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1914-1918 La CGT la Guerre

21 juin 2014 | Mise à jour le 26 avril 2017
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1914-1918 La CGT la Guerre

D'abord fidèle à ses orientations antimilitaristes, la CGT se trouve progressivement isolée. Mais le déclenchement du conflit, le 1er août 1914, conduit la CGT à l'Union sacrée. Une réorientation contestée, dès avant la fin de la guerre, par des responsables et des militants syndicaux.

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CHRONOLOGIE

1906
L'antimilitarisme devient la doctrine de la CGT.

 
1912
Échec relatif de la grève générale contre la guerre.

 
Juillet 1914
Imposantes manifestations parisiennes contre la guerre.

 
4 août 1914
Discours de Jouhaux annonçant le ralliement à l'Union sacrée.

 
Décembre 1914
Démission de Pierre Monatte du bureau confédéral.

 

5-8 septembre 1915
Merrheim et Bourderon à la conférence de Zimmerwald.

 
Janvier, mai, juin 1917
Importants mouvements grévistes.

 
15 décembre 1918
Adoption par le CCN du programme minimum de la CGT.

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Avec l'affirmation du syndicalisme révolutionnaire au congrès d'Amiens, en 1906, s'ouvre une période où les luttes ouvrières gagnent en intensité. L'« âpreté des luttes » est révélatrice de rapports sociaux nouveaux.

Avec l'État, un troisième acteur émerge et s'immisce dans les conflits du travail. L'emploi massif de la troupe pour contenir les grèves inaugure une méthode gouvernementale qui, pour n'être pas totalement nouvelle, sera généralisée par Clemenceau au pouvoir. En 1907, à Nantes, à Narbonne, dans le Midi lors de la grève des vignerons puis, en 1908, à Raon-L'Étape, à Draveil-Vigneux ou à Villeneuve-Saint-Georges, la troupe fait usage de ses armes. Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que l'antimilitarisme progresse à grand pas chez les travailleurs qui n'ont aucun mal à identifier dans l'armée – « le chien de garde du Capital ».

CONGRÈS EXTRAORDINAIRE

Les menaces d'une généralisation d'un conflit à l'origine local se précisent en octobre 1912, avec la crise balkanique. Aussitôt, la CGT s'adresse aux syndicats autrichiens et allemands pour l'organisation de mobilisations communes en faveur de la paix. Mais ceux-ci répondent, sans surprise, par une fin de non-recevoir, considérant que les décisions sont du ressort des partis socialistes et non des syndicats.

Malgré les difficultés avec l'appareil syndical international, la CGT convoque un congrès extraordinaire à Paris, pour les 24 et 25 novembre 1912, qui décide d'une grève générale pour le 16 décembre 1912 dont le succès est peu probant. Alors que les menaces de guerre s'installent, les responsables parmi les plus lucides du mouvement ouvrier s'interrogent.

Certes, l'activité de la CGT pour la paix représente un investissement considérable, mais est-il suffisant pour mettre en échec les guerres et endiguer les déferlements chauvins et patriotiques ? Quelles formes concrètes l'appel au déclenchement d'une grève généralisée contre la guerre peut-il prendre ?

MANIF SUR LES BOULEVARDS

L'annonce brutale et soudaine, le 23 juillet 1914, de l'ultimatum autrichien à la Serbie provoque stupeur et désarroi dans les syndicats et met un terme à ces tergiversations. La CGT, fidèle à ses orientations antimilitaristes, produit un ultime effort pour tenter d'enrayer ce fatal processus.

Le 27 juillet, elle rassemble d'imposantes manifestations sur les boulevards. Le même jour, à Bruxelles, lors du congrès de la centrale syndicale belge, Léon Jouhaux et Georges Dumoulin ne peuvent que constater l'isolement de la CGT tant sur le plan national qu'international. La direction de la CGT n'a pas d'autres choix que de se rapprocher du parti socialiste et de Jean Jaurès.

Dès le 31 juillet, le comité confédéral entérine cette nouvelle orientation qui lie de facto la CGT aux choix que va opérer le parti socialiste. Quoi qu'il en soit, le 1er août, la France mobilise et la centrale contemple silencieuse cette folie avant de se rallier, comme les socialistes, à l'Union sacrée.

RALLIEMENT À L'UNION SACRÉE

Encore aujourd'hui, ce ralliement massif de la classe ouvrière à la défense nationale garde une part de mystère. Mais pour en rendre pleinement compte, il est sans doute nécessaire de faire appel à plusieurs ordres de considérations.

Il est manifeste que l'opinion publique a la conviction que la France n'a aucune responsabilité dans le déclenchement de la guerre. D'où le sentiment partagé dans les milieux ouvriers que la lutte qui s'engage est une lutte défensive. Et puis, le sentiment patriotique est resté profondément ancré dans les masses populaires, soulignant cruellement le décalage croissant entre l'antipatriotisme de la jeune CGT et ce que pense la masse des ouvriers.

Il est fort probable aussi que les dirigeants syndicaux ont, dès la fin juillet 1914, acquis la conviction que leurs homologues allemands ou autrichiens sont dans l'incapacité d'enrayer une éventuelle mobilisation. Enfin, dernier élément, la décision prise, dès le 31 juillet, par le gouvernement, d'abandonner les poursuites préventives contre les militants inscrits comme suspects sur le fameux carnet B.

CHUTE DES EFFECTIFS SYNDICAUX

Le choc de la mobilisation et l'effondrement des anciens repères sont une catastrophe pour le syndicalisme et la CGT en particulier. Certaines fédés et UD disparaissent (spectacle, voiture-aviations, Allier, Doubs), d'autres sont réduites à leur plus simple expression (agriculture, verriers, etc.). Seuls quelques rares secteurs (bâtiment notamment) échappent à cette déconfiture. Les effectifs syndicaux chutent brutalement aux alentours de 50 000 syndiqués en 1915 ! Face à ce naufrage, les voix du refus sont rares et dispersées.

Bien que considérablement affaiblie, la CGT se redéploie et s'adapte aux nouvelles conditions nées de la mise en place de l'économie de guerre. L'État joue un rôle moteur dans cette évolution.

À la manœuvre, le ministre socialiste de l'Armement Albert Thomas qui, dès 1917, inaugure : fixation de minima et de barèmes pour les salaires dans les usines d'armement, mise en place de commissions mixtes paritaires dans les départements et introduction des délégués d'atelier.

RÉFORMISME SYNDICAL

Certes, ces expériences demeurent limitées à quelques établissements industriels et la fin de la guerre y mettra un terme. Néanmoins, les relations nouées entre le syndicalisme, le patronat et l'État participent au nouveau réformisme syndical.

L'année 1917 marque une rupture décisive. L'extrême dureté de la condition ouvrière est à l'origine d'une poussée gréviste exceptionnelle qui profite très largement à la CGT. Celle-ci connaît à la sortie de la guerre une croissance remarquable de ses effectifs et de son influence.

Mais la direction réformiste doit faire face à la poussée d'une forte minorité, issue du refus de la guerre. Au comité confédéral national des 15 et 16 décembre 1918, la direction assume son réformisme et la politique de présence. De son côté, la minorité se place dans le sillage ouvert par la révolution russe et les perspectives de transformation sociale qu'elle semble dessiner.

D'évidence, rien ne semble pouvoir empêcher la profonde remise en cause des modèles syndicaux d'avant-guerre et les recompositions qui vont alimenter le processus scissionniste qui se met en œuvre.