9 octobre 2023 | Mise à jour le 9 octobre 2023
La CGT réclame une table ronde réunissant l’État, Alstom, la SNCF, la RATP et les Régions Hauts-de-France et Ile-de-France. Autant d’acteurs susceptibles de contribuer à la pérennité de l’entreprise ferroviaire Valdunes, lâchée par son actionnaire.
« La question récurrente, c’est : « Alors, vous êtes rachetés ? » » Il ne se passe jamais bien longtemps sans que Marc (1) soit interrogé de la sorte par son entourage. La dernière fois, c’était fin septembre, pendant ses vacances en Irlande avec un groupe de Français. Le Figaro titrait sur « l'Allemand Navigator Group prêt à sauver Valdunes ». Marc travaille à la forge de Valdunes, près de Dunkerque (Nord), depuis plus de vingt ans. Il est fatigué des «rumeurs » sur l’avenir du dernier fabricant français de roues et axes ferroviaires, dont l’autre site, qui assure finitions et assemblage est à Valenciennes. Rachetée en 2014, l’entreprise a été lâchée en mai dernier par son actionnaire chinois, MA Steel, qui a annoncé qu’il ne la financerait plus. En neuf ans, les effectifs sont passés de 500 à 340 salariés, les investissements n’ont jamais décollé et le savoir-faire est parti en Chine, MA Steel ayant beaucoup appris sur la technologie des trains à grande vitesse.
Des concurrents sur les rangs de la reprise
L’actionnaire a fixé au 15 octobre la remise des offres de reprise. Celle du fonds allemand Navigator Group viserait à revendre l’entreprise dans quelques années. Des concurrents, comme l’ukrainien Interpipe, le tchèque Bonatrans ou l’italien Lucchini, seraient également sur les rangs, mais aucun ne reprendrait les deux sites, condition indispensable pour la pérennité de l’ensemble. La CGT Valdunes, épaulée par la CGT Métallurgie et la confédération, fait donc feu de tout bois pour promouvoir ses propres propositions. Le 5 octobre, les salariés étaient devant le siège du Conseil régional des Hauts-de-France, à Lille. Le lendemain devant celui de la Communauté urbaine de Dunkerque, dont le président Patrice Vergriete est devenu ministre du Logement, tandis que Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, évoquait au même moment le dossier à Paris avec le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. Ce lundi 9 octobre, une délégation CGT en discutera à nouveau avec le cabinet d’Elisabeth Borne.
Rompre avec les stratégies de court terme
« Notre projet est argumenté, il a été travaillé avec nos économistes de la confédération, souligne Philippe Verbeke, de la CGT Métallurgie. Il faut éviter les rapaces des fonds d’investissement et de retournement. Sinon, c’est la mort assurée. » Le plan de la CGT veut rompre avec « les difficultés actuelles » de Valdunes, liées à des « stratégies de court terme », faites d’une succession de rachats en LBO. Face à un marché ferroviaire en croissance, il s’agirait de bâtir un consortium alliant le constructeur Alstom (qui possède deux usines ferroviaires dans le Valenciennois), la SNCF et la RATP. Les perspectives d’avenir ne peuvent qu’être confortées par les annonces gouvernementales d’un «plan ferroviaire de 100 milliards d’euros et la mise en chantier de 13 RER métropolitains ». La CGT chiffre à 100 millions d’euros les besoins financiers, dont 60 millions d’investissements, qui pourraient être couverts « par des subventions d’investissement, par un apport en fonds propres et par des prêts au démarrage ». Le prévisionnel table sur une production annuelle de 100 000 roues dès 2027, contre 34 000 en 2020, et un chiffre d’affaires de 146 millions d’euros, contre 63 millions en 2020. Les « résultats d’exploitation positifs » sont également attendus pour 2027. Reste la volonté politique pour orchestrer l’ensemble et apporter l’aide nécessaire, dont une participation publique au capital. La CGT réclame d’urgence une table ronde réunissant tous ces partenaires, plus les Régions Hauts-de-France et Ile-de-France, acteurs importants du transport public ferroviaire.
(1) Prénom modifié.