Le service public de la monnaie menacé ?
Lyon, le 23 septembre, Toulouse, le 15 octobre, Saint-Denis, le 9 décembre… La CGT Banque de France a initié une tournée pour rencontrer de la population et... Lire la suite
Dès sa fondation en 1865 par des colons britanniques, la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) se place du côté obscur de la finance. En effet, alors que Hong Kong n'était auparavant qu'une petite île misérable où moins de 8 000 personnes vivaient de la pêche et de la production de charbon de bois, la colonisation britannique repère vite sa position stratégique et occupe l'île.
Soucieux d'ouvrir l'immense marché chinois au commerce de l'opium cultivé en Inde (colonie britannique), les plus gros trafiquants écossais décident d'y créer une banque pour blanchir les capitaux de ce juteux trafic et des trafics annexes (piraterie et prostitution).
Deux guerres de l'opium entre Britanniques et Chinois et quelques traités plus tard, le territoire de Hong Kong, perdu par la Chine, s'étend à la presqu'île de Kowloon, puis aux territoires et îles environnants, et sa population passe en trois décennies de moins de 8000 à 125 000 habitants. HSBC, fondée pour récupérer l'argent de l'opium, va ainsi financer la construction de Hong Kong et en imprimer la monnaie, au bénéfice de la couronne britannique.
Seule banque « étrangère » présente en Chine sous le règne de Mao, HSBC n'entend pas briser la relation étroite avec la Grande-Bretagne en 1997, lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Même si son siège déménage à Londres et si une partie des dirigeants de la banque sont désormais chinois, la banque décide de jouer sur les deux tableaux et de garder ses activités à Hong Kong, devenue territoire chinois. Tout en gardant un lien privilégié avec la City (et ses paradis fiscaux) : marché chinois de 1,3 milliard d'habitants oblige…
Preuves et nombreux témoignages à l'appui, Les gangsters de la finance montre que HSBC est née et demeure une « banque de pirates ». Tous les blanchiments y sont bienvenus, qu'il s'agisse de l'argent de la drogue (des cartels mexicains et colombiens notamment), des diamantaires belges, de la mafia, de la fraude fiscale du showbiz ou du gotha, ce qui vaut à Hong Kong le surnom de « Suisse de l'Asie ».
Alors que se fait le basculement de la richesse de l'Occident vers l'Asie, HSBC développe de manière industrielle les comptes secrets offshore (par exemple avec les Îles Vierges britanniques). Ainsi, lors de la révélation des Panama Papers, HSBC est la banque qui a créé le plus de sociétés-écrans — 2 300 — auprès du cabinet d'avocat panaméen Mossack Fonseca.
HSBC poursuit en toute opacité, et surtout en toute impunité, son activité de réception de fonds en liquide, fonds qui n'ont, bien sûr, aucune traçabilité. Ainsi, elle gère près de 3000 milliards de dollars d'actifs (plus que le PIB de la France), elle est la deuxième banque mondiale de détail et la banque privilégiée des autorités chinoises pour accompagner leurs investissements.
Implantée dans près de 90 pays, HSBC a bien été auditionnée en 2012 par une commission sénatoriale américaine sur ses activités de blanchiment de l'argent de la drogue (estimé à 881 millions de dollars en espèces). Le risque était de perdre sa licence d'exercice aux USA (et donc d'être en difficulté pour les transactions en dollar). Or il a été prouvé que non seulement la City de Londres était au courant de ce blanchiment, mais que le ministre des Finances britannique George Osborne avait fait pression sur le gouvernement Obama pour que, contre quelques « excuses » de ses dirigeants, HSBC paie simplement une amende ne représentant qu'un mois de profit de la banque.
Le titre du rapport de la commission sénatoriale ? Too big to jail (littéralement : trop gros pour la prison, c'est-à-dire au-dessus des lois) est édifiant. La City tient-elle pour autant les rênes de HSBC ? À l'évidence, c'est désormais Pékin qui pilote la banque. En effet, en 2007, au début de la crise financière des subprimes qui agitait la City, HSBC avait refusé d'être recapitalisée par Londres : « Nous sommes une banque mondiale, vous n'êtes qu'un gouvernement… »
Un calcul qui lui fut profitable, car HSBC sera la seule banque à ne pas subir de pertes et à multiplier par trois le cours de son action. Son président, Stephen Green, sera anobli, entrera à la Chambre des Lords et deviendra ministre d'État au Commerce et à l'Investissement du gouvernement Cameron. Après George Osborne, la courroie de transmission Pékin-Londres fait fonctionner à plein cette « relation en or »… Une preuve supplémentaire du pouvoir des (grandes) banques qui les placent au-dessus des lois. HSBC joue dans la cour des États, au nom du prétendu péril de « déstabiliser le système financier international »…
Lors des SwissLeaks, c'est une liste de 100 000 clients de HSBC détenant un compte en Suisse qui est dévoilée. Une évasion fiscale de 180 milliards d'euros, soit plus que le budget de l'Union européenne. Un montage gigantesque où tout client de HSBC (à condition de disposer d'au moins un million d'euros) peut « bénéficier » d'un service où la banque fournit des comptes numérotés anonymes et des sociétés-écrans clefs en main. Un blanchiment et une fraude méthodiques sur lesquels enquêtera Laurent Veillepeau, à la Direction nationale des enquêtes fiscales française… enquête dont il sera dessaisi. À Londres, même scénario qu'à Washington et même discours des dirigeants d'HSBC. Pas d'enquête judiciaire ni fiscale. Au final, HSBC se verra même accorder des avantages fiscaux par le zélé George Osborne contre la promesse de ne pas déménager son siège de Londres.
L'implication de membres du gouvernement britannique dans ce dossier va très loin, rappelle l'enquête. Londres est la tête de pont des investissements chinois en Europe et HSBC est le bras armé de Pékin pour acquérir la haute technologie occidentale. Une arme à double tranchant pour les Britanniques qui se sont vu ainsi imposer (sous la menace d'annulation d'autres investissements chinois dans le pays) la centrale nucléaire d'Hinkley Point, financée à hauteur d'un tiers par la Chine et construite par EDF. Un renoncement de taille à leur souveraineté énergétique dont tout l'argent transite par… HSBC, véritable pipeline des capitaux chinois.
Grâce à HSBC, le siècle de la Chine a démarré, cette « nouvelle route de la soie » voulue par Xi Jinping qui investit près de 1000 milliards de dollars pour exporter le made in China et ainsi parvenir à imposer sa monnaie, le yuan, pour devenir la première puissance financière mondiale.