A Gaza, la famille Samouni a été presque exterminée lors de l'opération Plomb durci menée par l'armée israélienne fin 2008. Le cinéaste italien Stefano Savona a suivi la reconstruction de ce clan auprès d'une jeune génération entre deuil et résilience.
Œil d'or du meilleur documentaire à Cannes en 2018, «
Samouni Road » se démarque de la plupart des films tournés dans cette partie du monde qu'est la bande de Gaza. Tout comme la famille Samouni, installée dans le village de Zeitoun depuis des générations, se démarque de toute tentative de récupération politique, malgré la tragédie qui l'a frappée.
En effet, cette lignée de petits agriculteurs gazaouis a été presque anéantie lorsque 29 de ses membres ont été tués pendant l'opération Plomb durci menée par l'armée israélienne entre fin 2008 et début 2009. Amal, fillette d'une douzaine d'années, trace sur le sol un cercle représentant l'envergure du sycomore que son père avait planté. Tout a disparu, sauf ses souvenirs dont ce cercle est le symbole : le père tué par les soldats israéliens alors qu'il ne montrait ni agressivité, ni résistance, le sycomore, les maisons de cette grande famille dont l'une a été bombardée «
par erreur », les arbres fruitiers et les cultures dont il ne reste que des parcelles… Amal, qui fut enterrée pendant 3 jours sous les décombres, raconte, à hauteur d'enfant tandis que sa mère, le plus souvent silencieuse, s'active pour tenter de subvenir aux besoins des enfants survivants.En contrepoint des images de ce quotidien très rude, Stefano Savona a fait appel au talent du dessinateur Simone Massi qui a réalisé des séquences d'animation en carte à gratter. Ce noir et blanc animé est non seulement un travail artisanal titanesque, mais évoque un réel disparu où se glisse parfois un cauchemar d'Amal qui a aussi perdu son frère. On pense au cinéaste franco cambodgien Rithy Panh, autre survivant qui, dans «
L'image manquante » redonnait vie aux disparus grâce à des figurines.
Autre procédé moins convaincant : l'utilisation d'un drone qui reconstitue les cibles des assaillants israéliens. Ces traitements d'événements impossibles à reconstituer permettent de confronter les points de vue : désincarné sur les images grises de visée avant un tir vu du ciel et bouillonnant d'une vie fragile lors des séquences d'animations, réminiscences du passé des Samouni.
Outre ses partis-pris esthétiques et malgré quelques longueurs, le film de Stefano Savona invite avec intelligence et émotion à faire un pas de côté dans le constat des conséquences de cette guerre impitoyablement inégale.
Le réalisateur de «
Tahrir, place de la Libération » en 2011 livre ici un témoignage à la fois fort et bouleversant pour écrire l'histoire de ces «
dommages collatéraux » qui a suscité indignation et débat au sein des deux parties en conflit et au-delà de la région. Tandis que les survivants de la famille préparent un mariage, symbole de renouveau et d'espoir malgré tout, le film apporte aussi une pierre à l'édifice fragile de la mémoire de la jeune génération qui tente d'enraciner les souvenirs comme ils reconstruisent les maisons ou soignent ce qui demeure des vergers plantés par des générations de Samouni.