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SALAIRE

Entretien - Revendications salariales : un levier pour mobiliser maintenant

26 octobre 2021 | Mise à jour le 26 octobre 2021
Par | Photo(s) : Thierry Nectoux
Le contexte économique de la reprise fait émerger la question salariale avec force, et légitime, s'il le fallait, les revendications. Benjamin Amar, membre de la commission exécutive de la CGT et responsable du collectif confédéral sur les salaires s'en félicite. Mais il dénonce aussi quelques pièges, tendus par le patronat et le gouvernement.
Pas un jour ne se passe sans que patronat et gouvernement n'évoquent la question salariale. Comment interpréter cette fébrilité ?
NVO - La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT

Benjamin Amar, membre de la Commission exécutive confédérale

Les faits sont têtus et la réalité économique s'impose aux libéraux, confrontés à un manque de main-d'œuvre dans un certain nombre de secteurs où existent un fort niveau de technicité ou des contraintes et des rémunérations insuffisantes. On peut observer ça en France mais aussi dans d'autres pays. De fait, le gouvernement et le patronat ne peuvent plus éluder la question parce que ce manque est un frein à la reprise. C'est une très bonne chose que cette question soit enfin posée, mais il nous faut rester vigilants pour qu'elle le soit dans les bons termes. Le patronat et les libéraux remettent en effet en selle les primes, la participation et l'intéressement, l'épargne salariale. C'est une stratégie de diversion qui consiste à éviter le salaire. Pour la CGT, le salaire doit rester la colonne vertébrale des revenus du travail parce que c'est ce qui tombe à la fin du mois de manière sûre et certaine, contrairement aux éléments variables et conditionnels. C'est ce qui permet de faire face aux dépenses du quotidien et qui ouvre droit à la protection sociale.

Aux injonctions gouvernementales d'augmenter les salaires, le Medef, par exemple, répond hausse du salaire net et exonérations de « charges ». Où sont les pièges ?

Les patrons pensent en effet augmenter le salaire net en baissant ce qu'ils appellent des « charges », mais que nous appelons le « salaire socialisé », les cotisations sociales qui financent notre protection sociale. Là-dessus, il faut qu'on s'explique avec les travailleurs, pour faire comprendre qu'en réduisant ces cotisations, on prive nos régimes sociaux de leurs recettes. à terme, le risque c'est de substituer la carte bleue à la carte Vitale pour faire face à nos dépenses de santé. Il faut expliquer que le salaire socialisé, c'est un élément essentiel à notre niveau de vie. Donc augmenter les salaires, c'est augmenter les salaires bruts.

Et puis, il y a un autre piège avec ces exonérations, c'est qu'elles créent des trappes à bas salaires. Elles jouent un rôle désincitatif, car elles encouragent les entreprises à garder des salaires bas afin de toujours bénéficier d'exonérations, nombreuses et massives aux alentours du Smic. Lequel Smic devient le « plancher collant » qui provoque le tassement des grilles salariales, ce qui concerne tous les salariés.

Aujourd'hui, alors que le Medef a tout fait pour obtenir ces exonérations massives de cotisations sous le gouvernement Fillon, les employeurs nous expliquent qu'augmenter les bas salaires serait insupportable car ça reviendrait à doubler le salaire brut. Cette explication est une imposture !

Emploi et salaires : le bras de fer de l'automne

La période est donc favorable aux revendications d'augmentations des salaires…

Nous avons là un levier pour construire la mobilisation et être en position de force, dans un contexte qui oblige le patronat et le gouvernement à poser la question de la rémunération du travail. Clairement, un certain nombre d'indicateurs économiques plaident en faveur des augmentations des salaires. D'abord, l'inflation, avec des factures qui s'annoncent très salées, dans des secteurs piliers de la consommation comme l'énergie (pratiquement 9 % de plus pour le gaz, 10 % à nouveau sur l'électricité), et les prix des carburants à la pompe qui s'envolent. Ces augmentations des dépenses contraintes pèsent proportionnellement plus lourd sur les bas salaires. Par ailleurs, la croissance est plus forte que prévu à 6,3 % et on enregistre des taux de marge au plus haut avec un CAC 40 à des niveaux historiques. Bien évidemment, dans cette situation de reprise économique inattendue et soudaine, se pose la question de la part qui revient à ceux qui créent la richesse. Il nous faut cogner fort là-dessus, d'autant que quand les Français sont interrogés, ils estiment qu'il leur manque pour vivre 450 euros par mois.

J'ajoute un autre élément. Durant cette pandémie, de nombreux salariés ont été amenés à une perception nouvelle de leur travail, à questionner leurs conditions de travail et la pression qui s'exerce sur eux. Même Emmanuel Macron a été obligé de reconnaître qu'on payait mal des métiers d'utilité sociale essentielle. La pandémie a remis ces métiers en perspective et fait grandir l'exigence d'une meilleure reconnaissance par le salaire.

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