14 juin 2018 | Mise à jour le 14 juin 2018
La loi sur le «Secret des affaires » sera présentée le 14 juin à l'Assemblée nationale avant d’aller au Sénat, alors que journalistes, syndicalistes, ONG, lanceurs d’alerte et, dans une large majorité, les Français sont contre…
Salle pleine et ambiance festive ce mardi 12 juin au soir à la Bourse du travail de Paris. Venues à l'invitation du SNJ-CGT et du rédacteur en chef du journal Fakir, François Ruffin, par ailleurs député de la France insoumise, 200 à 300 personnes sont là pour remettre un « Bâillon d'Or » aux « rois de la censure ». Récompense par laquelle les organisateurs veulent attirer l'attention sur la loi sur le « secret des affaires » qui est présentée, jeudi 14 juin, aux députés de l'Assemblée nationale avant de filer, « procédure accélérée » oblige, vers le Sénat la semaine prochaine.
Une loi qui a manifestement du mal à passer auprès des personnes présentes : journalistes, syndicalistes, lanceurs d'alerte, ONG voire magistrats. Application d'une directive européenne, ce texte vise en effet à rendre « illicite » toute information « généralement pas connue ou aisément accessible » ayant « une valeur économique, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret » et bénéficiant de « mesures de protection raisonnables » de la part d'une entreprise.
« Cette loi est une arme de destruction massive », prévient Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de l'Ugict-CGT. « C'est assez flou pour que les entreprises y mettent ce qu'elles veulent et le délai de prescription est beaucoup trop long, 5 ans à partir du moment de la publication de l'information. » Surtout elle s'inquiète d'une « inversion de la charge de la preuve » annoncée selon laquelle ce sera désormais au lanceur d'alerte, journaliste, syndicaliste ou autre, de « faire la preuve de sa bonne foi » en respectant le droit fondamental des citoyens à l'information et à l'intérêt général. « Il y a danger. Et tout le monde est concerné », affirme Sophie Binet.
La dizaine de participants qui s'expriment ce soir là en témoignent largement. Ex-inspecteur de l'Urssaf poursuivi par un patron fraudeur, travailleur dans un abattoir, victimes de l'industrie pharmaceutique ou de pressions patronales ou juridiques… tous évoquent les difficultés qu'ils ont eues à « faire correctement leur travail » ou simplement « alerter la population ». Avec l'application de cette nouvelle loi, de telles affaires, tout comme celles du LuxLeaks ou du Mediator, voire la récente opacité de Lactalis risquent d'être rapidement enterrées.
« Ce gouvernement a un problème avec la liberté d'expression », constate Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT, qui précise qu'« une pétition lancée par 52 organisations, dont l'ensemble des syndicats de journalistes, des ONG et des syndicats, parmi lesquels le secrétaire général de la CGT, a recueilli plus de 500 000 signatures » à travers le pays. Signe que les Français ne partagent manifestement pas les problèmes d'un président pour qui les droits de l'homme, y compris celui à l'information, se confondent surtout avec ceux de l'homme… d'affaires.