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À quelques semaines d'intervalle, la petite ville de Saint-Florent-sur-Cher et la commune voisine de Lunery ont vu l'annonce de deux fermetures d'entreprise : Rosières, un fabricant de fours de cuisine avec ses 72 employés ; et Comatelec, une usine de luminaires et d'éclairages publics qui emploie 128 salariés.
Des menaces pèsent aussi sur l'entreprise florentaise TVI Bougault (métallurgie). Si on élargit à l'échelle du bassin d'emplois, c'est tout autant alarmant avec d'autres annonces de licenciements et une liste d'entreprises industrielles menacées ou fermées qui ne cesse de s'allonger : Paulstra à Vierzon, Sipem à Méreau, Lisi Aerospace à Vignoux, fermeture de Sandvik à Charost (51 emplois), de Mécachrome à Aubigny (306 emplois), d'Auxitrol Weston à Bourges (124 emplois)…
Ici, comme ailleurs, la Covid a bon dos pour accélérer les restructurations, en particulier dans l'automobile et l'aéronautique. Enfin, à l'échelle du département voisin de l'Indre, une liste non exhaustive des destructions d'emplois issue des statistiques de l'Urssaf recense un minimum de 5 128 suppressions ou menaces de suppressions post-covid en 2020.
Des emplois industriels bien sûr, mais aussi ceux d'autres secteurs. Le passage au rouge de tous les indicateurs affole une population rurale qui prend conscience qu'à la dévitalisation industrielle succèdera l'atrophie économique, le recul des services publics et finalement la désertification territoriale.
Face à cette situation, les forces vives du territoire tentent de s'organiser. Elles ont décidé de se constituer en un collectif de défense de l'emploi appelé « Collectif pour le pays florentais ». C'est Yannick Piat, responsable de l'UL CGT de Saint-Florent qui en est le coordinateur.
Yannick explique la genèse du collectif : « On s'est surtout organisés autour de la situation de Rosières et Comatelec. Nous avons été aidés par l'UD CGT, mais on n'a pas pu implanter un syndicat chez Comatelec où les élus ne sont pas syndiqués. Cependant, nous voulions travailler avec tout le monde et c'est donc un collectif “sans étiquette”. » Le collectif a ainsi pu se constituer avec le renfort de forces multiples, des « gilets jaunes » locaux très sensibilisés aux questions sociales et des élus politiques locaux très divers, tels que le sénateur LR du Cher, Rémy Pointereau, ou encore, au niveau national, le sénateur communiste Fabien Gay et le député LFI François Ruffin.
Ce dernier a même fait spécialement le déplacement dans le Cher depuis sa Picardie, une autre région où la ruralité souffre de la désindustrialisation, et ce afin de soutenir une action à l'usine Comatelec.
Ces derniers mois ont été ponctués de multiples actions pour la défense de l'emploi à Saint-Florent. Manifestations, opérations « ville morte », interpellation de l'UIMM locale, du préfet, de Bercy.
Le 24 octobre 2020, plus de 500 personnes manifestaient dans la ville. Pour les salariés de Rosières, fabricant d'équipements de cuisson confronté à « des problèmes de compétitivité », la fermeture devait malheureusement être actée fin octobre 2020. Le site historique, qui a employé jusqu'à 2 000 personnes, est condamné à devenir une immense friche industrielle. La lutte menée par les salariés et la CGT aura toutefois permis d'obtenir des mesures d'âge, des formations, des reclassements et des conditions de départ supralégales.
Pas question pour autant d'acter une nouvelle fermeture avec la mort programmée de Comatelec à Saint-Florent. Pour l'heure, la procédure est très engagée et il reste à homologuer le PSE auprès de la Direccte. Le groupe Belge Schréder, auquel appartient Comatelec, a en effet annoncé son intention de délocaliser les productions de Saint-Florent vers son site de Guadalajara (centre de l'Espagne).
La décision est contestée par le Collectif du pays florentais, qui note que les sites espagnols et ukrainiens ne font que des grandes séries, alors que Saint-Florent est sur un autre créneau. Et d'égrener quelques arguments économiques pour dénoncer cette délocalisation : « Comatelec est le numéro 1 en France du luminaire urbain. Il équipe aussi de grands ouvrages tels que le viaduc de Millau. Leur marché est constitué essentiellement des collectivités territoriales françaises. Or, aujourd'hui, 80 % des équipements sont en ampoules, alors que l'entreprise peut fournir de nouvelles technologies telles que la “LED intelligente” avec détecteur de mouvements. Cette entreprise, à la pointe en R&D [recherche et développement, N.D.L.R.], est aussi en capacité de produire du “customisé”, c'est-à-dire des produits en petites séries à la demande. C'est aussi une entreprise compétitive puisqu'avec 90 millions de chiffre d'affaires, elle réalise 10 millions de bénéfice. »
« Nous souhaitons agir pour obtenir la non-homologation de ce plan, mais même si nous n'y parvenons pas, nous continuerons nos actions pour le maintien de cette usine à Saint-Florent », martèle Yannick Piat.
Et d'insister sur la nécessité de mettre la pression sur les politiques : « Nous demandons à tous les politiques qui en ont la responsabilité de refuser tous les contrats de marché public avec Comatelec. L'État, avec son plan de relance, se doit aussi d'investir, car les marchés sont présents en France. Nous proposons soit que les concurrents présents sur le territoire puissent reprendre l'usine, ses salariés et tous les marchés, soit que l'État réinvestisse ou rachète l'outil industriel. »
Pour les Florentais, une chose est claire : le plan de relance de l'État doit servir à garder les usines et les emplois.
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