanterre (Hauts de Seine) ce jeudi 9 mars, les interventions se succèdent. Noé, applaudi pour sa sortie sur le devenir-révolutionnaire des pelouses de l’université, propose à ses camarades de créer du lien social avec les autres étudiants en programmant des interventions d’étudiants aguerris ( en sociologie, en économie, en droit…) pour décrypter la réforme des retraites. Et pourquoi pas un Nuit debout de Nanterre? Ou des collages ? Coralie, doctorante et chargée de TD, encourage la poursuite du blocage : « cela motive les autres facs à faire pareil ! Nous les enseignants, on a besoin de la mobilisation étudiante. » Alexandra, doctorante également, abonde : « C’est délicat pour tous les précaires de l’université d’entrer en grève car on craint de ne pas être titularisés. Nos contrats de travail nous interdisent de bloquer, mais on est là pour vous soutenir ! »
La centaine d’étudiants présents dans l’amphithéâtre ce matin participent pour la plupart à leur troisième journée consécutive de blocage. Alors que 31 universités, trois écoles d’art et huit écoles d’architectes étaient bloquées le mardi 7 mars pour protester contre la réforme des retraites, Nanterre est la seule université d’Île-de-France toujours bloquée aujourd’hui. Au centre Pierre-Mendès-France, (« Tolbiac »), annexe de l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et habituel centre névralgique de la contestation étudiante, la présidence a préféré fermer le site jusqu’à la fin de la semaine. À Nanterre, plusieurs cours sont passés en distanciel, réduisant de fait la portée de la mobilisation. D’ailleurs, reconduire le blocage ne fait pas l’unanimité parmi les étudiants. Alors que certains estiment la mobilisation réussie et invite à radicaliser l’action, d’autres préfèrent interrompre le blocage et viser la massification du mouvement.
« Une génération qui a tout subi »
La contestation des étudiants débordent largement le cadre de la réforme des retraites. En ligne de mire immédiate, la réforme des bourses sur critères sociaux voulue par le gouvernement. Promise depuis le début du premier quinquennat Macron pour lutter contre la précarité étudiante, la réforme devait faire l’objet d’annonces officielles en janvier, mais ces dernières ont sans cesse été reportées. « Cela fait six ans qu’ils nous la promettent et toujours rien, déplore Hugo Prévost, porte-parole de L’Alternative, syndicat étudiant qui milite pour la mise en place d’un revenu étudiant. En l’absence d’annonces officielles concernant la future réforme, le syndicaliste doit se contenter des offs qui ont fuité dans la presse : « il s’agirait apparemment simplement de réintégrer les étudiants sortis du système car ce dernier est obsolète mais en en aucun cas de régler la précarité étudiante. » Pourtant, il l’assure, la précarité touche un parte toujours plus importante d’étudiants : Un étudiant sur deux travaille et c’est la première cause d’échec en licence, 40% d’entre eux ne se soignent pas pour des raisons financières… Dans les distributions alimentaires, il y a toujours autant d’étudiants que pendant le Covid. » De façon structurelle, la mobilisation en cours à l’université de Nanterre raconte le mal-être d’une jeunesse qui se sent sacrifiée. « On est une génération qui a tout subi : la gestion catastrophique du Covid, le distanciel, la précarité, la sélection à l’université… » liste un étudiant impliqué dans le blocage. Mais dit aussi tout l’espoir que les jeunes placent dans ce mouvement : « on sent qu’on peut faire reculer le gouvernement, et s’il recule sur la réforme des retraites, on pourra ensuite le faire reculer sur la réforme des bourses, la sélection… »
Midi. Fin de l’AG. Les étudiants votent contre la reconduction du blocage le lendemain, et se donnent rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles mobilisations sur l’université. À l’unanimité, ils appellent à rejoindre le cortège parisien organisé dans l’après-midi par plusieurs organisations syndicales contre la réforme des retraites, auquel participeront des travailleurs. Véran, membre de l’interprofessionnel du 92, en grève depuis trois jours, a fait le déplacement à l’AG étudiante. « Nous avons décidé de rejoindre votre manifestation aujourd’hui » annonce le professeur des écoles, sous les acclamations du public. Avant de conclure : « Vous êtes le coeur et la tête de ce mouvement ! »