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École

Coronavirus : une réouverture des écoles à hauts risques

11 mai 2020 | Mise à jour le 13 mai 2020
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Alors que syndicats d'enseignants, associations de parents d'élèves et de nombreux maires pointent les risques sanitaires, le gouvernement persiste dans sa volonté de rouvrir écoles et crèches ce 11 mai. La CGT Éduc'Action dénonce elle aussi une reprise risquée qui, loin d'assurer la continuité pédagogique escomptée, sert surtout à relancer la machine économique.

« Trop tôt » ; « Trop vite » ; « Mal préparé » ; « Compliqué » ; « Terrible »… Les qualificatifs qui accompagnent l'ouverture des crèches et des écoles imposée par le gouvernement dès la fin du confinement, ce 11 mai, révèlent les inquiétudes des personnels, des parents et des pouvoirs publics locaux, lesquels sont en première ligne sur le front d'un déconfinement qui intervient au terme de deux mois de barrage à l'épidémie de Covid-19.

« Personnels, parents d'élèves, élèves tiennent à vous faire part de la grande inquiétude suscitée par les annonces du président de la République sur la réouverture progressive des écoles et établissements scolaires à partir du 11 mai », écrivaient en substance les onze organisations signataires du courrier adressé au ministre de l'Éducation, le 17 avril.

CGT Éduc'Action, Faen, FSU, Sgen-CFDT, Snalc, SUD Éducation, Unsa, FCPE, Fidl, MNL, UNL… Tous y réclamaient :

  • une politique massive de tests, comme préconisé par le conseil scientifique et l'OMS ;
  • la désinfection des écoles, services et établissements scolaires qui ont été fréquentés pendant la période de confinement ;
  • la fourniture des matériels de protection (gel hydroalcoolique, gants et masques) ;
  • des mesures d'éloignement du travail et un suivi médical des personnels dont la santé le nécessite ;
  • la limitation des effectifs par groupes…

Le 3 mai, plus de 300 maires d'Île-de-France leur emboîtaient le pas en signant une lettre ouverte enjoignant le président de la République de repousser une reprise jugée « intenable et irréaliste ».

Un protocole inapplicable par les enseignants…

« Il est trop tôt ; rouvrir les établissements avec une semaine de préparation, c'est impossible sanitairement, juge Jérôme Sinot, professeur des écoles à Niort et responsable national du 1er degré de la CGT Éduc'Action.

Fixer des dates reste illusoire. C'est aux collègues de voir sur le terrain, selon les zones et les régions, le nombre d'élèves qu'ils sont en mesure d'accueillir au vu des conditions sanitaires, pédagogiques et matérielles. Il faut une mise en route progressive afin d'éviter une seconde vague d'épidémie. »

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Plusieurs protocoles sanitaires de près de soixante pages et une circulaire pédagogique ont été produits par le ministère, moins d'une semaine avant le 11 mai, pour détailler ce qui s'apparente à la quadrature du cercle.

« Ces consignes s'opposent fortement entre elles, car, comment croire qu'un travail pédagogique puisse se faire correctement dans les conditions sanitaires imposées ? C'est leurrer les personnels, les élèves et les familles que de leur faire croire que l'école sera la même que celle d'avant mars », regrette le syndicat dans son communiqué de presse du 7 mai.

Lequel précise également la mise à disposition des outils nécessaires aux professeurs pour faire valoir leurs droits (droit d'alerte, droit de retrait, interpellation des CHS et préavis de grève).

… et terriblement lourd pour les enfants

L'ouverture des écoles à partir du 11 mai va à l'encontre de l'avis de l'Inserm et de celui du conseil scientifique, exprimé le 16 avril, trois jours après l'annonce présidentielle.

Considérant le risque de transmission trop important dans les lieux de regroupement massif comme les écoles ou les établissements scolaires, avec des mesures barrières quasi inapplicables par les plus jeunes, les autorités sanitaires avaient préconisé la fermeture de ces établissements jusqu'en septembre.

« Je refuse d'ouvrir l'établissement parce qu'on va imposer aux enfants des choses terribles, confirme Antoine Dierstein, directeur d'une école de 140 élèves dans le 20e arrondissement de Paris.

Des CP postés six heures par jour à leur table sans pouvoir jouer, c'est de la maltraitance. Non seulement, ce protocole n'est pas applicable, mais il est invivable. Pour les enfants, ce ne sera pas mieux que d'être confinés ; ils n'apprendront pas mieux dans ces conditions. »

École à distance et rentrée progressive promues sur le terrain

Envoi des devoirs par courriels ; distribution d'enveloppes avec polycopiés imprimés en direction d'une quarantaine d'élèves ; prêt de tablettes ; contacts téléphoniques réguliers… L'organisation mise en place par l'équipe enseignante de l'école pendant le confinement a permis de maintenir la continuité pédagogique avec tous les élèves, sauf un.

« On veut continuer l'enseignement à distance pour l'instant et commencer à s'organiser pour recevoir des petits groupes de quatre ou cinq enfants pendant une demi-journée pour les faire travailler sur un sujet précis, Antoine Dierstein.

Et après deux ou trois semaines de cet enseignement à la carte, s'il n'y a pas de pic épidémique, on rouvre. On aimerait pouvoir accueillir tous les enfants début juin. »

Un discours bien accueilli par la grande majorité des familles de ce quartier pourtant modeste de la capitale, où les « élèves décrocheurs », premiers alibis de cette reprise à marche forcée, seraient surreprésentés.

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Deux parents sur trois n'enverront pas leur enfant à l'école

Cette réaction est confirmée par un sondage Odoxa-Dentsu Consulting publié le 24 avril et réalisé pour Le Figaro et France Info.

Près des deux tiers des parents (64 %) affirment qu'ils n'enverront pas leur progéniture à l'école, une proportion qui fait écho au nombre de Français qui rejettent la réouverture des établissements scolaires (63 %).

La majorité des sondés ne sont d'ailleurs pas dupes : pour 60 % d'entre eux, cette mesure a été prise uniquement dans le but de permettre aux parents de reprendre le travail, alors que l'épidémie de Covid-19 continue de mettre le pays à genoux.

Pis, alors qu'Emmanuel Macron avait justifié sa démarche en voulant réduire les « inégalités », le sondage montre que plus les parents sont modestes, moins ils comptent renvoyer leurs enfants à l'école.

Les chiffres sont même inversement proportionnels aux niveaux de revenus : 17 % des foyers avec un revenu de moins de 1 500 euros net mensuel souhaitent ce retour, contre 36 % des revenus moyens (entre 1 500 et 3 500 euros) et 48 % des plus aisés (plus de 3 500 euros).

Considérée au cœur de la propagation de l'épidémie il y a deux mois, l'école est aujourd'hui devenue le maillon central de la reprise économique, mais à quel prix ?

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