19 juillet 2023 | Mise à jour le 19 juillet 2023
A la fois chronique intime de l'enfance et conte désenchanté, Paula, le premier long-métrage de fiction d'Angela Ottobah, raconte la lutte qui oppose une gamine de 11 ans à son père manipulateur et toxique. Une subtile exploration de la fange incestueuse.
Il y a d'abord une scène aquatique aux tons rougeoyants, dans les profondeurs de la terre – ou dans les profondeurs d'un ventre. Puissante, l'image installe à la fois la vie et l'insondable.
Et puis il y a la découverte de Paula, 11 ans, une gamine urbaine et énergique qui rejette l'école. Elle a l'allure libre des garçons manqués. Avec une mère trop prise par son travail, à l'autre bout du monde, elle n'est entourée que de deux hommes : Achille, son copain et complice, ainsi que son père, bel homme instruit et malade. Pour faire plaisir à sa fille, il a loué une maison de poupée en forêt, au bord d'un lac.
Le cinéma, la catharsis
Transformer progressivement un havre de paix en lieu de cauchemar, dessiner l'affirmation d'un prédateur, faire glisser les rapports père-fille vers ceux d'un ogre avec sa proie, faire sentir l'isolement et la retenue d'une enfant en danger dans sa sphère intime, donner corps à la déviance incestueuse. Dans ce premier long-métrage, librement – mais sûrement – inspiré de son vécu, Angela Ottobah s'est attaquée à un sujet grave. Avec le cinéma comme planche de salut. De son enfance traumatique, elle tire un récit époustouflant où les couleurs sont émotion, où la forêt bruit, où l'eau enveloppe et constitue aussi bien un risque qu'une voie de sortie.
L'emprise, le tabou
Surtout, pas de démonstration ni de misérabilisme. La chronique préfère suivre les gestes qui détruisent progressivement le respect et l'intimité. Un animal domestique abandonné à son sort dans un milieu sauvage, des cloisons retirées à la chambre de la petite princesse, la vaisselle brutalement cassée dans un prétendu élan d'émancipation matérialiste. Derrière les puissantes apparences de l'intellect qui tiennent à distance les soupçons, derrière l'amour inaliénable dû à un père, on assiste à la naissance d'une guerrière portée par un formidable élan de cinéma.
Paula, de Angela Ottobah, 1h28. Sortie nationale : 19 juillet 2023