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CINÉMA

La solidarité contre la double peine

19 novembre 2016 | Mise à jour le 30 novembre 2016
Par | Photo(s) : DR
La solidarité contre la double peine

À suite de la crise financière de 2008, nombre d'Espagnols privés d'emploi furent incapables de payer leur crédit immobilier. Expulsés de leur logement, ils devaient tout de même continuer à rembourser leur crédit immobilier. Un documentaire retrace leur mouvement de résistance face à cette double peine.

Rester debout. Le titre du documentaire, espagnol, de Sylvia Munt est explicite sur la démarche filmée.

En 2008, avec l'arrivée de la crise financière, le taux de chômage et les taux d'intérêt immobiliers s'envolent en Espagne. Depuis, au moins 600 000 personnes ayant perdu leur emploi – et donc souvent tous leurs revenus – se sont retrouvées dans l'impossibilité de rembourser des mensualités qui avaient soudainement augmenté, parfois doublé ou plus.

Beaucoup, ayant quitté leur maison, continuaient à devoir rembourser à la banque un domicile qu'ils n'avaient plus. C'est la double peine permise par la loi espagnole.

 

Des gens de la classe moyenne avec un emploi régulier, un compte en banque banal, des aspirations classiques… bref, des familles ordinaires honnêtes jetées à la rue du jour au lendemain parce que leurs crédits immobiliers explosent. Parce que leurs banques leur ont vendu des emprunts à taux variables et indexés sur des produits financiers toxiques. Non, ce ne sont pas les États-Unis. C'est l'Espagne, le voisin d'à côté. Sylvia Munt filme les coulisses d'un décrochage social, d'un drame humain de grande ampleur, du mirage de la finance.

Qui a failli ? Les petits emprunteurs motivés ? Les banques qui leur ont sciemment vendu des produits à risques et exigent tout de même leur remboursement ? L'État incapable de protéger ses administrés d'un vol institutionnalisé ?

 

La caméra se place à hauteur d'homme, elle laisse le temps à la parole et aux silences qui en disent long sur le sentiment de honte, de culpabilité. Un père divorcé obligé d'aller dormir sur le canapé des copains ; une mère de famille dévastée après avoir fait plonger ses propres parents garants de son prêt ; un couple de retraités philosophe après avoir tout perdu, logement et boutique… La cinéaste suit les parcours de plusieurs personnes qui se rassemblent au sein d'une association de quartier, en banlieue de Barcelone, à Sabadell, pour organiser un mouvement de résistance collective dans cet environnement ubuesque et pervers.

 

C'est l'émergence d'une solidarité qui vise à reprendre espoir et « rester debout ». Concrètement, le collectif citoyen propose autant d'aider les victimes que de les aider à s'organiser entre elles. S'informer de leurs droits, des risques encourus par les occupations illégales de logement vides ou par la désobéissance civile, échanger sur des situations classiques ou presque désespérées… Des femmes, des hommes de tous âges et de tous horizons prennent leur destin en main.

C'est un document nécessaire et digne, un regard honnête et sobre sur des témoignages de vies fauchées par l'implacable logique usurière d'aujourd'hui. Pas de spectaculaire, peu de larmes, parfois des blancs, un geste crispé. Un plan fixe sur l'extérieur d'une barre HLM ou sur une rue déserte. Le malaise d'une société entière est palpable. Véritable manuel de résistance sur la longue route de la justice sociale, Rester debout constitue une stimulante pépite documentaire.

 

Affiche du film Afectados

 

 

Afectados (Rester debout), documentaire réalisé par Sylvia Munt.

Sortie nationale : 16 novembre 2016. 1 h 22.