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"Nous visons des actions de masse, pas des actions de gêne"

1 juin 2016 | Mise à jour le 14 février 2017
Par | Photo(s) : Cyrus Cornut/Picturetank

Comme dans d'autres professions, les syndicalistes de la RATP ont lancé des appels à la grève jeudi 2 juin, contre la loi « travail », mais aussi pour des revendications spécifiques. Entretien avec Jacques Eliez, secrétaire général de la CGT RATP.

SUR QUELLES REVENDICATIONS APPELEZ-VOUS À LA GRÈVE AUJOURD'HUI ?

Nous mobilisons sur deux thèmes à la fois : la loi « travail » et les rémunérations. Sur ces deux sujets, nous avons déposé un préavis de grève illimitée. Sur les salaires, nous avons déjà appelé à quatre journées d'action à la RATP depuis le début de l'année : les 9, 11 et 31 mars, auxquels il faut ajouter l'action nationale du 17 mai.

Ainsi, le 9 au matin, nous avons appelé à un rassemblement au siège de la RATP sur les salaires, tandis que dans l'après-midi, nous sommes allés à la manifestation nationale contre la loi « travail ». Nous avons fait de même le 31.

Pour ce qui concerne le 11, c'était une journée avec la seule RATP sur les NAO salariales. Il n'y a pas eu de revalorisation depuis deux ans alors que la RATP a enregistré un résultat record de 355 millions d’euros en 2015. Nous revendiquons une augmentation de 3 % par an de la valeur du point pendant six ans. Et dans l'immédiat, nous demandons une augmentation de 300 euros pour tous.

AVEZ-VOUS DES ÉLÉMENTS SUR LA PARTICIPATION AUX DIFFÉRENTES JOURNÉES DE GRÈVE ?

Depuis la mise en place de la nouvelle PDG en juillet 2015, la direction refuse toute communication de chiffres sur les arrêts de travail. Nous ne disposons donc que d'estimations. Après ces quatre journées d'action, on réédite le 2 juin et on ressent une tendance à une élévation de la participation. Depuis un mois et demi, il y a un gros travail d'explication sur la loi El Khomri réalisé sur le terrain. On pensait que c'était acquis pour tout le monde, mais on réalise que ce n'était pas le cas.

Nous avons déployé de nombreux militants et les salariés ont aujourd'hui conscience de la situation. On ne sait pas si cette prise de conscience va se transformer en action, mais nous sommes relativement optimistes sur notre capacité à apporter notre pierre à l'édifice contre la loi « travail » à partir du 2.

POURQUOI UNE GRÈVE ILLIMITÉE ?

C'est pour permettre à d'autres salariés de s'inscrire dans ces mouvements. Cependant la presse confond souvent la nature du préavis avec la dimension de l'action. Ils s'imaginent que plus c'est large, plus ça va impacter sur les transports. Or, paradoxalement, ce n'est pas le cas. Si on appelle à une grève illimitée, ce n'est pas pour organiser des pics mais pour durer dans le temps.

Nous verrons par la suite comment cela sera appréhendé par les salariés dans les AG.

ET COMMENT ÇA SE PASSE AVEC LES AUTRES SYNDICATS ?

Du point de vue de l'unité, le 9 mars, nous nous sommes retrouvés en convergence avec Sud RATP (14 %). Par contre, le 31 mars, l'action unitaire s'est fait avec l'Unsa RATP (20 %). Nous avons réussi une grosse action le 9 mars, seulement il ne faut pas le voir par le seul prisme des perturbations. Il y a de nombreux postes à la RATP où l’on ne crée pas de la gêne ; dans les ateliers, le fonctionnel, etc. Après le 9 mars, l'Unsa a été poussé par sa base car ils s'interrogeaient sur les salaires, et ils ont donc appelé le 31 mars avec nous.

On n'a pas d'intersyndicale à la RATP, et on n'arrive pas à se voir régulièrement pour se parler, et on a du mal à cerner leur stratégie.

ONT-ILS DES STRATÉGIES DIFFÉRENTES ?

Sud n'a pas le rapport de force par la masse. Ils sont donc sur l'idée du « vous ne voulez pas vous occuper de notre portefeuille, on va s'occuper du vôtre ». Ils veulent taper là où ça fait mal, c'est-à-dire sur les pénalités que le Stif retient selon le nombre de trains qui circulent. Nous, nous sommes réservés sur cette stratégie car l'objectif est non pas de créer la gêne maximale, mais d'obtenir nos revendications.

La gêne ne peut être que la conséquence d'une action de masse. C'est pourquoi les propos tenus par Alain Vidalies sur France Inter sont très dangereux. En substance, il a dit qu'une grève à la RATP fait plus bouillonner les dépêches AFP que la réalité de la gêne occasionnée aux usagers. Il sous-entend donc que nous sommes dans une situation où il faudrait gêner pour être entendus. Mais pour gêner, c'est facile.

On met trois pneus et deux palettes devant un dépôt de bus et les 400 bus ne peuvent pas sortir…

ET COMMENT DÉCIDEZ-VOUS DE L'ACTION  ?

Ça se passe dépôt par dépôt, ligne par ligne, métier par métier. La réalité d'un conducteur de RER n'est en effet pas la même que celle d'un employé de bureau, d'un machiniste ou d'un ouvrier.

On peut donc être sur le même dépôt et avoir des modalités différentes selon qu'on est chauffeur de bus ou ouvrier. En réalité, ça se décide par collectif de travail, mais le préavis permet de couvrir toute forme d'arrêt de travail. Les AG ont lieu le matin à la prise de service, mais chaque jour il y aura des nouvelles AG à partir du 2 juin.

Chaque jour des sites pourront décider d'intégrer l'action, de la reconduire ou de l'interrompre. Tous les cas de figure sont possibles.

EN QUOI LES DÉCLARATIONS DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX TRANSPORTS SONT-ELLES CHOQUANTES ?

Lorsque le secrétaire d'État aux transports dit sur France Inter que la grève du 2 juin n'est pas un problème parce qu'il n'y a pas ou peu d'incidence sur les usagers, cela sous-entend que s'il y avait de la gêne, ça serait un problème…

C'est une logique qui peut effectivement valider ce que Sud veut mettre en place ; c'est-à-dire des actions qui visent la gêne du service public, plutôt que des actions de masse, dont la gêne serait la conséquence. Nous sommes de ce point de vue en phase avec les cheminots et nous voulons des mouvements de masse, pas des mouvements de gêne. Si on bloque les dépôts à quelques-uns, les médias vont focaliser sur la gêne et les méthodes ou la liberté de circuler et on ne parlera plus du fond revendicatif.

Nous préférons argumenter sur le fond plutôt que sur les formes d'action.

QU'EST-CE QU'IL EST PRÉVU APRÈS LE 2 JUIN ?

L'autre séquence arrivera par ailleurs le 14 juin, mais peut-être un peu avant. En effet, Sud RATP appelle à l'action le 10 juin. Mais cette date nous pose toutefois un problème stratégique car une grève n'a pas pour fonction d'être un élément de gêne pour les usagers.

Le 10, c'est l'ouverture de l'Euro, or notre objectif n'est pas de nous mettre le public à dos. Il y a donc là deux stratégies qui s'opposent. C'est pourquoi nous mettons en avant le 2 juin et les suites.