Une lutte haute couture
Elles défraient la chronique, ces trente ouvrières en lingerie haut de gamme de Villeurbanne. La « lutte » des Atelières, du nom de leur société coopérative... Lire la suite
nvo - Qu'avez-vous dit aux ouvriers du textile français en tant qu'invité au 10e congrès de la fédération CGT textile-habillement-cuir (THC-CGT) ?
Amirul Haque Amin Avant, les industries du textile étaient situées en France, dans le Nord. Mais maintenant ces usines sont installées au Bangladesh et dans d'autres pays du Sud. La plupart des travailleurs des pays du Nord ne comprennent pas la raison de ces délocalisations : ils voient les travailleurs du Sud comme des concurrents.
Je suis venu expliquer qu'avec ces délocalisations du Nord vers le Sud, les travailleurs des pays du Sud ne gagnent pas de quoi vivre, n'ont pas de bonnes conditions de travail, n'obtiennent pas le droit de se syndiquer. Ces délocalisations donnent l'opportunité aux ouvriers de travailler dans des usines mais ces boulots ne leur apportent pas la dignité, ni même un minimum pour vivre. Ces délocalisations n'apportent que de gros profits aux multinationales. Nous avons besoin de travailler ensemble. Si nous luttons ensemble, si nous unissons nos voix, la situation peut changer. C'est le bon moment pour le dire aux multinationales, au Nord comme au Sud.
Qu'avez-vous obtenu jusqu'ici ?
En un an, depuis l'effondrement du Rana Plazza, il y a eu quelques améliorations. Les salaires ont augmenté de 70 %. Les revenus vont de 53 euros à 68 euros, mais ce n'est pas assez. Les lois sur le travail ont été réformées, les contraintes de sécurité renforcées. Il y a eu des initiatives positives comme la signature par 175 entreprises et les syndicats locaux et internationaux de l'agrément sur la sécurité des constructions et incendies au Bangladesh.
Le processus d'inspection de leurs usines a déjà commencé. Une autre initiative d'inspections a été organisée par 21 marques nord-américaines, le gouvernement bangladais et l'OIT. Pour les autres usines non concernées par les accords précédents, le gouvernement national a lancé le National Action Plan qui a permis l'inspection de 1 500 usines sur la sécurité (infrastructure, incendie, et électricité). L'inspection a permis de cerner les problèmes et de les corriger.
Que reste-t-il à faire ?
Maintenant, les entreprises doivent payer de vraies compensations aux victimes. L'Organisation internationale du travail les a chiffrées à 40 millions de dollars. Les multinationales n'ont versé que 17 millions. Beaucoup de groupes sont dans le déni. 11 marques n'ont pas voulu payer, estimant qu'elles n'étaient pas directement impliquées, comme Carrefour ou Auchan. 18 ont payé, comme Camaïeu, mais pas assez. Notre premier challenge pour nos syndicats et les vôtres est d'obtenir les bonnes compensations pour les victimes du Rana Plazza. Ensuite, il faut réformer la loi du travail. Puis augmenter les salaires. Pour que ces multinationales deviennent responsables, transparentes, équitables, nous avons besoin du système légal. Ces multinationales ont leur siège dans les pays développés et on ne peut contrôler leur responsabilité bien que les ouvriers employés par les sous-traitants travaillent pour eux. Il faut instaurer un système légal au niveau des donneurs d'ordre.
Qu'en est-il du droit syndical au Bangladesh ? Pourquoi avoir signé une convention avec la CGT ?
Le droit de s'organiser et le droit pour un syndicat de négocier sont inscrits dans la loi. Mais l'employeur n'a pas besoin de donner de raison pour licencier. Cela vise en fait les militants syndicaux. Pour créer un syndicat dans l'entreprise, celui-ci doit réunir 30 % de syndiqués. C'est très difficile de convaincre 3 000 ouvriers de se syndiquer dans une usine de 10 000 travailleurs ! Avec la CGT et l'Avenir social, nous avons signé un agrément pour former les travailleuses.
Sur les 4 millions d'ouvriers du textile, 85 % sont des femmes. Souvent elles viennent de la campagne, sont peu éduquées, issues de familles en marge. Elles ne connaissent pas leurs droits, elles ne savent pas s'organiser, ni ce qu'est la responsabilité sociale des entreprises. L'objectif est de former 300 femmes à la sécurité, à l'égalité femme-homme et au syndicalisme. C'est une formation de base pour en faire plus tard des leaders. Il faut une solidarité Nord-Sud, Sud-Nord pour faire pression des deux côtés. Il est évident que les actions menées par l'intersyndicale Camaïeu en France ont mis la pression sur l'entreprise pour accepter d'indemniser les victimes. Malheureusement, au Bangladesh, les travailleurs savent qu'il y a des actions mais ils ne reçoivent pas assez d'informations sur ces actions pour pouvoir les utiliser.
Elles défraient la chronique, ces trente ouvrières en lingerie haut de gamme de Villeurbanne. La « lutte » des Atelières, du nom de leur société coopérative... Lire la suite
Après des semaines de lutte et des centaines d’usines bloquées, les petites mains du textile au Bangladesh viennent d’obtenir l’augmentation du salaire minimum mensuel. Ce... Lire la suite