15 novembre 2024 | Mise à jour le 15 novembre 2024
La CGT et FO appelaient le 13 novembre à la grève dans l’enseigne de bricolage du groupe Mulliez, pour réclamer la réouverture des négociations annuelles obligatoires, bouclées sur une augmentation générale de 1,1%. Dans le Nord, une manifestation a été organisée devant le siège, à Lezennes.
« Augmentez les salaires ! » Les rayons du Leroy Merlin de Lezennes (Nord) ont connu une ambiance inhabituelle jeudi 13 novembre, avec le passage d’une centaine de manifestants, mégaphone en main. Ce jour-là, la CGT et FO appelaient à la grève dans les magasins de l’enseigne de bricolage, pour de meilleurs salaires. A Lezennes, la journée a commencé dès 8 heures, à quelques centaines de mètres de là, devant le siège de l’entreprise. Les deux syndicats protestent contre la clôture, le 5 novembre, des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur une augmentation générale de seulement 1,1%. Soit une enveloppe de 21 millions d’euros, là où les actionnaires, le groupe Mulliez, ont empoché plus d’un milliard d’euros de dividendes en trois ans. Un rapide échange s’improvise devant l’entrée du siège, entre les grévistes et le directeur du développement social, Tawfik Kilani. Ce dernier soutient que le plancher minimal d’augmentation fixé à 30 euros préserve les petits salaires.
Refus de mettre en place une prime d’ancienneté
En face, on lui fait comprendre qu’il en faudrait beaucoup plus, quand certains salariés présents dans l’entreprise depuis dix, vingt ou trente ans gagnent à peine plus, voire moins, que de jeunes embauchés. « La direction a rejeté une demande commune [des syndicats] de mise en place d’une prime d’ancienneté après trois ans de présence », précise Imane Haddach, déléguée syndicale centrale CGT, venue pour l’occasion de l’entrepôt Leroy Merlin de Réau (Seine-et-Marne). Dans un mail envoyé quelques jours plus tôt, Olivier Vasseur, le directeur des ressources humaines, estime « que ce dispositif aurait eu pour conséquence d’exclure environ un tiers des collaborateurs (près de 7 500 personnes), ce qui créerait une iniquité parmi les collaborateurs ». L’« iniquité », Imane Haddach la voit davantage dans le versement aux cadres dirigeants de primes, qu’elle estime à 13 500 euros par an, et la distribution de stock-options. Leroy Merlin est par ailleurs sous le coup d’une « rupture conventionnelle collective » qui touche 400 personnes au siège et d’une suppression de 200 postes de comptables, sous couvert de numérisation de certaines fonctions.
« Charge de travail écrasante » et « épuisement professionnel »
En octobre, une comptable ayant 24 ans de maison a envoyé une lettre ouverte à la directrice générale de Leroy Merlin France, relayée par FO. Loin du slogan de la direction qui proclame que « l’humain est au cœur de l’entreprise », elle y dénonce au contraire « un système qui broie » les salariés pour les pousser vers la porte en évitant « un véritable plan social ». Elle dénonce « une charge de travail écrasante et des conditions [de travail] dégradantes » qui mènent à « l’épuisement professionnel », des « responsabilités retirées, des promesses d’évolution envolées »… En arrêt pour accident du travail, elle a été contactée pour l’inciter à accepter une rupture conventionnelle et, « à l’occasion de la rénovation du magasin, [son] bureau a été purement et simplement supprimé, [ses] affaires jetées à la poubelle ».
Un chiffre d’affaires en forte progression
Si la direction de Leroy Merlin évoque en interne une baisse de chiffre d’affaires en France de 5% pour 2024, celui-ci était encore en hausse de 4% l’année dernière, pour atteindre 9,4 milliards d’euros. Surtout, la période Covid s’est traduite par une véritable explosion du marché du bricolage, qui ne pouvait raisonnablement pas se prolonger. Dans leur demande de réouverture des NAO, refusée par la direction, la CGT, FO, la CFDT et la CFTC pointent d’ailleurs des « choix stratégiques discutables de l’entreprise ».La manifestation de jeudi s’est prolongée dans l’hypermarché Auchan tout proche, où l’annonce récente de 2 389 suppressions de postes fait craindre des décisions similaires dans d’autres composantes du groupe Mulliez, dont Leroy Merlin.