20 février 2017 | Mise à jour le 20 février 2017
Frêle grain de sable dans la grande machine de l'oubli, évoquant Charlotte Delbo avec sa voisine, la romancière Geneviève Brisac, Jenny lui confie sa traversée du XXe siècle. Appelait-on alors migrants ses parents Juifs polonais venus en France avant sa naissance ?
« Apprenez à marcher, et à rire, parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie. » écrivait Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz comme les parents d'Eugénie Plocki, qui, contrairement à la femme de lettres et Résistante, ne revinrent pas.
Cette phrase fait écho au petit billet griffonné par le père de Jenny, Nuchim Plocki, avant d'être embarqué dans l'un des convois de la mort vers le camp d'extermination.
Donnant une voix à l'une de ceux qui sont les derniers témoins directs de l'Occupation, de la déportation, des rafles et des humiliations, Geneviève Brisac signe un court roman, précieux récit de vie malgré la mort omniprésente. Modeste institutrice et jeune femmes progressiste, Jenny, douée pour l'amitié et fine observatrice de l'Histoire en marche, évoque la révolution d'Octobre dévoyée, la peur, la faim, la violence similaires dans tous les camps qu'ils s'appellent « de concentration », goulag ou autres… mais aussi la guerre d'Algérie, les manifestations et Maurice Papon, car « l'histoire ne se débite pas en tranches de saucisson ».
Jenny n'a ni oublié le flic qui a dénoncé ses parents, ni la concierge venue piller leur appartement à peine avaient-ils été raflés, ni la rencontre entre les rescapés su goulag et les survivants des camps de la mort. Elle a connu Charlotte Delbo, mais aussi Benjamin Péret et parle de ses élèves et de la manière dont elle leur a transmis « les moyens de leur liberté ». Ce dialogue avec sa voisine a tout du passage de témoin, d'une lutte contre l'oubli qui trouve en l'écrivaine le réceptacle idéal à ses souvenirs.
Il y a beaucoup de tendresse dans ce petit livre, fort de sa grande simplicité, qui serait bienvenu dans les classes d'histoire des collèges ou lycées d'aujourd'hui.