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Ségur de la santé

Véran lâche 6 milliards pour les salaires, mais les syndicats restent sur leur faim

25 juin 2020 | Mise à jour le 25 juin 2020
Par | Photo(s) : ERIC FEFERBERG / AFP
Véran lâche 6 milliards pour les salaires, mais les syndicats restent sur leur faim

Au « Ségur de la santé », l'enveloppe des 6 milliards d'euros pour revaloriser les salaires et les propositions du rapport Claris pour une nouvelle gouvernance de l'hôpital déçoivent les collectifs et les syndicats. Réaction de Mireille Stivala (CGT Santé et Action sociale) et explications de Christophe Prudhomme, médecin urgentiste CGT.

Le suspens aura assez duré. Un mois après le lancement du « Ségur de la santé », le ministre de la Santé a fini par dévoiler, hier, le montant de l'enveloppe prévue pour les hausses de salaires des soignants (hors médecins, qui font l’objet d’une négociation parallèle).

Salaires

Six milliards d’euros sont donc à partager entre hôpitaux et Ehpad publics, mais aussi pour partie avec le secteur privé. Pour les collectifs et plusieurs syndicats – dont la CGT –, qui revendiquent une « revalorisation générale des salaires » d’au moins 300 euros net par mois dans les établissements publics, le compte n’y est pas.

Et le partage – surprise – de cette somme avec le secteur privé a suscité l'hostilité. «  l faut que le gouvernement revoit complètement sa copie tant sur le budget alloué à cette négociation que sur le contenu du projet d'accord », a estimé Mireille Stivala, secrétaire générale de la fédération CGT Santé et Action sociale, pour qui « la pression repose désormais sur les épaules de l’exécutif, qui a une obligation de résultat ».

Après la mobilisation massive du 16 juin, qui avait réuni des dizaines de milliers de manifestants partout en France, plusieurs syndicats (CGT, FO, SUD, Unsa) et collectifs de soignants (Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences) appellent à de nouveaux rassemblements le 30 juin.

La réaction de Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé et Action sociale à l’annonce des 6 milliards d’euros alloués à la revalorisation salariale des soignants.

Gouvernance

Sur le versant de la gouvernance à l'hôpital, le rapport Claris, publié le 16 juin par le ministère, n'a pas convaincu davantage. Missionné fin 2019 par le gouvernement pour travailler sur l'amélioration de la gouvernance et la simplification du fonctionnement de l'hôpital, le professeur Olivier Claris préconise notamment plus de « reconnaissance » et de « valorisation » pour les médecins-chefs. Mais le collectif Inter-Hôpitaux et la CGT l'ont vivement rejeté, réclamant un « profond changement du fonctionnement hospitalier ».

Pour Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et militant CGT, « ce rapport ne traite que d'un petit renforcement du pouvoir médical au détriment de celui de l'administration et exclut totalement le personnel médical et les médecins des processus de décision. » Explications de l’intéressé…

Pourquoi les propositions de ce rapport ne vous ont-elles pas convaincu ?

Il y a d'abord un problème de forme. Discuter d'une nouvelle gouvernance de l'hôpital, sur la base d'un rapport rédigé par des gens qui font partie de la gouvernance actuelle et qui en profitent, cela avait peu de chances d'aboutir. Ces gens, ce sont des présidents de commissions, des directeurs d'hôpitaux, des responsables qui travaillent depuis longtemps dans le cadre de la loi Bachelot et ne sont pas très critiques sur ce système.

Qui plus est, comme il n'y a là que des médecins et des directeurs d'hôpitaux, on reste dans une logique d'opposition entre pouvoir administratif et pouvoir médical, alors que le problème de la gouvernance de l'hôpital, c'est le manque de démocratie et un fonctionnement complètement atypique par rapport au reste des activités. Dans une structure qui devrait avoir en son sein un minimum de contre-pouvoirs, il n'y a tout simplement pas de représentation de l'ensemble des personnels.

Il n'y a pas l'équivalent d'un CSE à l'hôpital public, au contraire des structures privées à but non lucratif, qui ont un fonctionnement d'entreprise puisque tous les salariés, y compris les médecins, élisent des représentants sur des listes syndicales et que la commission médicale d'établissement est là pour discuter des problèmes médicaux et de l'organisation médicale – un CSE et un CHSCT, de fait, constituent un contre-pouvoir au directeur d'établissement.

Qu'en est-il à l'hôpital ?

À l'hôpital, on a un comité technique d'établissement dans lequel figurent, sur la base de listes syndicales, les élus du personnel non médical. On a aussi une commission médicale d'établissement dont la moitié des membres sont membres de droit, du fait de leur position institutionnelle de chef de service, de pôle, etc. Seule la moitié des sièges, par conséquent, est soumise à des élections, lesquelles ne sont pas syndicales mais nominatives, c'est-à-dire individuelles.

Depuis la loi Bachelot, nous avons perdu le CA, qui a été transformé en conseil de surveillance ; alors que le CA avait un droit de véto et pouvait notamment s'opposer au directeur en matière de budget et sur le projet d'établissement, l'actuel conseil de surveillance, pour sa part, ne fait que donner un avis. Depuis la loi Bachelot, nous avons donc un système qui concentre tous les pouvoirs dans les mains d'un directeur entouré d'un certain nombre de médecins qu'il a lui-même nommés, ce qui leur ôte toute indépendance : s'ils s'opposent à lui, ils peuvent être démis de leur fonctions.

Le seul qui a un petit pouvoir, c'est le président de la commission médicale d'établissement ; il ne peut cependant donner que des avis, et le directeur n'est pas obligé de les suivre… Ce n'est pas du tout notre conception de la démocratie.

Du coup, que réclamez-vous sur ce registre ?

Nous réclamons le retour d'un conseil d'administration (CA) qui ait le droit de véto sur le budget annuel et le projet d'établissement. Nous voulons également que le CA soit présidé par un élu, par exemple le maire de la ville. Nous souhaitons aussi le maintien des CHSCT. Après qu'ils aient été supprimés dans le privé, par la loi Travail, les CHSCT devraient également disparaître dans le public et devenir une commission du comité technique d'établissement.

Autre problème dans nos CHSCT, les médecins qui y figurent ne sont pas élus, mais nommés : ils ne représentent donc pas les salariés médecins. Du coup, quand il y a un problème de conditions de travail qui touche un médecin, c'est très compliqué de le faire traiter par le CHSCT. Par ailleurs, on veut maintenir le pouvoir des CHSCT de mandater des organismes extérieurs pour produire des expertises.

On demande également une structure comme le CSE, qui puisse représenter l'ensemble des personnels, médecins compris, à partir de listes syndicales, comme cela existe dans les hôpitaux privés à but non lucratif. Enfin, en termes de démocratie, on veut que soient supprimés les pôles et toutes ces grandes structures qui regroupent plusieurs services, de façon à ne plus avoir, comme structure organisationnelle, que le service. On veut enfin et surtout que dans ces services, les chefs de service soient élus par les médecins du service.