Combattre le racisme, au quotidien, dans les villes, les entreprises… La CGT organisait, samedi 30 juin, un festival national sur ce thème, à Nîmes (Gard). Une journée confédérale à laquelle toutes les organisations de la CGT étaient invitées, ponctuée de débats avec des témoins et des militants de terrain, de moments musicaux et où l'on pouvait consulter une exposition sur ce thème.
De nouveau et comme trop souvent, c'est dans une séquence particulièrement lourde en termes de racisme et d'immigration que s'est tenu le 30 juin dernier, dans le beau lieu culturel de la Paloma à Nîmes (Gard) le festival organisé par la CGT contre le racisme. Lourd, d'abord parce que la Méditerranée et la frontière franco-italienne se sont une nouvelle fois transformées en cimetière pour des réfugiés des guerres militaires ou économiques en quête du droit de vivre. Et cela après l'errance de plusieurs bateaux de sauvetage en mer (tel l'Aquarius) affrétés par des organisations de la société civile, auxquels l'Italie et la France ont refusé l'accès à leurs ports, en dépit de propositions corses de les recevoir.
Réfugiés : hors d'Europe
Ensuite, parce que venaient d'avoir lieu deux réunions d'urgence d'États membres de l'Union européenne (UE) sur les migrations vers l'Europe, comme s'il s'agissait d'un danger imminent non pour les réfugiés mais pour l'UE. Pourtant, alors que 65 millions d'êtres humains sont contraints à l'exil, les pays les plus riches, ceux de l'OCDE, n'en accueillent que 9 %, et l'Europe, qui en a accepté un peu plus d'un million en 2015 (en particulier de Syrie), n'en a plus accueilli que 117 000 en 2017 et seulement 43 000 au premier semestre 2018.
Or, les États membres de l'UE viennent de décider, à l'occasion de leur dernière rencontre, de renforcer la « protection des frontières extérieures » de l'Europe comme si elles étaient gravement menacées et refusent de mettre en question le « règlement de Dublin » qui laisse aux premiers pays d'arrivée des demandeurs d'asile le soin de les accueillir en faisant fi de toute solidarité intra-européenne. Les États envisagent à la fois des plateformes de débarquement hors de l'UE et, comme le souhaite Emmanuel Macron, des centres de « tri » (sic !) fermés. Parmi les pays mentionnés pour aménager de tels centres, ils citent l'Albanie, en dépit de ses difficultés économiques et sociales, et la Libye où sont pourtant dénoncés les assassinats de migrants et leur traite en esclavage.
Surf sur des thèses d'extrême droite
Enfin, parce qu'en France même, l'extrême droite a encore progressé lors des dernières élections présidentielle et législatives et que ses thèses sont reprises à leur compte par une partie des décideurs politiques. Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, ose évoquer un « benchmarking » des réfugiés, renvoie en Italie les demandeurs d'asile qui tentent de passer la frontière (et même les mineurs), fait évacuer les camps de migrants, tandis que la solidarité amène des citoyens devant les tribunaux. Le Parlement débat d'un énième projet de loi du gouvernement sur la migration et l'asile qui vise à compliquer les démarches de demande d'asile et à allonger la rétention des migrants.
Autant de mesures qui visent à les précariser davantage et à renforcer dans la société l'idée selon laquelle ils représenteraient un danger, économique voire identitaire. Or cette radicalisation des discours et des pratiques génère plus de radicalisation encore de ceux qui se disent « identitaires », comme vient d'en témoigner la découverte d'un nouveau réseau militarisé qui prévoyait des assassinats de musulmans sur le territoire français.
Le Sud particulièrement touché
Aussi, souligne Simon Gévaudan (secrétaire général de l'UD CGT du Gard), un tel festival aurait eu son utilité dans nombre de villes en France. Le choix s'est finalement porté sur le Gard, dans une région minée à la fois par la pauvreté, source de frustrations et de rejet de l'Autre, et par l'audience des thèses d'extrême droite qui prolifèrent notamment sur les peurs. Ces peurs qui, à diverses époques de l'histoire et particulièrement dans les moments de crise, alimentent les clichés, les rejets, les replis, comme l'ont montré Gilbert Garrel, dirigeant de la CGT, et l'historien Robert Mencherini.
Des outils pour débattre
Pour la CGT, comme le rappelle Pascal Debay (membre de la CE confédérale et responsable du collectif de lutte contre les idées d'extrême droite), l'antiracisme s'inscrit dans l'ADN du syndicalisme. À la concurrence de tous contre tous, la CGT oppose la solidarité entre tous les travailleurs, contre leur exploitation à l'échelle de l'entreprise comme à celle qui sévit dans le monde. De ce point de vue, le débat est important, avec les militants comme avec l'ensemble des salariés, pour combattre ces thèses d'exclusion et de division et refuser les discriminations, lesquelles tirent en outre tout le monde vers le moins-disant social.
C'est ainsi, comme le rappelle Sonia Porot (membre du collectif national) que la CGT a mis en place une série d'outils, comme les quatorze fiches pratiques et argumentaires pour lutter contre le racisme, ou le livret explicatif sur ce que suppose la laïcité, ou encore organise des stages qu'elle propose aux organisations territoriales ou professionnelles. C'est ainsi également qu'elle multiplie les débats et rencontres, comme la veille à Alès, avec plusieurs associations de défense des droits humains, ou bien voici quelques semaines à Strasbourg, avec ses partenaires des syndicats allemands Ver.di et DGB.
Proposer la solidarité
La CGT est aussi au cœur de luttes de solidarité avec celles et ceux qui subissent les discriminations ou sont victimes de racisme, ou encore avec les réfugiés en quête d'un lieu de survie et de vie. C'est ce qu'explique Gérard Ré, secrétaire de l'UD des Alpes-Maritimes, en première ligne face au refoulement des réfugiés à la frontière italienne, parmi lesquels de nombreux mineurs contrairement à ce qu'impose la loi. Sylvie Polinière (secrétaire générale du syndicat Éduc-Action du Gard et de Lozère) et Jean-Marc Diau (secrétaire général de l'UL de Béziers) relatent eux aussi les politiques volontairement discriminatoires de maires d'extrême droite, notamment à l'encontre des familles musulmanes, et la mobilisation de militants pour faire respecter l'égalité des droits. Ibrahima Tall, lui, a organisé la lutte des travailleurs sans papiers en 2015 dans les Yvelines pour leur régularisation. Aujourd'hui membre de la CE de l'UD et du collectif confédéral des travailleurs migrants, il dénonce les dangers des politiques discriminatoires et des réflexes communautaires dans certaines entreprises et rappelle comment les luttes communes pour l'égalité servent l'intérêt général de tous les travailleurs.
Aussi, commente Pascal Debay, la CGT a-t-elle l'intention d'intensifier ce combat. De nombreuses initiatives sont déjà envisagées pour l'été et la rentrée.
Partout en Europe, les extrêmes droites progressent, jusqu'au sein de gouvernements. En France, la société est traversée de courants contradictoires.
Un sondage BVA pour L'Obs paru en février indique que 65 % des citoyens sont favorables à l'accueil de réfugiés, mais que 63 % trouvent qu'il y aurait trop d'immigrés en France.
Un autre sondage Ifop pour Atlantico paru fin juin indique quant à lui que 67 % de nos concitoyens étaient opposés à l'accueil des réfugiés de
l'Aquarius, mais que 42 % [contre 32 % au printemps 2015] sont favorables à la répartition de ces migrants en Europe.