Réforme des retraites : à l'heure du bilan
Les 20 et 21 juin 2023 se tenait le conseil national de l'UFSE-CGT(Union Fédérale des syndicats de l'Etat) à Montreuil, Seine Saint Denis. L'occasion, notamment, de dresser... Lire la suite
A gauche Robert Salais est économiste et professeur à l'ENS de Cachan. Il a publié en 2013 Le viol d'Europe, enquête sur la disparition d'une idée.
A droite Joël Decaillon, ancien secrétaire général adjoint de la CES, est vice-président de Lasaire.
nvo : Y a-t-il, et depuis quand, une histoire commune entre le syndicalisme et l'Europe ?
Robert Salais : On peut pour commencer partir des revendications des syndicalistes au Congrès de La Haye des mouvements européens de 1948. Sous la rubrique travail, on trouve : l'élévation du niveau de vie, l'étude en commun entre les organisations professionnelles économiques et sociales des moyens d'accroître et de rationaliser la production, l'amélioration de la condition sociale, l'équitable répartition des produits de l'activité économique, l'assurance aux immigrants de niveaux de salaires, de la sécurité sociale, des conditions d'emploi et de vie du pays d'immigration et des politiques économiques pour favoriser le plein emploi ; ainsi que la revendication de « la participation nécessaire des travailleurs à la gestion de l'entreprise » qui souleva, déjà, un tir de barrage des libéraux.
Ces revendications sont significatives de l'inscription dans un projet qui n'avait rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui. L'idée européenne telle qu'elle se dégage à la fin de la guerre, en tout cas dans les mouvements résistants qui étaient pour l'Europe, est un projet universaliste.
Pour mesurer les évolutions de la construction européenne
et ses dérives, il faut revenir à 1948. L'idée initiale
des Européens en 1948, c'est celle
d'une coopération entre les peuples. Robert Salais
Joël Decaillon : Et un projet partagé. Tous les syndicats s'intéressent très tôt à l'Europe. Et, de ce point de vue, la CGT est très intéressante à regarder. Dès le début, elle s'investit. Elle siège par exemple au Comité économique et social dès sa création en 1958, met en place un comité de liaison permanent avec la CGIL à Bruxelles de 1966 à 1974, charge un membre du bureau confédéral des questions de l'Europe, etc. Mais elle est aussi victime d'exclusion.
Le seul organisme où il y a une négociation, c'est la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), le comité consultatif de la CECA. Or, à l'origine, la CGT comme les syndicats britanniques y sont refusés. Il y a déjà une certaine violence entre les syndicats. Qui pour moi s'explique par le fait qu'ils sont historiquement marqués, et en particulier dans cette période de l'histoire de l'Europe, par des choix politiques. Le débouché des syndicats est à l'époque sur un projet politique. Pour aller vite, disons qu'il y a trois projets qui traversent le syndicalisme européen. Un projet social-démocrate, un projet chrétien et un projet communiste. Et la guerre froide ne fait qu'amplifier les tensions entre ces trois projets. Il faut se souvenir que le traité de Rome intervient en 1957, quelques mois seulement après les événements de Budapest. Tout cela pèse, mais n'empêche pas la CGT de s'investir.
Comment vont évoluer les choses – les positions syndicales comme la construction européenne ?
Joël Decaillon : Les syndicats, et là je rejoins Robert, vont très vite avoir des revendications communes. Ce qui va leur permettre de surmonter les difficultés. La revendication majeure de la Confédération européenne des syndicats à sa création, c'est la réduction du temps de travail qui est aussi une revendication fondatrice de la CGT et du syndicalisme britannique. Pour moi, le principal tournant sera cependant assez tardif, c'est l'Acte unique qui est accompagné du dialogue social dit de Val Duchesse. C'est un tournant parce que le traité de Rome était ambigu sur la partie sociale, il ne comportait en tout cas aucun processus social réel.
Robert Salais : Pour mesurer les évolutions de la construction européenne et ses dérives qui, selon moi, ont finalement abouti à la disparition de l'idée d'Europe, il faut revenir à l'histoire de l'idée. L'idée initiale universaliste, c'est celle d'une coopération entre les peuples. Une coopération dans laquelle chacun des peuples favoriserait les autres dans leur développement autonome : politique, social, économique. Il y avait là quelque chose d'assez remarquable, incluant les valeurs de démocratie, de liberté et les droits fondamentaux. Il n'est question ni d'intégration économique ni même de marché. L'idée est que chacun, chaque peuple a son identité historique et qu'on peut se développer ensemble de manière coopérative, que c'est cette coopération qui créera l'Europe. Nous avons peu à peu basculé dès les années 1950 dans l'inverse.
Le retour des jeux politiques et gouvernementaux que ces premiers Européens redoutaient, la pression américaine pour instaurer un glacis anti-soviétique ont beaucoup contribué à ce basculement. En fait, l'Europe s'est en quelque sorte construite de manière négative, parce que dans ces jeux stratégiques il n'y avait aucune vision positive porteuse de l'idée d'Europe. Et nous sommes toujours dans ces jeux.
Joël Decaillon : Ça s'est même aggravé. Et, pour moi, le premier temps fort de l'aggravation, c'est encore l'Acte unique en 1986. L'Acte unique, parce que quand Jacques Delors relance l'Europe dans les années 1980, l'Europe est atone.
Robert Salais : Je ne suis pas sûr qu'elle soit atone. Elle hésite : ou je plonge dans la libéralisation, ou je poursuis la tendance précédente. Parce que dans les années 1970, on assiste quand même à un retour des droits du travail au niveau européen avec les directives Vredeling et les projets, certes avortés, d'information des salariés au niveau des sièges sociaux, y compris des entreprises multinationales. Je pense que l'idée même de relancer l'Europe est un masque. Il y a un autre projet derrière et Delors l'installe effectivement. Derrière l'Europe sociale, il y a la libéralisation des mouvements de capitaux.
Joël Decaillon : Oui, ce sont les quatre libertés (1). L'Acte unique constitue effectivement un basculement. L'ultralibéralisme aux États-Unis et en Angleterre est alors au firmament et il est clair que les dirigeants européens se rallient à cette théorie. Delors essaie de compenser, avec la création des fonds structurels européens et le dialogue social de Val Duchesse.
L'Acte unique introduit l'idée qu'il est possible d'avoir un dialogue. On a donc cette ouverture, mais en même temps l'Acte unique est un accord qui libéralise complètement l'Europe. Contrairement à ce qu'on pense souvent, le traité de Rome protégeait un certain nombre de secteurs comme l'eau, l'énergie, les transports, la santé, l'éducation…
Robert Salais : C'était un marché commun, pas un marché unique…
Joël Decaillon : Oui, un marché commun avec des secteurs protégés. Tous ces secteurs vont tomber dans l'escarcelle de la concurrence, la déréglementation la plus spectaculaire étant la libéralisation du transport aérien décidée par Reagan et Thatcher. Et l'acceptation de la CES de jouer le jeu de la Commission n'arrangera pas les choses. Dans le livre qu'elle vient de publier pour ses quarante ans, la CES qualifie la période de « période de promesses et de dangers ». C'est exactement ce qui s'est passé. Et les dangers se sont révélés bien supérieurs aux promesses…
Robert Salais : Il y a clairement un basculement dans les années 1980 qui s'effectue avant la chute du Mur de Berlin. Il est important de le rappeler. Il s'opère aussi dans la social-démocratie qui bascule en Europe, mais aussi en France, vers le libéralisme. D'accord, on parle de réduction du temps de travail mais, en même temps, derrière la réduction du temps de travail, il y a aussi l'idée du partage du travail. L'idée qui en fait domine, c'est qu'il n'y aurait pas d'autre issue que la macroéconomie.
Le mouvement syndical au niveau européen, en partie sous la pression des syndicalistes anglais qui entrent à la CES, en revient à la macroéconomie keynésienne alors qu'on néglige les droits. Et puis, il ne faut pas oublier qu'à Val Duchesse, le premier avis commun que Delors fait signer aux partenaires sociaux préconise que les salaires progressent moins vite que la productivité. Certes, l'avis n'engage pas beaucoup mais c'est quand même une pierre qui va ensuite paver le chemin de l'austérité. Quant à la libéralisation de la circulation des capitaux que Delors met en route dès son arrivée, elle est massive. Elle ne concerne pas seulement les mouvements internes à l'Union européenne mais aussi tous les mouvements de capitaux avec le reste du monde.
C'est ce qui constitue la vraie rupture ? Et comment peut-on l'expliquer ?
Robert Salais : C'est une profonde rupture. Jusque dans les années 1970, nous nous trouvons dans un système où chaque pays, avec le contrôle des mouvements de capitaux, est relativement protégé vis-à-vis des échanges extérieurs. C'est un système où c'est la communauté nationale qui décide démocratiquement des politiques à mener et qui les sanctionne. Avec le passage à la liberté de circulation des capitaux, ce sont désormais les marchés financiers mondiaux qui deviennent les évaluateurs et les seuls arbitres. Ce qui entraîne une perte d'autonomie au niveau national mais également au niveau européen puisque l'ouverture est totale.
Quant aux raisons, rétrospectivement, il y a une part d'inconscience, je dirais presque de démesure. Il faut compter avec la volonté de Jacques Delors d'arracher l'accord des Britanniques et des Allemands sur l'euro qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, n'est pas un projet allemand mais un projet français. Mais à ces circonstances s'ajoutent d'autres raisons qui viennent de plus loin. Pour ma part, je défends l'idée que l'Europe que nous avons constitue une sorte de compromis entre « planistes » et partisans du marché.
Une alliance paradoxale…
Robert Salais : Alliance paradoxale, mais sans doute pas vécue comme telle, et qui commence dans les années 1950. Dans le rapport Spaak (2) dont le rédacteur en chef est Pierre Uri, un planiste de la plus belle eau, ces libertés de circulation des produits, des services, des capitaux et des travailleurs sont en fait vues comme bonnes pour la planification générale de l'économie parce qu'elles permettraient, quand il y a une insuffisance de capitaux dans un endroit et un excès ailleurs, une allocation optimale des ressources. Le problème, c'est que c'est aussi l'argument des partisans du marché quand ils nous vantent aujourd'hui son efficience.
Je pense que cette convergence n'a pas été vue et on peut donc imaginer que c'est un peu « à l'insu de leur plein gré » que nos dirigeants sociaux-démocrates, planistes dans l'âme, se sont retrouvés avec les partisans du marché.
Joël Decaillon : Pour terminer sur la période de l'Acte unique, je pense qu'il y a un aspect qui mériterait d'être regardé de plus près, c'est la manière dont le dialogue social renforce les droits en termes de protection dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Je crois qu'il y a là de réelles avancées. En revanche, il faudra attendre l'affaire Renault Vilvorde, en 1997, pour relancer la mise en place d'une directive sur l'information et la consultation des salariés.
Robert Salais : Mais nettement moins ambitieuse que les projets Vredeling…
Joël Decaillon Inférieure au projet Vredeling, mais Vilvorde joue un rôle extrêmement important pour les syndicats européens. C'est quand même la première eurogrève organisée dans un groupe avec des salariés de France, de Belgique et d'Espagne. C'est aussi la première fois que la CGT est invitée à une manifestation de la CES. Louis Viannet est en tête de cortège, avec Notat d'un côté et Blondel et Gabaglio de l'autre. C'est vraiment un événement.
L'Acte unique est donc le premier basculement. Quel est le second ?
Joël Decaillon : C'est le traité de Nice en 2004 qui fait qu'aujourd'hui les institutions européennes ne peuvent plus fonctionner. C'est le résultat de l'élargissement à 27 pays et de la transformation de la Commission en collège avec un commissaire par pays. Ça peut paraître anodin pour les gens qui ne s'intéressent pas à l'Europe, mais le traité de Rome, c'était six pays. Trois grands pays et trois petits pays et ces trois petits pays avaient créé le Benelux, c'est-à-dire une entité économique. Autrement dit, on avait six pays mais quatre entités.
La particularité de la construction théorique des fondateurs, c'était de dire que nous sommes dans un compromis, un compromis entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. On avait donc un commissaire chrétien-démocrate et un commissaire social-démocrate pour chaque grand pays. Avec le traité de Nice, cette répartition n'existe plus. Ses rédacteurs sont, eux, sur un projet de consensus. Or, aujourd'hui, les institutions européennes ne sont plus consensuelles. Autrement dit, le projet initial n'a plus aucune fonction et les institutions sont dans un processus conflictuel. Par exemple, la Commission fait en 2013 deux communications au même moment. L'une sur l'Europe sociale et l'autre sur Refit (3) qui constitue une machine de guerre contre les droits sociaux et les normes standard. Toutes les normes standard, qu'elles soient environnementales ou de santé publique. En clair, pour faire un texte sur l'Europe sociale, le compromis s'est fait sur Refit…
Robert Salais : C'est vrai qu'il y a une dimension ingouvernable, nous sommes aujourd'hui face à un tel nœud de contradictions que tout est à peu près bloqué. D'où deux tentations. La première, c'est ce que mettent en place les dirigeants européens. Une gouvernance autoritaire, antisociale et très éloignée des citoyens et des peuples. Une gouvernance pilotée par un certain nombre d'indicateurs macroéconomiques, tel le déficit financier, avec des mécanismes de sanctions automatiques.
L'autre tentation, c'est le nœud gordien : on tranche d'un grand coup d'épée et puis on voit ce qui se passe. Dans les deux cas, il existe de très forts risques d'atteinte à la démocratie. Pour échapper à ce dilemme, je cherche dans mon livre, en retournant aux bifurcations qui ont été manquées à plusieurs périodes, à voir s'il n'y aurait pas quand même, à l'intérieur du processus européen, la possibilité de relancer certaines idées que j'appelle des « lucioles » redonnant un peu de lumière dans la nuit.
Lesquelles, par exemple ?
Robert Salais : Je pense, par exemple, que face à une gouvernance de plus en plus lointaine et autoritaire, la démocratie devient un enjeu central. Tout ce qui contribuera à faire redescendre le niveau de décision, tout ce qui assurera la participation du plus grand nombre aux décisions collectives sera un bien pour l'Europe et pour nos pays. Sortir de la crise implique aujourd'hui un nouveau modèle de développement humain, écologique et durable en Europe.
Pour cela, démocratiser les choix d'investissement est nécessaire, car toutes les « voix », celles du travail, des besoins sociaux, de la nature, doivent être entendus et pris en compte dans ces choix. Cela permettrait de redescendre les choix politiques et les choix économiques à des niveaux plus appréhendables comme les branches, les territoires ou les entreprises. Cela redonnerait une justification économique à la participation des salariés non pas à la gestion mais à la décision en pesant sur les choix en matière d'investissements. Et ce qui est vrai pour les salariés doit aussi l'être pour d'autres.
Car je crois aussi que le syndicalisme aujourd'hui ne peut plus intervenir sur les grands choix sans nouer des alliances, d'une manière ou d'une autre, avec la société civile. Avec tous les problèmes que cela pose, évidemment. Mais on voit très bien au niveau des territoires, par exemple, que l'action pour la défense de l'emploi ou la création de travail ne peut se faire simplement avec les syndicats. Il y a aussi besoin des collectivités territoriales, des associations, puisque la personne est coupée en morceaux finalement, il y a le côté familial, l'articulation de la vie au travail et de la vie personnelle, etc. Autant de choses importantes qui pourraient, me semble-t-il, revivifier très fortement la démocratie.
Joël Decaillon : La prise de conscience des syndicats européens sur ces questions est très nette. Reach (4) a été un élément détonateur de cette démarche et ce n'est pas un hasard si Refit le cible particulièrement aujourd'hui. Les principes de Reach sont la transparence, la traçabilité et le renversement de la charge de la preuve. Ce sont trois principes fondamentaux dans les relations sociales qui sont à la base et à l'origine du droit européen en matière de santé au travail, d'hygiène et de sécurité. Aujourd'hui, nous sommes face à la nécessité d'élargir la responsabilité syndicale aux choix d'investissement, à leur contenu et à leurs critères, Robert l'a dit, mais aussi à la nature des productions et à la transparence. On le mesure bien avec les enjeux de la transition énergétique, par exemple.
Sur ces objectifs et à partir de ces principes, il y a évidemment des alliances possibles avec la société civile. Je dirais des alliances objectives qu'il faut concrétiser. C'est ce que nous avons fait à Bruxelles avec le Spring Alliance qui rassemblait la CES, la plate-forme sociale et les ONG environnementales. C'est un travail permanent et exigeant.
Mais si nous ne le faisons pas, il est pour moi évident que nous passerons à côté de la notion d'intérêt général qu'il est absolument nécessaire de réhabiliter et de promouvoir. Même s'ils ont la force du nombre et de l'organisation, les syndicats ne peuvent être les seuls dépositaires de l'intérêt général. Si l'on accepte l'idée qu'on défend tous les travailleurs, qu'on a un rôle social, il faut donc ces alliances. C'est comme ça qu'évolue le syndicalisme en Amérique latine, et c'est aussi comme ça qu'il faut essayer de faire en Afrique puisque 80 % des travailleurs africains sont dans le secteur informel. C'est plus difficile en Europe parce que le syndicalisme reste un syndicalisme suffisamment fort pour entretenir dans ses rangs l'illusion qu'il peut continuer à faire cavalier seul.
Reste que ces alliances sont pour moi une nécessité objective et l'un des défis du syndicalisme au xxie siècle. Elles doivent permettre de créer un nouvel espace démocratique européen réduisant les tendances populistes actuelles.
Quelle appréciation portez-vous sur le syndicalisme européen et notamment sur la proposition de la CES d'un plan d'investissements massifs pour sortir de la crise ?
Joël Decaillon : Je pense que le syndicalisme européen a eu très chaud avec l'affaire grecque. Fait le plus notable, les syndicats allemands ont manifesté dès le début leur solidarité avec les syndicats grecs. Le syndicalisme allemand a critiqué la politique d'Angela Merkel aussi bien au plan intérieur qu'extérieur. Il a joué un rôle essentiel pour promouvoir la revendication d'un salaire minimum en Allemagne, rendant réaliste l'objectif d'un salaire minimum européen.
Quant à la CES, elle s'est immédiatement prononcée contre l'austérité, elle a dit : l'austérité n'a aucune chance.
Entre 2008 et 2012, elle a proposé pas moins de douze journées d'action. Elle a maintenu son unité et propose un plan d'investissements de 2 % du PIB et une journée d'action. La difficulté maintenant, c'est de définir ce qu'on met dans ce plan. Le problème, c'est de définir ce qui peut être coopératif et à quel niveau. La pétition de plus de 1,8 million de signatures pour obtenir le débat sur l'eau « bien collectif en Europe » est tout à fait porteuse de cette démocratie active. Je pense que les choses vont encore bouger. Je suis assez optimiste mais la difficulté est réelle.
Robert Salais : De mon point de vue, et pour aller vite, je crois que la proposition de la CES est trop « macro » pour avoir une quelconque efficacité. On oublie aujourd'hui que la relance ne bénéficie pas nécessairement aux pays qui relancent. Parce que les échanges et les services sont globalisés. On peut toujours dire qu'on va acheter plus de voitures françaises mais, en réalité, les composants des voitures françaises ne sont que partiellement fabriqués en Europe. Il est vrai qu'au niveau européen une partie de ce problème peut être compensée, mais seulement partiellement. Qu'est-ce qui garantit que l'argent ira là où il doit aller ?
Comment faire en sorte que la création monétaire débridée, qui ne fait qu'alimenter la spéculation, retourne vers le financement de l'économie réelle ? Finalement, je dirai que ce projet de la CES est très intéressant si, par exemple, il est l'occasion de faire redescendre au niveau national, au niveau des territoires et au niveau des groupes la question première : que convient-il de faire, de produire, et comment ? Et là, il serait possible de nouer des alliances larges entre salariés, mais aussi avec toutes celles et tous ceux qui ont encore à cœur le développement de leur pays et sont prêts à agir pour cela.
(1) La libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des personnes.
(2) Publié en 1956, il prépare le traité de Rome.
(3) Refit (« Réglementation affûtée et performante ») vise à réduire les réglementations européennes.
(4) Reach est le règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur en 2007.
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