« Un horizon de sortie de crise anticipé d'ici fin 2021 pour les grandes entreprises » mais « pas avant 2022 pour l'ensemble de l'économie »
Cette confiance des grandes entreprises pour 2021 pourrait être vue comme une bonne nouvelle. Après tout elles sont une force d'entraînement pour l'ensemble de l'économie, notamment en tant que donneur d'ordre. Eurogroup Consulting douche tout espoir en la matière : « les grandes entreprises anticipent une sortie de crise pour elles plus tôt que pour le reste de l'économie, les PME et plus petites entreprises risquant d'être beaucoup plus touchées, car très dépendantes des aides de l'État. » Voilà un argument qui semble bien fallacieux, les aides de l'État aux petites et moyennes entreprises – souvent sous-traitantes des grandes – étant justement destinées à les aider à tenir en attendant la sortie de crise. C'est donc plutôt du côté de la stratégie de rebond des grands patrons qu'il faut chercher une explication au décalage qu'ils pronostiquent entre leur propre sortie de crise et celle de l'économie française en général.
Si 60% des dirigeants l'anticipent d'ici fin 2021 pour leur société, ils sont 70% à estimer que la sortie de crise n'aura pas lieu avant courant 2022 pour l'ensemble de l'économie française. Certes, il y a 10% des entreprises qui ne voient pas le bout du tunnel avant 2023 mais elles appartiennent à des secteurs sinistrés comme le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, l'évènementiel ou encore le spectacle et la culture.
Les grandes entreprises tablent sur leur activité à l'étranger pour rebondir en 2021
La stratégie des patrons des grandes entreprises pour 2021 est limpide : « L'année 2021 marque le retour d'un fort tropisme pour l'étranger (+9 points par rapport à la France) », indique Eurogroup Consulting. Autrement dit, les grandes entreprises françaises – qui sont toutes des multinationales – comptent davantage sur leur reprise d'activité à l'étranger – où elles sont solidement implantées – plutôt qu'en France. C'est cela qui fonde l'optimisme de leurs dirigeants. Pour 2021, ils sont 58% à prévoir une hausse de leur activité à l'étranger contre 34% en France. De même, 42% d'entre eux anticipent une augmentation de la rentabilité de leurs entreprises à l'étranger mais ils ne sont que 35% à l'envisager pour celles qui sont implantées dans nos frontières. Si l'écart est moins flagrant pour leurs perspectives d'investissements, il n'en demeure pas moins que « près d'un quart des dirigeants » les prévoient en baisse en France, note Eurogroup Consulting (-23% en France contre -17% à l'étranger).
Près d’un quart des patrons envisagent des suppressions d'emplois
Une telle stratégie ne peut pas aller sans conséquence pour l'emploi sur le territoire national. D'ailleurs, quand il est demandé à ces patrons s'ils ont l'intention de procéder à des suppressions d'emplois en France, 24% des sondés répondent par l'affirmative contre 15% pour leurs implantations à l'étranger.
Bref, ils auront applaudi aux aides publiques, prêts garantis par l''État (PGE), plan de relance ou encore à la baisse des impôts de production – et empoché l'argent – pour finalement prévoir que les effectifs français « redeviennent la principale variable d'ajustement » en 2021, constate Eurogroup Consulting.
Crise économique, désindustrialisation et… « risque social »
Tout compte fait la stratégie de ces dirigeants conforte l'idée que la France ne parvient pas à sortir de ses vieux schémas : une puissance industrielle avec de grandes entreprises florissantes et puissantes à l'international, mais un pays qui, à l'intérieur de ses frontières, se désindustrialise inexorablement. Sans parler de l'impuissance de l'exécutif face à ces multinationales. Toutefois, certains sondés font peut-être preuve de lucidité. Concernant « les prévisions de risques en 2021 », outre les risques économiques et financiers, sanitaires, ou encore les cyber-risques qui les préoccupent beaucoup, « les risques sociaux sont également cités dans plusieurs commentaires, comme la conséquence d'un éventuel effondrement économique », note Eurogroup Consulting. Un risque qu'il serait assez simple d'éviter en prenant en compte les propositions des travailleurs et de leurs syndicats.