2015, reniements et consensus – partie 2
Qui s’en étonnera ? Selon un sondage Odoxa, pour Aujourd’hui en France/Le Parisien publié dimanche 27 décembre, 81 % des Français ont jugé « mauvaise » l’année 2015.... Lire la suite
2015 aura commencé en France dans le sang, le 7 janvier, par les attentats terroristes contre les journalistes de Charlie Hebdo, puis contre une épicerie casher. Mais ils auront été suivis très vite, dès le 11 janvier, par des manifestations d'une ampleur inédite dans tout le pays, des millions de citoyens se retrouvant dans les rues au nom de la défense de la vie, de la liberté d'expression, des valeurs républicaines.
L'année se termine de nouveau dans le sang, avec les attentats les plus meurtriers de l'histoire de notre société, revendiqués par l'organisation de l'État islamique, Daech. Ils ont frappé, ce 13 novembre, à Paris et Saint-Denis, des lieux de vie (l'hommage de la CGT), de musique, de sport, de convivialité, de mixité et de métissage, tuant 130 personnes et blessant des centaines d'autres.
Mais, au-delà de l'engagement des professionnels des services publics et des témoignages spontanés et immédiats de solidarité, ils auront cette fois été suivis par un état d'urgence durable, avec interdiction de manifester, assignations à résidence, pouvoirs accrus à la police au détriment du judiciaire, et volonté du gouvernement d'imposer une distinction entre les citoyens français, selon qu'ils sont mono ou binationaux, à travers une révision constitutionnelle censée inscrire le principe de déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France et coupables de terrorisme. Reprenant à son compte une antienne de l'extrême droite.
Une fin d'année marquée également, à la suite de violences contre des pompiers à Ajaccio le soir de Noël, par une flambée de haine raciste, islamophobe, à l'encontre d'une mosquée de la ville et contre les résidents d'un quartier où vivent de nombreuses familles issues d'une vieille immigration d'origine arabe.
Une fin d'année marquée, enfin, par les propos d'un premier ministre selon lequel une partie de la gauche s'égarerait à défendre des valeurs que le contexte contraindrait à renier…
Entre-temps, les gouvernements européens ont majoritairement continué d'imposer des politiques d'austérité, la troïka multipliant sanctions et menaces.
En France, le chômage a poursuivi son ascension, augmentant de 5,1 % sur 1 an (chiffres de novembre), pour atteindre 5,44 millions de personnes privées d'emploi en comptant les catégories A (pas d'emploi) B et C (activité réduite) ; le SMIC n'a augmenté en fin d'année que de 0,6 % ; le gouvernement a fait adopter de nouvelles lois de régression sociale au nom de la compétitivité des entreprises confondue allègrement avec les marges à deux chiffres de leurs dirigeants et actionnaires ; et à la demande du Medef, il ronge pan après pan le droit du travail.
Enfin, le FN a atteint aux régionales le score historique de 6,8 millions de voix au second tour, menaçant de rafler la présidence de plusieurs régions
Entre temps toujours, la France, qui a poursuivi ses interventions militaires en Irak, est entrée également en guerre en Syrie.
Et ce sont plus d'un million de migrants qui ont dû chercher refuge en Europe, y arrivant par la mer, risquant leur vie sur des embarcations de fortune pour espérer échapper aux bombes et à la terreur…
Bref, selon un sondage Odoxa, pour Aujourd'hui en France/Le Parisien publié dimanche 27 décembre, 81 % des Français considèrent 2015 comme une mauvaise année.
Au seuil d'une nouvelle année, l'idée d'un bilan exhaustif des douze mois écoulés serait aussi absurde qu'impossible. La NVO retient cependant quelques fils rouges. Dans l'édition papier à paraître en janvier, elle vous proposera aussi un bilan de la COP21.
Au nom de l'emploi, François Hollande s'est dit ouvert à une « rénovation » du modèle social. Une rénovation qui ressemble davantage à une intensification ou une accélération des recettes de la droite au pouvoir avant lui, à la demande du Medef. Certes, il fixe trois « lignes rouges » : le maintien du CDI pourtant vilipendé par le Medef, la durée légale du travail fixée à 35 heures par semaine, et l'existence d'un SMIC, que l'Allemagne elle-même a dû adopter. Mais les dérogations peuvent se multiplier sans entrave.
Car le gouvernement entend poursuivre ce que le Medef avait déjà obtenu par le pacte dit de responsabilité : baisse de la rémunération du travail et des cotisations finançant la protection sociale, aides aux entreprises et réduction de la fiscalité…
Le budget 2016 poursuit sur la même pente, qui accentue encore la politique d'austérité, les milliards d'euros donnés aux entreprises se traduisant notamment par des réductions budgétaires des collectivités territoriales, des budgets de solidarité, ou encore des reports de réévaluation de diverses allocations sociales.
C'est dans ce cadre que le gouvernement – usant du 49-3 – a fait aussi adopter cette année les lois Macron, puis Rebsamen : élargissement du travail du dimanche et de nuit, remise en cause des services publics comme ceux du transport, effritement des droits des salariés à s'exprimer, à être représentés, à se défendre…
L'idée patronale d'inverser la hiérarchie des normes marque aussi des points ; il s'agit de faire prévaloir les accords d'entreprises sur les accords de branches et ceux-ci sur la loi, au détriment d'un socle de droits communs pour les salariés.
Le chef de l'État et son premier ministre en appellent à « lever les contraintes » sur l'emploi par une refonte du Code du travail qualifié de trop épais. Le « statu quo n'est plus possible », avance même François Hollande, et Manuel Valls promet une refonte du texte sur deux ans.
D'ores et déjà, et en dépit de condamnations, Uber, Airbnb… représentent autant de nouveaux modèles d'organisation du travail, montés en puissance cette année, qui remettent en cause les droits des salariés. Ceux-ci, le plus souvent sans contrat de travail, n'en sont pas moins victimes de liens de subordination à des employeurs de fait, qui profitent des bas salaires pour promettre des compléments sans règles, sans droits, sans protection sociale…
Comment s'étonner dans un tel contexte d'une criminalisation de celles et ceux qui luttent pour défendre l'emploi, un travail décent, un autre partage des richesses ?
Faire peur, délégitimer l'action syndicale et les syndicalistes : la recette n'est pas neuve. Mais elle s'intensifie, de l'entreprise aux tribunaux, contre les militants, contre les médecins du travail, les inspecteurs du travail eux-mêmes… « Syndicalistes… pas voyous ! », réaffirme en grand la CGT.
Car les luttes se multiplient, et dérangent le patronat. Des luttes pour les salaires. Pour l'emploi. Contre la casse de l'industrie. Pour défendre la culture, l'une des grandes sacrifiées des coupes claires dans les budgets publics, en particulier territoriaux. Pour d'autres organisations du travail que celles qui suscitent burn-out autant qu'inefficacité. Pour le respect des RTT…
Des luttes dans le commerce. Dans les services publics. À l'hôpital. De l'AP-HP à la clinique du Pont de Chaume. Dans nombre d'entreprises industrielles, dans les régions, dans les services. À Radio France (sur toutes ses antennes). À l'Office national des forêts. Chez McDo. Dans nombre d'entreprises mettant en concurrence salariés avec ou sans papiers, comme chez OMS. À Sidel. Parmi les privés d'emploi. Au Carlton. Chez les aides à domicile. À Air France. Chez PSA. À la pizzéria La Mamma. Parmi les travailleurs détachés. Sur l'esplanade de La Défense, où les ingénieurs, cadres et techniciens défendent, entre autres, leur « droit à la déconnexion ». À Pôle emploi. À Erdf. À l'AFP. La liste est longue…
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