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Les habitants du Pas-de-Calais affrontent des crues à répétition depuis novembre

11 janvier 2024 | Mise à jour le 11 janvier 2024
Par | Photo(s) : Handout / Securite Civile / AFP)
Les habitants du Pas-de-Calais affrontent des crues à répétition depuis novembre

Les inondations qui affectent plusieurs localités du Pas-de-Calais depuis début novembre ont contraint les habitants à s'organiser dans l'urgence pour redémarrer les entreprises ou héberger les sinistrés. La population nordiste affronte l'épreuve dans la solidarité. Reportage à Saint-Etienne-au-Mont  

« Le 3 novembre, nous avons eu un mètre d'eau dans nos locaux, puis il y a eu trois autres inondations et aujourd'hui encore le bâtiment est inutilisable » témoigne Willy Fluet, délégué CGT de la SBE, une entreprise de réparation de téléphones qui emploie près de 450 salariés à Saint-Léonard, dans la zone industrielle de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). SBE est la plus grosse entreprise de la zone industrielle dite de « la Liane », qui s'étend sur les communes de Boulogne-sur-Mer, Saint-Léonard, Saint-Etienne-au-Mont et Pont-de-Briques. L'imprimerie SIB (150 salariés) qui jouxte la SBE a subi le même sort et les salariés sont mis au chômage technique, un nouveau coup dur après le plan social qu'a vécu cette PME en 2022 consécutivement à la perte du marché d'impression des publicités. Idem pour KFB, une petite entreprise de recyclage textile qui emploie une cinquantaine de salariés. Machines, mobilier et ordinateurs endommagés, murs imbibés d'eau, systèmes électriques et de chauffage hors d'usage, trois mois plus tard, avec la succession de nouvelles crues et l'arrivée du froid on ignore encore ce qui pourra redémarrer ou pas. Les concessionnaires Citroën (automobile) et Harley Davidson (motos) ont quant-à-eux vu leur parc de véhicules neuf noyés jusqu'au niveau du moteur. La zone industrielle pourra-t-elle fonctionner comme auparavant ? Faudra-t-il déménager ? Où ? Comment, avec quelles aides ? Pourra-t-on éviter que cela se reproduise ? Est-ce possible ? Il est manifestement trop tôt pour répondre à toutes ces questions. 

Priorité au redémarrage  

En attendant, les entreprises essaient de redémarrer en explorant diverses solutions. « Après la première inondation chez SBE, on a demandé des volontaires pour nettoyer, mais il y a eu la deuxième crue et cette fois, l'entreprise a été mise à l'arrêt » rapporte Willy Fluet. Inutile de préciser la catastrophe économique locale qu'aurait représenté la fermeture de cette entreprise rachetée en juillet dernier par Cordon Group. Par chance, ce nouvel employeur a pu trouver un autre local logistique sur la commune voisine d'Outreau. Il s'agit d'un grand hangar sous lequel ont été dressé des chapiteaux pour protéger le matériel.  « Nous avons mis quinze jours à un mois, selon le secteur, pour redémarrer. Les salariés ont mis la main à la pâte pour déblayer, récupérer les établis et s'installer dans ces locaux provisoires. Nous espérons cependant trouver prochainement des locaux définitifs dans le Boulonnais, mais rien n'est encore acté. »        

Le chômage technique amputé    

 Face à de telles situation d'urgence, la suppression de l'APLD (activité partielle de longue durée) par le gouvernement au 1er janvier 2023 fait figure de double-peine pour les salariés. En effet, si l'APLD permettait de maintenir 70% du salaire brut, l'indemnisation du chômage technique ne se situe plus aujourd'hui qu'à 60% du brut. D'où la revendication de la CGT du maintien du salaire explique le délégué de SBE : « J'ai réclamé et obtenu la compensation de la moitié de la perte de revenus liée au chômage technique, soit une indemnisation totale au niveau de 80% du brut ».   

Inondée à quatre reprises depuis début novembre, la direction de la moutarderie Ateliers épices et condiments de Saint-Etienne-au-Mont a de son côté décidé de ne pas faire appel au chômage technique mais de maintenir les salaires. Sur place, le nettoyage n'est pas encore terminé, mais la quinzaine de salariés s'affaire pour remettre tout en marche. « Tout le monde s'est montré volontaire pour nettoyer et je ne me voyais pas mettre les salariés en chômage technique à Noël » nous déclare Nicolas Royer, gérant de l'entreprise. John Warmel, délégué CGT confirme l'état d'esprit des salariés : « On n'a pas arrêté l'usine, on s'y est tous mis. La semaine dernière, il y a une nouvelle alerte rouge. Nous sommes tous venus pour soulever les palettes. Ici on se serre les coudes, on a toujours fait ça. »      

Des élus en première ligne  

A Saint-Etienne-au-Mont, commune de 5150 habitants, quelque 300 logements ont été touchés par les inondations à des degrés divers. Le local où étaient entreposés les matériels des services techniques municipaux ainsi que la maison intercommunale de la petite-enfance ont été endommagés. Le budget de la commune ne s'en remettra pas de sitôt. Immédiatement, la commune s'est activée pour trouver des solutions d'hébergement et apporter des repas.   

Aurait-on pu éviter les crues ? Peut-on déménager les entreprises en zone inondable ? Rien de tout cela ne semble évident, simple voire même réalisable. L'insuffisance du curage des canaux ou le mauvais fonctionnement des écluses est pointé par certains, notamment les agriculteurs. Philippe Godeau, premier adjoint au maire (PCF) de la ville estime que malgré les efforts de chacun, il existe des conflits de compétences pour le financement de l'entretien et le curage des canaux qui conduisent à ces résultats. Il en appelle à une plus grande responsabilité de la part de l'Etat.  Dans le malheur, il relève toutefois quelques événements de solidarité concrète entre les collectivités et les citoyens. Par exemple, le don de matériel déclassé par la ville de Boulogne-Billancourt, qui a permis de remeubler la crèche municipale.  « Ces évènements catastrophiques sont l'occasion de mesurer la solidarité de nos concitoyens et là-dessus cela s'est bien joué. Dès la première crue, l'ensemble des élus et des agents administratifs sont sortis à notre appel pour nettoyer. »