Sous les palmiers, la fraude…
L’affaire Cahuzac et une enquête journalistique d’une ampleur sans précédent ont à nouveau braqué les projecteurs sur unsystème mondialisé de montages complexes qui... Lire la suite
Manuela Dona : Nous venons d'apprendre, à l'occasion d'un groupe de travail piloté par notre administration, dans le cadre d'un vaste projet de transfert des missions fiscales de la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) vers la Direction générale des Finances publiques (DGFIP), plus de 28 % des contentieux douaniers vont faire l'objet d'une « admission en non valeur », formule pudique qui cache mal un cadeau de plusieurs milliards d'euros de droits et taxes qui avaient été fraudés au cours de ces dernières années. Autrement dit, sans suites. Autrement dit, le recouvrement de ces fraudes fiscales n'aura pas lieu au motif que la charge du transfert du recouvrement de ces dettes serait trop lourde à mettre en œuvre au sein de la DGFIP qui n'est pas équipée pour traiter ce type de dossiers. Et de fait, la DGFIP se charge de percevoir l'impôt, pas de le contrôler.
Tout simplement en se basant sur la teneur de nos redressements annuels qui sont de l'ordre de 75 milliards d'euros, dont 35 milliards rien que pour les fraudes aux taxes sur les carburants. Partant de quoi, on estime que les 28 % de redressements admis en non — valeur dans le cadre de leur transfert à la DGFIP représentent à minima 5 milliards d'euros.
Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les missions douanières n'ont rien à voir avec celles de la DGFIP. Nous, les douaniers, effectuons des contrôles sur place de marchandises mal ou sous-déclarées, de comptabilité, de TVA à l'importation ou sur les taxes aux biocarburants, etc.. Autant de missions qui ne relèvent pas du champ de compétences de la DGFIP.
Aucunement, car tout comme nous, nos collègues de la DGFIP ne sont pas responsables des décisions politiques de 2019 qui leur imposent d'avoir à gérer certaines de nos missions, en plus des leurs, d'ici 2024.
Par exemple, le transfert de la TVA pétrole et des taxes sur les boissons non alcoolisées. Ou encore, le recouvrement de la TICPE (taxe intérieure sur les produits énergétiques) qui est l'une des principales sources de recettes fiscales de l'État.
Elle tient au fait que nous sommes tous pareillement scandalisés et outrés de constater qu'en dépit d'une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent, l'objectif du gouvernement de supprimer 6 000 postes reste inchangé.
Nous sommes tous pareillement atterrés de constater que, pour réduire la masse des fonctionnaires des douanes, ce gouvernement est prêt à sacrifier 5 milliards d'euros de créances liées à de la fraude fiscale.
Nous sommes effarés, car nous sommes censés être un « bras armé » des institutions financières de la République. Or, nous avons pour interlocuteur un ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, qui assume de ne pas dire la réalité à l'Assemblée nationale lorsqu'on l'interpelle sur le recouvrement des dettes et taxes que son ministère a prévu d'effacer dans le cadre du transfert de nos missions.
Du coup, pour la première fois de l'histoire les sept syndicats des douanes (CGT-CFDT-CFECGC-FO- -CFTC-Solidaires-UNS) parviennent à s'accorder sur un communiqué commun, qu'il convient d'interpréter comme le lancement d'une alerte.
Les recours juridiques sont épuisés. Comme le précise le communiqué intersyndical, nous en sommes rendus à devoir interpeler la Cour des comptes, c'est dire..
La loi de finances de 2019 étant votée, il sera difficile de revenir sur ce vote. En revanche, nous pouvons encore pousser les feux auprès des parlementaires pour qu'ils fassent obstruction à la mise en œuvre des admissions en non-valeur.
On peut s'appuyer sur les rapports Gardette (rapport de 2 019 aux ministres sur la réforme du recouvrement fiscal) et de la Cour des comptes (rapport public sur la direction générale des douanes et droits indirects de septembre 2020) qui se sont prononcés contre le transfert de certaines taxes à la DGFIP, mais qui n'ont pas été suivis par le gouvernement. À l'appui de quoi, on pourrait profiter aussi des élections régionales pour obtenir une question au gouvernement.