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SALAIRE

Les salariés et syndicats turcs à l'offensive pour les salaires et les conditions de travail

1 mars 2022 | Mise à jour le 1 mars 2022
Par | Photo(s) : Adem Altan / AFP
Les salariés et syndicats turcs à l'offensive pour les salaires et les conditions de travail

Manifestation de livreurs en deux roues pour le niveau de leur rémunération à Istanbul le 4 février 2022

Les salariés turcs en ont plus que marre de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Et ils le disent. Les grèves et mouvement de protestation se succédant désormais depuis le début de l'année dans ce pays où la répression reste de mise…
La Turquie n'avait pas connu cela depuis les années 1970, avant qu'une junte militaire ne reprenne le « contrôle », y compris celui des organisations syndicales, en 1980, politique par ailleurs toujours suivie par l'actuel président, Recep Tayyip Erdogan.
Pourtant, depuis le début de cette année, c'est plus d'une soixantaine de grèves, d'occupations d'usines, de manifestations qui ont été recensées à travers le pays quand on en dénombrait tout juste 84 entre 2016 et 2020. Coursiers des plateformes de livraison à domicile, ouvriers du textile, salariés de la grande distribution, journalistes… ce, alors que, comme le rappelle Nejat Ferouse, conseiller confédéral à l'espace international de la CGT, avec « les restrictions et la répression incroyable des libertés d'expression et de d'opinion en Turquie, il est impossible d'organiser des manifestations sans que la police n'intervienne de suite même si le droit de manifester existe et est reconnu par la Constitution ».

L’inflation dépasse 40 %

Une vague revendicatrice qui témoigne du désespoir, du ras-le-bol de la population face à la situation sociale et économique du pays. « La livre s'est effondrée [de 60 % en 2 ans par rapport au dollar, ndlr] et, au cours de ces six derniers mois, l'inflation dépasse 40 %. Avec des prix qui ne cessent d'augmenter », explique Eyüp Özer, responsable international du syndicat turc Disk. « Les salariés voient leur pouvoir d'achat diminuer de moitié tous les 6 mois et rencontrent de plus en plus de difficultés pour se nourrir, payer leurs factures d'énergie. » Surtout que, en Turquie, « il n'y a pas d'indexation automatique des salaires sur le taux d'inflation ».
Quant à la revalorisation du salaire minimum, de 50 %, en début d'année, elle a déjà été avalée par l'inflation. Et a même entrainé un effet pervers. « Le problème est que cela ne s'est pas appliqué au reste de l'échelle salariale, ce qui fait que ceux qui étaient au niveau le plus bas se retrouvent maintenant avec des rémunérations égales à celles des salariés des échelons supérieurs, lesquels se sentent maintenant déclassés. C'est comme si tout le monde était désormais payé au salaire minimum ! », ajoute le militant syndical.

Répression antisyndicale

Si l'on ajoute à cela un patronat local qui fait à peu près ce qu'il veut, empêche surtout toute syndicalisation indépendante, seules 10 % des entreprises turques bénéficiant de convention collective, et dont la réponse aux revendications des salariés se résume par des déqualifications, des licenciements et une chasse aux syndicats et syndiqués, on comprendra que la colère se généralise. D'autant que, en janvier dernier, pas moins de 111 travailleurs sont décédés sur leur lieu de travail. Ils étaient 2107 en 2021. « Il n'y a aucune protection contre l'inflation, ni contre les accidents du travail », ironise le syndicaliste turc qui précise que, « lorsque la Turquie a rejoint l'Union douanière avec l'Europe [en 1995, ndlr], l'une des clauses de cette entrée était que le pays démocratise ses institutions sociales et la représentation syndicale dans les entreprises. Cela n'a jamais été fait ».
Une volonté délibérée du gouvernement donc mais pas que. « La Turquie sous-traite pour de nombreuses compagnies et multinationales européennes, y compris françaises, qui profitent de cette situation et ne veulent surtout pas que cela change. Il faut garder des salaires bas pour que les coûts de production restent bas », dénonce Eyüp Özer. « Les entreprises et gouvernements européens sont complices du gouvernement turc. »