Au musée d'histoire vivante de Montreuil, la mémoire ouvrière à l’honneur
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Bernard Müller : Marc Arbogast, ancien président des brasseries Fischer, a constitué en quatre décennies une collection d'environ 1 000 objets de culte vodou. Trouvant, selon ses propres termes, « ridicule de garder ça pour lui », il s'est mis à la recherche d'un lieu d'exposition permanent et trouvé ce château d'eau abandonné. Il a contacté Nanette Jacomijn Snoep, conservatrice au Quai Branly et commissaire de l'exposition inaugurale, pour réfléchir à ce qui peut être montré et comment le montrer. Il m'a ensuite contacté pour faire l'inventaire de sa collection et la documenter. De ce travail qui a duré un an et demi est né un livre aux contributions afro-européennes, Vodou/Voodoo (1), conçu pour donner des clés de compréhension du phénomène.
C'est un concept de James Clifford, anthropologue américain qu'on pourrait résumer à : comment faire pour qu'un lieu qui présente des objets d'autres cultures rende l'interaction possible ? C'est une question que se posent tous les musées… L'idée est d'intégrer les populations au projet culturel. Nous sommes une petite structure avec assez peu de moyens, mais cela nous donne une grande souplesse dans nos démarches, on peut expérimenter… Cela peut passer par des « petites formes », visites musicales, contées, entrées thématiques comme celle de la pharmacopée, si importante dans le vodou. Le musée Vodou montre une culture vivante, nous ne sommes pas dans les Arts Premiers, pas dans un temps et des pratiques révolus.
Les objets présentés sont, certes, du point de vue du culte, en hibernation, mais les croyances et traditions qu'ils représentent sont bien vivantes, on se doit d'impliquer les gens. Vous affirmez, et d'autres chercheurs avec vous, que le vodou est autant une philosophie, un art de vivre qu'une religion.
Parler du statut du vodou est aussi un enjeu de pouvoir, comme le débat entre langues et dialectes, celui d'une reconnaissance implicite. C'est bien sûr une religion, mais c'est aussi une vision du monde que l'on peut partager sans être adepte ou initié. Une manière de poser l'homme dans le monde avec sa poésie, ses symboles, ses rébus. Un art de transformer la banalité du quotidien en autre chose.
Ce qui se joue dans le vodou, c'est cet éclairage différent de notre quotidien, comparable, à mon avis, à l'expérience que peut nous faire vivre le Surréalisme ou le Nouveau Réalisme, comme dans les « tableaux-pièges » de Daniel Spoerri, qui collait sur des planches des objets quotidiens ramassés dans sa chambre d'hôtel, des restes de repas. Cet éclairage nouveau du banal, qui nie la prétention artistique, son côté inspiré. Le vodou nous invite à considérer différemment nos vies, à reformuler les liens qui nous unissent.
Elle fit partie de l'imagerie liée au vaudou haïtien, plus marqué par la magie noire. On peut la comprendre comme une réponse à la violence subie par ces hommes et ces femmes arrachés à leurs familles et à leurs villages pour devenir une force de travail maltraitée. Ce cliché hollywoodien de sorcellerie et de maléfice qui entoure le vaudou haïtien est une forme de succès : eux qui n'avaient rien, réussissaient à inspirer la crainte. La magie noire existe dans le vodou d'Afrique, mais n'est qu'un élément parmi d'autres.
Par ailleurs, les prêtres eux-mêmes constituent une sorte de comité éthique du vodou. Tout récemment, par exemple, au Togo, un jeune homme ayant la charge d'un culte s'est vu priver de ses objets car il les utilisait pour la magie noire, la sorcellerie. Il y a une volonté de réguler et d'écarter les charlatans, il faut noter au passage qu'au Togo, le terme n'est pas péjoratif, « charlater » signifie « faire la divination ».
Les réalités entre Haïti, le Bénin, le Togo ou les Antilles sont évidemment très différentes, mais peut-être est-il en train de se passer quelque chose avec le Brésil, à l'image de cette cérémonie qui a lieu à Glidji (Togo), très émouvante, pendant laquelle des ossements de prêtres du candomblé brésilien, des pères et mères de saints comme on les appelle, ont été enterrés dans leur sol originel. Il faut dire que le Brésil a connu la phase finale de l'esclavage et la mémoire des origines s'est mieux gardée. Dynamisme économique aidant, on assiste à un regain d'intérêt pour l'Afrique et pour la redécouverte de cette mémoire commune dont le vodou est une des manifestations les plus fortes. nx
(1) Vodou, voodoo, autour de la collection Arbogast, de Nanette Jacomijn Snoep et Bernard Müller, éd. Loco, 42,75 euros
Pour info
Musée Vodou, 4, rue de Koenigshoffen, 67000 Strasbourg. Tél. : 06 01 22 12 53 contact@musee-vodou.com
Stéphane Damant
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