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Attentats

Un an après : l’État d’urgence démocratique

12 novembre 2016 | Mise à jour le 30 novembre 2016
Par | Photo(s) : Bureau/AFP
Un an après : l’État d’urgence démocratique

Un an après les attentats meurtriers de Paris et de Saint-Denis, alors que la France a de nouveau été le théâtre d'attentats terroristes tel le carnage de Nice cet été, un arsenal juridique prétendument sécuritaire est mis en place, qui menace les libertés démocratiques. Retour sur un an de mesures contre-productives.

Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne du Rouvray, Nice… En janvier 2015, des criminels assassinent des journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo, ciblent une supérette casher à la porte de Vincennes à Paris, et des policiers. Sidération, deuil, colère se muent alors très vite en hommage aux victimes, en manifestations spontanées de refus du meurtre, en mobilisation populaire massive, inédite, pour affirmer le respect de la vie et la défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression.
La multitude rassemblée, disant une nation citoyenne se retrouvant autour de la devise républicaine, submerge alors la présence, aux côtés du chef de l'État, de dictateurs marchant cyniquement au nom de la liberté dans les rues parisiennes. Les mises en garde se multiplient, aussi, alors, contre tout amalgame grossier et dangereux entre islam et musulmans, d'une part, et terroristes prétendant tuer au nom de l'islam, d'autre part.

Le 13 novembre 2015, voici un an aujourd'hui, c'est un crime de masse qui ensanglante Paris, au Bataclan en concert, aux terrasses de café des quartiers populaires fiers de leur mixité, et au stade de Saint-Denis. Un même contexte géopolitique, mais un crime à grande échelle, pour faire peur, terroriser. Après l'incrédulité, la torpeur et tandis que de la Santé aux pompiers… les agents des services publics se montrent immédiatement actifs et efficaces, de nouveau s'affirme la volonté massive de résister à la peur et de dire non à la haine.

Arsenal sécuritaire

Mais cette fois, la réponse de l'État se fait martiale. « La France est en guerre », répètent le président de la République et son premier ministre. La mobilisation se veut non plus populaire, mais militaire et policière, et s'accompagne d'un déploiement de lois ou décrets mettant en place puis pérennisant un état d'urgence et des mesures liberticides qui font pourtant la preuve de leur inefficacité.
Comme en témoigne, le 14 juillet dernier, un nouveau crime de masse terroriste, le conducteur d'un camion lancé contre une foule bigarrée, à Nice, sur la promenade des Anglais, fauchant à son tour les vies les unes après les autres, celles des enfants comme des adultes, dans un élan nihiliste meurtrier et suicidaire.

Après le deuil, la réflexion pourtant s'imposait. Sur ce qui nourrit le terrorisme, sa propagande, son influence, autant que sur les motivations maffieuses et criminelles de ses chefs. Et sur les politiques à mener pour en épuiser les sources. Le gouvernement a au contraire préféré la surenchère guerrière.

En ce tragique mois de novembre 2015, le chef de l'État aura même été jusqu'à recourir à la rhétorique de l'extrême droite et des droites extrêmes en envisageant le retrait de la nationalité française aux binationaux menaçant les intérêts de la nation : une mesure symbolique et nullement dissuasive, sans aucune efficace, mais fracturant la société et jusqu'à sa propre majorité. Un projet finalement abandonné après plusieurs semaines de débat et d'impasse parlementaires. Quant à l'état d'urgence, c'est avant tout contre les manifestations écologistes lors de la COP21 puis contre les mobilisations syndicales contre la loi travail, que le gouvernement l'a abondamment utilisé.

Le premier ministre s'est empressé de le détourner d'entrée de jeu de sa vocation officielle, amenant des dirigeants d'une droite identitaire à jouer la surenchère et à en réclamer davantage à l'occasion de la précampagne présidentielle. Quant à l'extrême droite, fidèle à elle-même, elle cible d'abord l'immigration assimilée à l'insécurité, et fait de l'islam le bouc émissaire des maux de notre société. Des maires, comme celui de Béziers, en arrivent à oser placarder des affiches haineuses contre l'accueil de réfugiés cherchant asile sur le territoire européen…

À l'inverse, témoignant « son soutien et sa solidarité à l'ensemble des familles touchées » par les attentats, la CGT, réaffirme une fois encore que « les valeurs essentielles de notre démocratie et de notre République doivent être défendues au quotidien. Alors que notre société vit une crise économique et sociale terrible, les valeurs de solidarité, de paix et de fraternité doivent être réaffirmées plus que jamais. Face à ces actes criminels, toute tentative d'opposition entre salariés ou citoyens doit être condamnée. »

La démocratie fragilisée

L'Histoire nous l'enseigne : se nourrissant des réalités dramatiques que produisent les guerres, et se prétendant porte-drapeaux de la résistance à un nouvel ordre international impérial soutenu par des régimes corrompus et prédateurs, les tenants du terrorisme djihadiste visent en fait, ici comme de l'autre côté de la Méditerranée, à saisir, récupérer, détourner les affects de révolte à leur profit. La réponse guerrière et ultra-sécuritaire contribue, d'une autre façon, à anesthésier la réflexion citoyenne et étouffer les mobilisations.

Au point que, selon un récent sondage Ipsos publié par Le Monde, l'attachement des citoyens français à la démocratie s'affaiblit dangereusement et que quelque 20 % des sondés se disent favorables à un régime autoritaire.

On savait déjà la défiance grandissante à l'égard des institutions, mais aussi du politique. La désinvolture avec laquelle sont trahis les promesses de campagne, la poursuite de politiques favorisant les inégalités sociales croissantes, l'acharnement à professer l'absence de toute alternative, l'exploitation d'une mise en concurrence généralisée des individus, des travailleurs, des peuples fait le jeu des populismes les plus décomplexés selon le mot à la mode. Un populisme xénophobe et raciste. Le faux débat, malsain, sur le choix à opérer entre libertés et sécurité, n'aura fait qu'alimenter cette tendance dangereuse.

Ouvrir des perspectives

Il s'avère donc au contraire urgent d'ouvrir de réelles perspectives non seulement de paix, mais de soutien aux exigences de justice et de démocratie des peuples, au sud comme au nord de la Méditerranée. Urgent de ne plus se faire complices des violations du droit. Urgent, aussi, de réhabiliter le débat politique sur les alternatives économiques et sociales.
Urgent de considérer enfin les propositions et exigences syndicales au lieu de criminaliser les militants. Urgent de cesser de gouverner au 49.3 lorsque la majorité des citoyens refuse des projets de loi qui réécrivent le droit du travail et promeuvent le dumping social. Une perspective autrement plus juste, plus efficace qu'une guerre sans fin, et plus mobilisatrice que le tout ultra-sécuritaire à l'œuvre depuis plus d'un an.

À la mémoire de Patricia San Martin Ce vendredi 13 novembre 2015, Patricia San Martin et Elsa Delplace, la mère, sa fille étaient de sortie pour un concert au Bataclan. Dans la tuerie qui ensanglanta la mythique salle parisienne ce soir-là, la mère et la fille ont péri brutalement, mitraillées, massacrées, pulvérisées. Patricia San Martin était agent communal (bibliothécaire) à la mairie de Sevran. Elle était aussi une militante CGT très engagée qui avait consacré sa vie à la défense des exploités, des opprimés, des droits et libertés démocratiques. À l'occasion de la commémoration des attentats du 13 novembre 2015, la bourse du travail de Sevran – Tremblay-en-France – Villepinte, et tous les syndicats de ces trois communes ont voulu rendre hommage à Patricia San Martin en donnant son nom à la bourse du travail. Dans la tradition du mouvement ouvrier, la bourse du travail et les unions locales CGT, FO, CFDT, CGC, CFTC et FSU qui la composent ont apposé une plaque commémorative en hommage à Patricia San Martin. La commémoration a eu lieu samedi 12 novembre, à Sevran, 4 avenue Victor-Hugo, en présence du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, et des élus municipaux des trois communes, François Asensi, Stéphane Gatignon, Martine Valleton. La cérémonie a été suivie d'un repas fraternel organisé par l'union locale CGT et la CGT Territoriaux de Sevran.