« Bosser moins, mais tous et mieux ! » : les 35 heures ont 20 ans
Les 35 heures sont toujours là, malgré les nombreux coups de boutoir que leur ont infligés les gouvernements successifs. Il s’agit sans doute de l’une des dernières... Lire la suite
La réponse est «non». N'en déplaise au Medef qui n'est pas à une contre-vérité près quand il s'agit de combattre une avancée sociale. Démonstration: si l'on ne considère que les salariés à temps plein, la France se retrouve logiquement en queue de peloton puisqu'elle a réduit sa durée légale du temps de travail (1661 heures en moyenne annuelle soit 239 de moins que le Royaume-Uni, 186 de moins que l'Allemagne, 120 de moins qu'en Italie).
C'est ce qu'indique une étude de l'Institut COE-Rexecode publiée en juin 2014 (chiffres 2013) qui démontre aussi que la durée du travail hexagonale se normalise dès qu'on réintègre les temps partiels. En effet, les autres pays ayant diminué leur durée du travail via le temps partiel, il apparaît qu'en France ces salariés travaillent plus que leurs collègues allemands ou britanniques (993 heures annuelles contre, respectivement, 851 et 864 heures). Résultat, en prenant en compte l'ensemble des salariés, on constate que la France, avec une durée annuelle du travail de 1536 heures, travaille en réalité à peine moins que l'Allemagne (1580 heures) ou que le Royaume-Uni (1637 heures). CQFD.
En fait, le coût salarial des 35 heures a été absorbé par les gains de productivité. Suite aux 35 heures, les salaires restant au même niveau et le temps de travail baissant, mécaniquement le coût de l'heure de travail a augmenté pour les entreprises. Un mauvais point pour la compétitivité, a priori. Sauf si davantage de biens et de services sont produits dans le même temps, autrement dit, si les gains de productivité viennent compenser l'augmentation du coût de l'heure de travail. «Or, indique le rapport d'enquête parlementaire publié en décembre, la productivité du travail a augmenté aussi rapidement que le coup salarial réel, de sorte que l'effet d'une hausse des salaires un peu plus rapide en France que dans la moyenne de la zone euro a été totalement compensé par des gains de productivité, également plus rapides».
Pour compléter le tableau il convient d'ajouter que les allégements de charges sur les bas salaires sont venus compenser l'augmentation du Smic (17% entre 2000 et 2005). De fait, les taux de marge des entreprises n'ont pas souffert pendant la période de mise en œuvre des 35 heures. L'explication de leur manque de performance à l'export serait donc à chercher ailleurs.
Si le Medef donne de la voix sur les 35 heures, il faut bien reconnaître que les chefs d'entreprises se font plus discrets. Dès le départ, les 35 heures ont été l'occasion pour eux de négocier avec les salariés l'annualisation du temps de travail en contrepartie de la mise en place de la réduction du temps de travail (RTT). Et alors que, depuis 2008, la loi a fait sauter les principaux verrous sur la durée légale du travail (augmentation du temps de travail contre augmentation de salaires), peu nombreux sont les patrons qui se sont précipités pour dénoncer les accords existants.
Et pour cause : ils leur permettent d'adapter le temps de travail en fonction des périodes de forte ou de basse activité, de gagner ainsi davantage en flexibilité et donc de moins faire appel aux heures supplémentaires. Bref, les 35 heures font tourner les machines.
Ainsi, le rapport d'enquête parlementaire note que leur durée d'utilisation est passée de 50 heures hebdomadaires en 1996 à 55 dans les années 2000. Sans compter que les 35 heures ont souvent été l'occasion pour les chefs d'entreprises de réorganiser les processus de production, de les rationaliser – d'où les gains de productivité – avec pour conséquence la dégradation des conditions de travail.
Certes, les salariés qui bénéficient de demi-journées ou de journées entières de RTT, apprécient les 35 heures car elles leur permettent de trouver un meilleur équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. C'est moins vrai pour ceux dont le temps de travail n'est réduit que de quelques minutes par jour et pour beaucoup d'autres (industrie, hôpitaux, cadres…) elles se sont traduites par une intensification des tâches. Tout n'est donc pas rose dans le monde du travail à 35 heures. Et cela, les patrons, comme le Medef, n'ont pas l'air de vouloir l’entendre.