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Féminisme

Entretien : 40% de femmes dans les CA des grandes entreprises, une vitrine insuffisante

27 janvier 2021 | Mise à jour le 27 janvier 2021
Par | Photo(s) : © Prazis Images/StockAdobe
Entretien : 40% de femmes dans les CA des grandes entreprises, une vitrine insuffisante

Alors que la loi Copé-Zimmermann fête ses dix ans, le Haut conseil à l’égalité hommes-femmes (HCE) appelle à étendre les quotas qui ont fait entrer 40% de femmes dans les CA, aux comités exécutifs et de direction. Rachel Silvera, économiste et féministe Université Paris-Nanterre, nuance et analyse.

Signée le 27 janvier 2011, la loi Copé-Zimmermann, qui fête ses dix ans et impose un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration (CA) des grandes et moyennes entreprises, a en effet permis de doubler la part des femmes dans les CA des entreprises du CAC40, laquelle est passée de 20,6% en 2011 à 44,6% en 2020. Une donnée dont s'est saisi le Haut conseil à l’égalité hommes-femmes (HCE) pour appeler à l’extension de cette loi aux comités exécutifs et de direction, avec comme objectif « 20% dans trois ans puis 40% dans six ans ». Trois questions à l'économiste féministe de l'Université Paris-Nanterre, Rachel Silvera.

Quelle est votre première réaction ?
Les seules lois d'égalité qui marchent seraient donc celles qui visent les premières de cordée. Comme s'il allait y avoir un ruissellement naturel, comme si en propulsant des femmes en haut de la hiérarchie sociale, on allait régler tous les problèmes d'inégalités femmes-hommes au travail…

C'est tout de même une avancée, non ?
Cette loi, si elle est positive, ne concerne qu'une catégorie de femmes très privilégiées. Les entreprises ont eu très peu de mal à trouver ces femmes qui, souvent, cumulent des mandats dans les CA et ne sont absolument pas représentatives des salariées ni même des femmes cadres. Celles qui ont intégré les CA sont pour la plupart des surdiplômées qui attendaient derrière la porte. C'est davantage une vitrine qu'une grande avancée – l'arbre qui cache la forêt. Cette loi permet d'afficher de bons résultats dans la mesure où elle rencontre les intérêts des grands groupes ; il ne faudrait pas que ce soit un alibi.

Il faut croiser genre et classe, sinon, on n'avance pas Rachel Silvera

Le HCE appelle à aller plus loin…
Je suis d'accord, car ce chiffre de 44,6% ne concerne que les 120 premières entreprises cotées… Mais surtout, quand est-ce qu'on investit les vrais lieux de décision, à savoir les comités exécutifs et les comités de direction ? Et quand est-ce qu'on se préoccupe des 90 % d'autres femmes, dans les entreprises, et plus particulièrement des bataillons qui, tout en bas de la hiérarchie sociale, ont été hyper-sollicitées pendant la crise que l'on traverse ? Quand est-ce qu'on intervient en faveur de celles qui sont toujours au SMIC ou qui sont en-dessous du salaire moyen ? Pour elles, c'est plutôt le refus du coup de pouce au SMIC et le recours à « l'index égalité femmes – hommes », qui permet aux entreprises d'afficher de bons chiffres en matière de réduction des écarts salariaux malgré des réalités beaucoup plus contrastées.
Comment on règle les réels problèmes d'inégalité salariale ? Comment on règle les problèmes de précarité, de bas salaires, de revalorisation des emplois à prédominance féminine ? Ils sont là, les vrais sujets de l'inégalité professionnelle, des sujets que cette loi, Copé-Zimmermann, n'aborde pas. Bref, il faut croiser genre et classe, sinon, on n'avance pas.