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FINANCES

Le service public de la monnaie menacé ?

9 octobre 2014 | Mise à jour le 19 avril 2017
Par | Photo(s) : DR
Le service public de la monnaie menacé ?

Lyon, le 23 septembre, Toulouse, le 15 octobre, Saint-Denis, le 9 décembre… La CGT Banque 
de France a initié une tournée pour rencontrer 
de la population et l'informer sur la nouvelle stratégie 
de son gouverneur, qu'elle considère dévastatrice.
Entretien avec Jean-Pierre Chauvigné, élu CGT du personnel, membre du CHSCT, opérateur sur la monnaie fiduciaire à la caisse de la Banque de France.

nvo : Le 23 septembre était mis en service le nouveau billet de 10 euros. La CGT Banque de France a souhaité faire de cet événement une journée d'information au public, mais également une journée de contestation. Quelles sont les raisons de cette mobilisation ?

Jean-Pierre Chauvigné : Le plan du gouverneur de la Banque de France qui prévoit, entre autres, la suppression de 2 500 postes sur un effectif total de 14 000 agents et la délégation de 50 % de l'activité de tri des billets au secteur privé d'ici à l'horizon 2020. Nous avons organisé cette journée avec la filière fiduciaire car tous les personnels vont être touchés par cette réorganisation. Il s'agissait également de s'adresser aux citoyens car la réduction programmée des caisses et des bureaux d'accueil implantés sur le territoire national va non seulement impacter la sécurité du transport de fonds, en allongeant les trajets par la route, mais aussi confronter les usagers à davantage d'obstacles pour accéder à nos services. Au final, c'est la population qui paiera le prix de ces décisions. Nous réclamons la restauration d'un service public de la monnaie.

 

Quelles sont les activités de la Banque de France ?
Sous l'autorité de la Banque centrale européenne (BCE), la Banque de France est chargée de faire appliquer sa politique monétaire sur le territoire français. Elle est garante de la stabilité monétaire, de l'entretien et de la bonne circulation de l'argent. C'est une question de confiance entre l'État et la population.

Il y a trois piliers dans le réseau. Le tri des billets consiste à « nettoyer » l'argent papier, c'est-à-dire la monnaie fiduciaire en circulation, en remplaçant les billets endommagés. Le service aux entreprises, par la récolte d'informations, permet, en complémentarité avec l'Insee, d'avoir une vision très précise de la situation économique du pays. Nos agents travaillent par grands secteurs d'activités et produisent des enquêtes conjoncturelles à travers la collecte des bilans des entreprises, ce qui donne une réelle photographie économique des territoires.

NOUS RÉCLAMONS LA RESTAURATION
D'UN SERVICE 
PUBLIC DE 
LA MONNAIE

C'est cette qualité d'un véritable travail de proximité qui risque d'être perdue avec la nouvelle stratégie du gouverneur Noyer. La dernière activité (service des particuliers-info-banques) s'adresse aux citoyens. C'est la gestion et l'accès aux grands fichiers, les procédures de surendettement, le droit au compte qui permet à tout individu en situation d'interdit bancaire d'ouvrir un compte dans une banque désignée par nos services… Le recours au droit au compte est en forte augmentation. Les particuliers peuvent également échanger leurs coupures endommagées dans les soixante caisses de la Banque de France réparties sur tout le territoire.

 

La dématérialisation de l'argent ne résout-elle pas une partie de ces difficultés ?

Le problème est de savoir si cette dématérialisation est à la portée de tous. Le billet « gratuit » – même si c'est un abus de langage – reste à la disposition de tous et donc des plus précaires. Il garantit l'égalité des citoyens face à l'utilisation de l'argent. Contrairement à une idée reçue, la circulation des billets est en nette augmentation. En France, nous sommes passés de 1,45 milliard de billets en circulation en l'an 2000 – avant l'euro – à 3,9 milliards, aujourd'hui. C'est 23 % de la circulation des billets en Europe, alors que cela ne représente que 10 % de la valeur totale de la monnaie fiduciaire européenne. C'est une question de culture avec le cash. En Allemagne, il est courant de payer son loyer avec des billets de 500 euros, alors qu'en France personne n'utilise couramment ce genre de coupure.

 

Les caisses de Grenoble, Lyon et Chambéry sont en grève. Pour quelles raisons ?

Essentiellement pour dénoncer de mauvaises conditions de travail dues à des sous-effectifs chroniques. La Banque laisse partir les agents en retraite sans les remplacer, ce qui entraîne une grande souffrance au travail, un nombre croissant de dépressions nerveuses et dans les opérations de tri, les agents souffrent de plus en plus de troubles musculo-squelettiques (TMS).

La Banque de France est une entreprise publique dont l'État est actionnaire à 100 %, mais où s'applique le Code du travail. Nous sommes « assimilés fonctionnaires ». C'est une aberration qui ne profite jamais aux salariés puisque nous subissons le gel du point d'indice, par exemple, sans jamais bénéficier des rares mesures favorables aux secteurs public ou privé.

Jean-Pierre Chauvigné, 55 ans, est militant CGT. Élu DP et CHSCT, il est opérateur sur monnaie fiduciaire à la caisse de la Banque de France de Grenoble où il exerce depuis trente et un ans.