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IMMIGRATION

Travailleurs migrants : victimes condamnées

18 décembre 2024 | Mise à jour le 20 décembre 2024
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Jugés pour détention et usage de faux documents administratifs, six jeunes travailleurs migrants ont été condamnés par le tribunal d'Albi, alors qu'ils ont été victimes de conditions d'hébergement et de travail scandaleuses. Accompagnés dans leur démarche par la CGT qui dénonce la traite d’êtres humains, ils font appel de la décision.

Quoi qu'ils fassent, les immigrants sont perdants. Le 12 décembre 2024, six travailleurs ont été condamnés pour détention et usage de faux documents administratifs par le tribunal d'Albi. Les mêmes ont pourtant vécu des conditions d'hébergement et de travail indignes. « Des victimes ont été déclarées coupables », a dénoncé la CGT du Tarn dans un communiqué. Venant du Sénégal, de Guinée et du Bangladesh en quête d'une vie meilleure, ces hommes âgés de 21 à 30 ans ont d'abord été repérés à Paris par des trafiquants qui leur ont proposé des faux papiers moyennant 800 euros. Puis, ils ont été envoyés à Albi pour travailler à « L'Atlantique », un buffet à volonté capable de servir jusqu'à 1 000 couverts par jour.

Atmosphère nauséabonde et bouteilles d'urine

Le 29 avril 2024, un contrôle mené par le Comité opérationnel départemental de lutte anti-fraude (Codaf) a mis au jour des conditions d'hébergement scandaleuses, au-dessus du restaurant. Le rapport note que dans les deux salles de bain, « l'atmosphère est nauséabonde en raison de l'absence d'ouvrant vers l'extérieur ». « Dans une autre pièce, caché derrière un placard, un morceau de mur découpé donne accès à une zone dissimulée. Dans cet espace, se trouve un espace sombre en travaux. La présence de déchets et de bouteilles d'urine jonchant le sol indique que des personnes se rendent dans cet espace ». Puis, « un long couloir où circulent des câbles électriques le long des murs, des plafonds et au sol donne accès à des chambres de 5m2 privées de fenêtres, de rangement et de ventilation ». Les salariés ne peuvent pas sortir librement, le bâtiment étant accessible par une porte de secours qui s'ouvre seulement de l'intérieur. Les jeunes qui officient alors à la plonge, en cuisine, avouent par ailleurs travailler sept jours sur sept, douze heures par jour, pour 3,50 euros de l'heure. Leur employeur retient sur leur paie la nourriture, composée des restes du restaurant, et le logement. La préfecture a ordonné la fermeture de l'hébergement, pas du restaurant qui a simplement changé de nom. Le parquet d'Albi a par ailleurs ouvert une enquête pour conditions d'hébergement indignes et travail dissimulé. A l'issue du contrôle, les jeunes ont été placés en garde à vue à la police aérienne aux frontières, deux d'entre eux se sont vus notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Volontaires pour s'intégrer

A la rue, sans travail, les jeunes ont alors frappé à la porte de la CGT qui depuis huit mois, ne les a pas lâchés. « On leur a d'abord trouvé un hébergement, puis on les a accompagnés dans leurs démarches administratives. Ils ne s'étaient pas préoccupés de leurs droits sociaux et de leur santé jusqu'à présent », témoigne Laure Malleviale, secrétaire générale de l'union départementale (UD) CGT du Tarn. On les a aussi aidés à trouver un emploi. Aujourd'hui, l'un travaille dans un abattoir en CDD, un autre dans une pizzeria, deux sont en alternance dans le bâtiment. » En parallèle, les jeunes, titulaires depuis peu d'un titre de séjour valable jusqu'en août 2025, suivent des cours de français. L'UD, qui s'est constituée partie civile, a déposé plainte pour « emplois d'étrangers sans titre, travail dissimulé et traite d'êtres humains en danger ». Une requête aux prud'hommes pour travail illégal et travail dissimulé est par ailleurs engagée. Reste que pour la CGT, l'État ne prend pas ses responsabilités et tarde à reconnaître la traite d'êtres humains. « Nous souhaitons dénoncer par ailleurs l'inaction de l'État qui, à aucun moment, n'a assuré la protection de ces jeunes victimes, alors qu'il la leur devait », écrit la CGT du Tarn dans son communiqué. « L'État rechigne à reconnaître la traite des êtres humains car ce statut permet aux victimes d'avoir des droits, notamment un titre de séjour et obliger l'État à les mettre à l'abri », explique Gérard Ré, en charge des questions liées à l’immigration à la CGT. Ce dernier remarque « une criminalisation croissante des personnes en situation irrégulière, contraintes de travailler sous alias [en utilisant l'identité d'un proche, NDLR] ou avec des faux papiers. Les contrôles se sont renforcés. Mais ce ne sont plus les patrons que l'État sanctionne, ce sont les travailleurs ».