23 juin 2022 | Mise à jour le 23 juin 2022
Après une plainte pour blanchiment de fraude fiscale déposée en 2015 contre le géant du burger, la GGT McDonald's Île de France remporte deux victoires historiques : la mise à nu d'un savant système d'évasion et de blanchiment de fraude fiscale et la condamnation par la justice de la multinationale à une très lourde amende de 1,245 milliard d'euros.
C’est la victoire du pot de terre contre le pot de fer. Celle d’un modeste syndicat CGT qui a réussi la prouesse de s’implanter – non sans difficultés – au sein du comité d’entreprise de McDonald's Ouest Paris lors des élections professionnelles. « Au départ, on voulait juste comprendre pourquoi, chaque année, lors des NAO, la direction nous refusait toute augmentation de salaire et pourquoi nous ne bénéficions jamais de la prime de participation, alors que le chiffre d'affaires était colossal et que l'enseigne continuait d'ouvrir chaque année de nouveaux restaurants partout en France« , relate Gilles Bombard, ancien secrétaire du CSE et du syndicat CGT McDo Paris-Ouest, à l’origine de la plainte au pénal pour fraude fiscale « CGT contre McDonalds ».
Un vertigineux système d’évasion fiscale
Une fois élu au CE, ce salarié, étudiant en droit, va mettre le doigt dans l’engrenage d’un vertigineux système d’évasion et de blanchiment de fraude fiscale à grande échelle. Au détour d’un banal droit d’alerte économique du CSE qui déclenche une expertise des comptes de l'entreprise, Gilles Bombard et son syndicat CGT vont découvrir le pot-aux-roses : un savant système de minoration des résultats qui permet à McDonald’s d’évader l’impôt sur les société et, cerise sur le burger, de s’éviter le versement de la prime de participation aux bénéfices due à ses 75 000 salariés employés sur l'hexagone.
Artificialisation des bénéfices
Assez sophistiquée, la « méthode McDo » pour contourner les règles du fisc repose en gros sur mécanisme de redevances pour l’exploitation de la marque McDonald’s versées par les restaurants franchisés à la maison mère, basée au Luxembourg. Par ce savant système à base de filiales, de franchises et de juteuses redevances de services noyées dans les comptes de la holding établie dans un paradis fiscal, McDonald France a pu, depuis des années, organiser artificiellement sa non-rentabilité et présenter des comptes de résultats systématiquement dans le rouge aux représentants de ses salariés.
Mis à nu suite à la plainte de la CGT de 2015 et aux sept années d'enquête menée par le Parquet national financier, le système McDonald's aurait permis à la firme de transformer 20 % à 25 % de ses profits en pertes afin de s'éviter l'impôt dont elle aurait dû s'acquitter, le tout pour un montant global estimé autour de 469 millions d'euros. D'où la sévérité de la condamnation, le 16 juin, à une amende record qualifiée « d'intérêt public » par le procureur national financier.
Relocalisation des profits : la bataille se poursuit
La CGT McDonald's et son CSE Représentés par Maître Eva Joly se sont réjouis de cette condamnation inédite qui, selon Gilles Bombard, « ouvre un nouveau front syndical en matière de lutte pour la relocalisation des profits des multinationales ». « C'est une immense victoire dans la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale », s'est félicité l'actuel secrétaire du CSE et du syndicat CGT McDo Île de France, Matthias Buzy, tout en regrettant que seul l'État soit reconnu victime des pratiques d'évasion et de fraude fiscale alors que les salariés ont été lésés, pendant des années. D'où la décision de la CGT de poursuivre le combat : «On ne va pas en rester là », a promis Gilles Bombard qui, avec les services juridiques de la CGT et ses avocats, étudie actuellement toutes les voies de recours juridiques, individuels ou collectifs afin que les salariés obtiennent à leur tour réparation des préjudices subis.
https://nvo.fr/des-cadres-de-mcdonalds-entendus-recemment-en-garde-a-vue-pour-blanchiment-de-fraude-fiscale-en-bande-organisee/