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IMMIGRATION

Politique migratoire : Michel Barnier donne des gages aux droites dures

8 octobre 2024 | Mise à jour le 8 octobre 2024
Par | Photo(s) : Stéphane de Sakutin / AFP
Politique migratoire : Michel Barnier donne des gages aux droites dures

Centre de rétention administratif de Vincennes (Val-de-Marne)

Face à l'Assemblée nationale, mardi 1er octobre, le Premier ministre n'a surpris personne. Pris en étau entre les exigences de l'extrême droite, soutenues et portées par le ministre l'Intérieur issus des rangs de LR, Bruno Retailleau, qui considère que « l'immigration n'est pas une chance pour la France », il n'a eu d'autre choix que d'annoncer un durcissement des conditions d'immigration. Le point de la situation avec Gérard Ré, secrétaire confédéral CGT en charge des questions migratoires.

NVO : Comment interprétez-vous les annonces de Matignon sur la question de l'immigration et du droit d'asile ?

Gérard Ré : Je ne suis pas surpris. Le Premier ministre s'inscrit dans la poursuite de la politique répressive menée par ses prédécesseurs, politique censée dissuader, jusqu'à les tarir, les flux migratoires. Or, nous le savons tous et monsieur Barnier ne peut l'ignorer : durcir les conditions administratives d'accueil des migrants ne résout rien. Exemple, cette idée de prolonger jusqu'à 90 jours la rétention d'étrangers en situation irrégulière au prétexte de « mieux exécuter les OQTF » (obligation de quitter le territoire) ne fonctionne pas. Car, passé ce délai de 90 jours de rétention, les migrants se retrouvent exactement dans la même situation et on ne pourra pas davantage les renvoyer chez eux. Une fois sorties des centres de rétention, ces personnes seront toujours sous le coup d'une OQTF qui ne sera pas plus exécutable aujourd'hui qu'elle ne l'était hier.

NVO : Les orientations fixées par Michel Barnier ne seraient donc que des effets d'annonce dont il ne faudrait pas trop s'inquiéter ?

Gérard Ré : Sur le plan de la politique migratoire d'accueil et de solidarité, ces orientations fixées par le Premier ministre sont très préoccupantes. Il s'agit tout de même de renforcer les moyens de privation de liberté d'individus, de chercher à dégrader les droits des personnes exilées, migrantes ou demandeuses d'asile, d'aggraver leurs conditions de vie et de survie sur notre territoire dans le but de se donner le temps supplémentaire d'épuiser tous les recours administratifs permettant de les expulser en les reconduisant à la frontière, qu'ils refranchiront en sens inverse par d'autres chemins. On sait que, sur le plan opérationnel, ce cap politique répressif ne permettra pas de répondre aux attentes des droites et de l'extrême droite de limiter ou de réduire les flux migratoires. A ce stade, il s'agit surtout d'effets d'annonce adressés aux anti-immigrés et à leurs électeurs, comme l'a parfaitement illustré l'affaire « Philippine » (1), récupérée par l'extrême droite pour installer cette idée d'une supposée dangerosité supérieure des migrants sous OQTF. Un argument qu'on pourrait considérer ridicule, s'il n'était pas tragique. Car vouloir relier une situation judiciaire – une personne ayant commis un délit – à une situation administrative (renouvellement d'un titre de séjour ou d'identité, ou d'accès à sa demande d'asile) n'a aucun sens. Multiplier les OQTF ne les rend pas plus exécutables. Renvoyer un migrant dans son pays d'origine suppose que ledit pays y consente. Or, on le sait, ce n'est jamais le cas. On l'a déjà vu et on va le revoir puisque le Premier ministre a annoncé son intention de remettre en cause les accords bilatéraux de migration franco-algériens et franco-sénégalais. On sait que ce « projet » suppose des modifications substantielles et complexes de notre Constitution, et que ce n'est pas gagné.

NVO : Monsieur Barnier s'est par ailleurs engagé à renforcer les contrôles de nos frontières. A quoi faut-il s'attendre ?

Gérard Ré : Dont acte. Mais il faudra alors renforcer les moyens de ces contrôles. Ce qui suppose d'augmenter les effectifs de la Police aux frontières, exsangue depuis des années et ce, dans un contexte d'austérité budgétaire qui cible avant tout la réduction des fonctionnaires. Pour pallier cette carence, le Premier ministre envisage de mettre à contribution les agents des douanes. Une bonne idée, mais sur le papier seulement puisque leurs effectifs ont été réduits à peau de chagrin et qu'ils ont déjà fort à faire avec le seul contrôle des marchandises.

NVO : Dès lors, comment répondre à la crise migratoire qui fait la part belle aux idées d'extrême droite ?

Gérard Ré : Il n'y a pas de crise migratoire en France. Le taux de migrants y est stable depuis plusieurs années et situé autour de 10 % de la population. Il y a en revanche une crise bien réelle de la politique d'accueil des migrants qui, se faisant de plus en plus répressive, accentue la perception des effets néfastes de l'immigration : des migrants sous OQTF, rendus à vivre dans la rue, sous nos porches ou dans nos parcs, cela donne l'impression d'une dégradation de nos cadres de vie et de nos conditions de sécurité. Or, plus on les réprime, plus on complexifie les procédures de régularisation ou d'accès à leurs droits, plus on les criminalise et plus on accentue cette perception d'un trouble général à l'ordre public causé par les personnes étrangères.

NVO : Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a dit vouloir agir contre tous les racismes et traiter le sujet de l'immigration avec dignité.

Gérard Ré : Là encore, dont acte ! Nous attendons à présent qu'il remette en cause les propos inquiétants du ministre de l'Intérieur. En lui rappelant notre attachement à un État de droit respectueux des personnes, quelles que soient leur origine, leur religion ou leur orientation sexuelle et de genre.

(1) Du nom de l’étudiante de 19 ans, violée et tuée par un suspect de nationalité marocaine de 22 ans, sous le coup d'une OQTF