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ASSURANCE CHÔMAGE

Réformes de l'assurance-chômage : retour sur un grand saccage

1 mars 2024 | Mise à jour le 1 mars 2024
Par | Photo(s) : © Magali Cohen / AFP
Réformes de l'assurance-chômage : retour sur un grand saccage

Depuis le 1er janvier 2024, France Travail a remplacé Pôle Emploi. © Magali Cohen / AFP

Depuis son accession au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de s’en prendre aux chômeurs et au régime de l’Assurance-chômage. Dernière attaque en date, l’annonce par l’exécutif d’un « acte II » de la réforme du marché du travail, qui va, entre autres, réduire à nouveau drastiquement les droits des personnes privées d'emploi. Parmi les pistes étudiées, une baisse supplémentaire de 20 % de la durée d'indemnisation et un durcissement des règles concernant les seniors. Une nouvelle atteinte aux droits des chômeurs et du monde du travail dans son ensemble, qui s’inscrit dans la continuité des réformes engagées ces dernières années. Retour sur sept années de casse de l’Assurance-chômage.

2018 : la fin programmée du système assurantiel

La loi de finances de 2018 porte un coup sévère aux fondements même de l’Assurance-chômage, en supprimant les cotisations chômage sur les salaires à compter du 1er octobre 2018. Dans le même temps, elle augmente le taux de la CSG applicable aux revenus d’activité. Cet impôt, directement versé à l’État, permet à ce dernier de récupérer la main sur la gestion du système d’Assurance-chômage, qui jusqu’alors lui échappait. Depuis 1958, le régime est, en effet, géré par l’Unedic, association paritaire composée de représentants des salariés et des employeurs, qui décident des règles applicables en la matière.

À l’époque, c’est l’augmentation des salaires net, c’est-à-dire du pouvoir d’achat, qui est mise en avant pour justifier cette réforme. « On est passé d’un système assurantiel, où les salariés ouvrent des droits aux allocations-chômage car ils ont cotisé, à un système où l’État finance l’Assurance-chômage par un impôt, la CSG, [l’Assurance-chômage est aussi financée par les cotisations patronales, ndlr] et peut donc décider in fine des règles du jeu » explique Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, et négociateur pour le syndicat à l’Unedic. Par ailleurs, depuis la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018, le gouvernement remet aux partenaires sociaux un document de cadrage afin d’orienter les négociations en vue d’aboutir à une convention d’assurance chômage, soit un changement de paradigme de la gestion paritaire du système. En 2019, le document de cadrage imposé par le gouvernement est extrêmement contraignant. Résultat, les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’entendre et le gouvernement impose une première réforme de l’Assurance-chômage, que le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage met en œuvre.

2019 : première saignée dans les droits des chômeurs

La première réforme de l’Assurance-chômage prévoit un durcissement du seuil d’accès : désormais, pour ouvrir des droits aux allocations-chômage, il faut avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois, au lieu de quatre mois sur les 28 derniers mois. La réforme prévoit par ailleurs une baisse des allocations de 30% à partir du septième mois pour les travailleurs rémunérés au-delà de 4800 euros brut par mois et la mise en place d’un bonus-malus sur les cotisations patronales à l’Assurance-chômage, modulées en fonction du recours, ou non, des employeurs aux contrats précaires. Le décret change, enfin, le mode de calcul de l’allocation-chômage, ce qui va engendrer une baisse conséquente de droits pour les salariés aux périodes de travail discontinus, les jeunes et les fin de CDD, soit environ un million de personnes chaque année selon l’Unédic. « Le changement du mode de calcul a non seulement été catastrophique pour les intérimaires et les saisonniers mais il a également posé des problèmes de recrutement dans les stations de ski ou la restauration, précise Denis Gravouil. Les saisonniers comptaient sur l’Assurance-chômage pour prendre le relais entre les deux saisons. Avec le nouveau calcul, ils ne le peuvent plus. »

Selon le bilan de l’Unedic, la réforme a eu pour conséquence une baisse drastique du montant des allocations, – 16 % en moyenne. En durcissant l’accès aux indemnisations, la part des inscrits à Pôle emploi touchant des allocations-chômage a également baissé, passant de 36,6 % de l'ensemble des inscrits en juin 2022 contre 40,4 % en décembre 2021. Enfin, l’Unedic observe une baisse substantielle du nombre d'ouvertures de droit à l'Assurance-chômage : une diminution de 30 000 par mois, soit -14 % entre 2019 en 2023.

Pour défendre sa réforme, le gouvernement a mis en avant la poursuite d’un objectif louable : réduire le recours aux contrats courts. Dans son bilan, l’Unedic explique qu’il n’est pas démontré à ce jour qu’un tel objectif a été atteint. Enfin, la réforme devait également garantir aux allocataires une durée d'indemnisation inchangée, voire plus longue. « Il vaut mieux avoir des allocations plus basses mais plus longtemps », expliquait ainsi Elisabeth Borne, alors ministre du Travail en 2021. La même portera la loi pour le plein emploi en 2022, qui a réduit la durée de l’indemnisation de tous les allocataires.

2022 : Loi pour le plein emploi, nouvelle baisse des droits pour tous.

Sans même attendre le bilan de la précédente réforme, le gouvernement s’engage dans une nouvelle réforme de l’Assurance-chômage par la loi du 21 décembre 2022 « portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». S’octroyant une année supplémentaire pour décider des règles de l’Assurance-chômage par décret, le gouvernement affiche le plein emploi comme objectif et entend, à cette fin, lever les « difficultés de recrutement » dans certains secteurs. Pour ce faire, le gouvernement met en place la modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique – la contracyclicité. Ce principe consiste à durcir les règles d'indemnisation quand la situation du marché du travail est favorable et à les assouplir quand la situation se dégrade – c’est-à-dire à revenir aux règles en vigueur avant la réforme.

Tant que le taux de chômage ne dépassera pas 9% (soit le pourcentage au plus fort de la crise du Covid au troisième trimestre 2020), le coefficient de contracyclicité appliqué revient à baisser de 25% la durée de l’indemnisation pour tous. Soit une perte de six mois d'allocations pour les personnes privées d'emploi qui auraient droit à la durée maximum d'indemnisation, et une perte de neuf mois pour les plus de 55 ans. « Cette logique revient à détourner les allocations-chômage de leur objet, explique Denis Gravouil. De revenus de remplacement, elles deviennent un instrument capitaliste pour mettre la pression sur les salariés en emploi et obliger les chômeurs à accepter les emplois précaires. Cela revient à renforcer le pouvoir au main des employeurs et cela leur permet de recruter de la main d’œuvre dans des conditions qui leur sont encore plus favorables. » Ce système est entré en vigueur le 1er février 2023.

La loi prévoit par ailleurs de nouvelles obligations, parmi lesquelles l’inscription des bénéficiaires du RSA à France Travail, le nouvel opérateur remplaçant Pôle emploi depuis le 1er janvier 2024, et la réalisation d'heures d'activités hebdomadaires, sous peine de sanctions.

2023 : Deux décrets réduisent encore l’accès au chômage 

Dans la continuité de la loi de 2022, le décret du 17 avril 2023 supprime la possibilité d’ouvrir des droits à l’Assurance-chômage en cas d’abandon de poste. Jusqu'alors, l'abandon de poste, auquel les salariés ont recours notamment dans des cas d’environnement de travail toxique ou dans des situations de harcèlement, pouvait donner lieu à un licenciement pour faute grave, ouvrant droit à indemnisation par l'Assurance-chômage. Désormais, la présomption de démission s’applique, et les travailleurs se trouvent privés d’allocations. Ce décret a été attaqué en justice par la CGT, qui attend une décision au printemps.

Le décret du 28 décembre 2023, lui, transforme également en démissionnaire les salariés ayant refusé un CDI après deux CDD. À cette fin, une plateforme de dénonciation a été créée, pour que les employeurs puissent signaler les salariés récalcitrants. Une mesure qui, au-delà de réduire les droits des travailleurs, piétine également le droit à la liberté contractuelle.

2024 : Acte II de la réforme du marché du travail

Alors que le chômage est reparti à la hausse au troisième trimestre 2023, et que cette dynamique est amenée à s’aggraver selon tous les prévisionnistes, le gouvernement entend poursuivre sa guerre aux chômeurs. En contradiction totale avec sa réforme précédente, selon laquelle les règles doivent être assouplies en cas de conjoncture économique défavorable, le gouvernement souhaite à nouveau durcir les règles de l’Assurance-chômage. Une offensive qui se fait, comme toujours, en stigmatisant les chômeurs et en les rendant responsables des chiffres du chômage, tout en opposant ceux qui ont un emploi à ceux qui n’en ont pas.

« Une partie des Français ne supporte plus de ne pas vivre de leur travail, de ne toucher aucune aide tout en finançant un système qui permet à d'autres de ne pas travailler ! » a ainsi fait savoir le premier ministre Gabriel Attal dans les colonnes du JDD, indiquant plus tard lors du salon de l’Agriculture qu’il souhaite « un modèle social qui incite d’avantage à l’activité ». À ce stade, rien n’est arrêté, mais les pistes avancées annoncent d’ores et déjà un nouveau carnage. Le gouvernement envisage une nouvelle baisse de la durée d’indemnisation d’au moins 20 %. La durée maximale d'indemnisation passerait alors de 18 mois à 14,4 mois pour les moins de 53 ans, de 22,5 mois à 18 mois pour les 53-54 ans et de 27 mois à 21,6 mois pour les 55 ans et plus. 

Les seniors sont également dans le viseur du gouvernement. Plusieurs scénarios sont à l’étude, mais tous concourent à réduire plus ou moins brutalement la durée d’indemnisations des plus de 53 ans. « La filière senior existe car il est beaucoup plus compliqué de trouver un emploi passé 50 ans. Cette mesure va jeter dans un sas de précarité un nombre très important de personnes, d’autant plus que l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 64 ans », analyse Denis Gravouil. Parmi les autres mesures envisagées, la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), versée sous condition aux chômeurs en fin de droits et qui bénéficie principalement aux personnes en fin de carrière. Autant de personnes qui basculeront donc probablement au RSA, désormais soumis à des heures d’activité obligatoire, et qui, au contraire de l’ASS, ne permet pas de cotiser à la retraite.