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HANDICAP

Travail et handicap : contre l’exclusion

22 août 2018 | Mise à jour le 18 juillet 2018
Par | Photo(s) : Leligny/Andia
Travail et handicap : contre l’exclusion

Alors que le gouvernement vient de rogner la prime d’activité (qui offrait un complément de salaire aux personnes invalides aux revenus modestes) depuis le 1er juillet avec une perte moyenne de 158 euros par mois, que la loi Elan, va modifier les obligations d’accessibilité pour les logements et que les droites se font concurrence sur le seuil des entreprise pour l'embauche de personnes en situation de handicap, Ensemble enquêtait en juin sur le travail et le handicap.

Face à de nouvelles méthodes de travail destructrices, prévention, adaptation des postes et reclassement n'en sont que plus vitaux. Une tâche immense.

«Le  problème  du  handicap, on  le  connaît  de  plus  en  plus, à cause de la course à la productivité,  et  pourtant  le  nombre  de postes  aménagés  diminue. »  Cédric Brun,  secrétaire  général  du  syndicat CGT  à  l'usine  PSA  de  Valenciennes (59), voit autour de lui des « salariés qui souffrent à cause de l'augmentation des cadences  et  des  effectifs  qui  baissent ». En huit ans, les temps de pause quotidiens ont dégringolé de 70 à 20 minutes. Sylvain  Marsaud,  conseiller  confédéral CGT chargé de la question du handicap, confirme cette dégradation : « En dix ans, on est passé de 70 000 à 160 000 cas d'inaptitude par an, dont une grande partie  à  cause  de  l'intensification  du travail, de tous ces nouveaux systèmes de management, des risques psychosociaux, de l'épuisement professionnel… »

Un constat que fait aussi sur le terrain Julien  Despierres,  de  la  CGT  Keolis Lyon,  concessionnaire  des  lignes  de bus, métro et tramway de la métropole. De nombreux chauffeurs y souffrent de  troubles  musculo-squelettiques (TMS),  mais  aussi  de  conséquences psychologiques liées à une agression. « Pour ces travailleurs à faible niveau de qualification, l'entreprise ne cherche pas, en cas d'inaptitude, à adapter le poste de travail ou à reclasser la personne. Elle  préfère  assumer  le  risque prud'homal  et  embaucher  quelqu'un d'autre », déplore Julien Despierres.

Le taux de reclassement est d'autant plus faible  que  Keolis,  comme  beaucoup d'autres entreprises, sous-traite depuis longtemps des tâches annexes comme l'accueil téléphonique, la gestion des parkings relais ou le nettoyage.

On a passé la barre des 500 000 travailleurs handicapés au chômage. Chaque année, plus de 160 000 inaptitudes sont prononcées par la médecine du travail, dont 90 % se soldent par un licenciement. Sylvain Marsaud, conseiller confédéral CGT en charge
du handicap

« Veolia Eau emploie en direct 4,8 % de salariés handicapés, un taux en petite progression tous les ans. Mais pour l'entretien des espaces verts, par exemple, on va plutôt prendre des associations ou des entreprises d'insertion », complète Franck  Leroux,  de  la  CGT  Veolia. « L'allocation aux adultes handicapés, c'est 800 euros par mois, une misère », poursuit Sylvain Marsaud, qui insiste sur l'importance de la prévention des risques, du maintien dans l'emploi ou de la reconversion.

« La confédération a formé des milliers de militants sur cette question. C'est une bataille, car il faut souvent aller au rapport de force pour que l'employeur applique les préconisations des ergonomes et de la médecine du travail », insiste-t-il. Certaines personnes en situation de handicap se retrouvent ainsi en Esat (Établissement et service d'aide par le travail), autrefois connu sous le nom de CAT (Centre d'aide par le travail). « Ils n'ont même pas le statut de salarié, c'est vraiment opaque. J'ai demandé une enquête parlementaire, sans succès », déplore Sylvain Marsaud.

D'autres ont un contrat de travail dans une entreprise adaptée, subventionnée par l'État. Gérard * est salarié de l'une d'elles, dépendant de l'Association des paralysés de France (APF) qui emploie au total 14 000 personnes.  « Les  travailleurs  handicapés ne sont pas à part, on leur réclame aussi de  la  rentabilité »,  explique-t-il.  Outre les faibles salaires, Alain Cluzeau, de la  CGT  APF  d'Île-de-France,  dénonce l'absence « de réels plans de formation et de carrière ». Des revendications qui les  rapprochent  finalement  de  beaucoup d'autres salariés.

L'obligation d'emploi de salariés en situation de handicap est de 6 % pour les entreprises d'au moins 20 salariés. Le taux d'emploi direct est de 3,8 %, le reste relevant de la sous-traitance. La loi Macron de 2016 a considérablement assoupli l'obligation en y intégrant les travailleurs indépendants, les « mises en situation professionnelle » et les « parcours de découvertes » des collégiens et lycéens.
Nicolas, ancien ouvrier
à l'usine PSA de Valenciennes (Nord)

J'ai travaillé dix-sept ans chez PSA. J'ai eu des problèmes de santé au niveau des bras et j'ai été opéré des cervicales. J'ai tout fait pour avoir un poste aménagé, mais ils m'ont transféré à l'usine Sevelnord, où je devais travailler sous les véhicules. Je n'ai même pas pu en faire deux, tellement les douleurs étaient atroces. J'ai finalement été reconnu en « invalidité de catégorie 2 ».

Gérard, salarié d'une entreprise adaptée
de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne)

J'ai le dos bousillé à cause d'une scoliose. On réclame des fauteuils ergonomiques adaptés pour le travail, mais le directeur répond que ça coûte 2 000 euros et qu'il n'y a pas de sous. J'ai 60 ans et je suis en mi-temps thérapeutique, ordonné par la médecine du travail. Je suis très fatigué, mais je suis obligé de continuer jusqu'à 62 ans, car j'ai connu des périodes de chômage.

Thomas, ancien chauffeur de bus à Lyon (Rhône)

En tant que travailleur handicapé au chômage, j'ai eu du mal à faire valoir mes droits auprès de Pôle emploi. Après mon licenciement en 2016, j'ai failli me retrouver sans rien. Un jour, ils m'ont envoyé devant un psychologue du travail. J'y suis allé car c'est obligatoire. À la Maison départementale des personnes handicapées, je n'ai été vu par personne, mon dossier a été examiné sur pièces.

Claude, salarié d'une entreprise adaptée d'Orly (Val-de-Marne)

Suite à un accident du travail, j'ai été licencié pour inaptitude. Après une formation, j'ai été embauché par l'Association des paralysés de France. En tant que travailleur handicapé, on se sent marginalisé. Lors d'un entretien d'embauche, nos diplômes sont négligés. J'ai un BEP d'électromécanicien, mais ça ne compte pas.

Les prénoms ont été modifiés.

 

Paru dans Ensemble numéro 109, juin 2018