26 octobre 2018 | Mise à jour le 25 octobre 2018
Comment et pourquoi s'est construit à la Libération un État régulateur, planificateur, social ? Comment et pourquoi est-il démantelé depuis les années 1990, avec une accélération sans précédent depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir ? Une analyse à ne pas rater dans le nouvel ouvrage de Danielle Tartakowsky et Michel Margairaz.
« Statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… À y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » Cette réflexion date déjà de 2007. Elle est de Denis Kessler, alors numéro deux et idéologue du Medef, à propos des réformes de Nicolas Sarkozy, dans le magazine Challenges.
Sept décennies en analyse
Partant notamment de cette citation, deux historiens, Danielle Tartakowsky (professeure honoraire d'histoire contemporaine à l'université de Paris 8) et Michel Margairaz (professeur d'histoire économique contemporaine à Paris 1) analysent dans un nouvel ouvrage, L'État détricoté, de la Résistance à la République en marche, ce qui, de l'État social, planificateur et régulateur issu du programme du Conseil national de la Résistance, est aujourd'hui démantelé.
Pour cela, ils reviennent sur le contexte national et international qui a permis l'émergence du « Welfare State » ou État du mieux-être social (expression qu'ils préfèrent à celle d'État providence), sur son contenu, sur la volonté régulatrice qui a dominé plusieurs décennies au sein du pouvoir lui-même, sur l'articulation entre régulation, mobilisations et conquêtes sociales, puis sur la rupture qui s'est accentuée dans les années 1990 et 2000, du fait du type de mondialisation. Ils reviennent sur l'évolution des luttes devenues alors principalement défensives.
Une première partie est ainsi consacrée à l'État social et à sa crise de 1945 à 1992, une seconde partie à « Libéralisation de l'État, mondialisation, nouvelle économie », de 1993 à 2017. Dans le dernier chapitre, ils scrutent la conception macronienne de l'État « réduit à l'exécutif expert », la mise à mal des « corps intermédiaires » dans le cadre d'un dialogue qui ne l'est pas, l'inflexibilité du gouvernement qui place les mouvements sociaux « à la croisée des chemins ».
État autoritaire
L'État demeure, mais sur ses bases régaliennes et dans une vision autoritaire, tandis que le couple Macron-Philippe s'emploie à « défaire 1945 », sans préciser la finalité de leur « marche ». Les auteurs mettent en lumière le découpage de la société en trois strates, les « premiers de cordée » qui s'enrichissent au nom de la compétitivité et de la croissance, les plus démunis précarisés, et les classes moyennes soumises à des prestations décroissantes.
Un livre éclairant qui intéressera tous ceux et celles qui résistent à cette nouvelle perspective étatique. À lire, dans le numéro de novembre de la NVO, un entretien avec Michel Margairaz.