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Sécurité

La société de surveillance Bodyguard flingue 430 salariés

19 avril 2018 | Mise à jour le 19 avril 2018
Par | Photo(s) : DR
La société de surveillance Bodyguard flingue 430 salariés

Placée en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, lundi 16 avril, par le tribunal de commerce d'Évry (Essonne), la société de gardiennage et sécurité a ordonné à ses 430 salariés de cesser le travail et de s'en remettre à la solidarité collective (l'AGS) pour leurs salaires.

La bombe a été lâchée par mail et par SMS aux 430 agents de sécurité employés par Bodyguard. « Conformément au jugement du tribunal de commerce du 16/4/2018, nous vous demandons de cesser toute activité à compter de 19 h. Les salaires vous seront versés par l'AGS. La direction ». Sans autre explication ni information, les 430 salariés ont appris ainsi la liquidation de leur entreprise, et la leur. « C'est d'autant plus choquant qu'ils n'ont rien vu venir, le comité d'entreprise n'a pas été alerté ni informé de quoi que ce soit » affirme Jean-Louis Bétoux, secrétaire de l'union locale CGT d'Évry (Essonne), chargé du dossier Bodyguard. Autre facteur troublant de cette affaire, la liquidation aurait été prononcée directement, sans passer par l'étape du redressement judiciaire qui est le préalable à toute liquidation d'activité. « Auquel cas, le comité d'entreprise aurait nécessairement eu connaissance de la situation de l'entreprise et des discussions et négociations auraient alors dû s'engager », poursuit Jean-Louis Bétoux.

Incrédules et sonnés par la brutalité de l'annonce de leur liquidation, une vingtaine de salariés se sont pointés, mardi 17 avril, au siège de l'entreprise à Évry, afin de demander des explications à leur direction. Peine perdue : anticipant leur réaction, les membres de la direction s'étaient barricadés dans leurs bureaux et placés sous la protection de la police qui a fait barrage aux salariés.

Un passif sulfureux

« Serons-nous licenciés, quid de nos salaires, comment payer le loyer, qu'est-ce que l'AGS ? » L'inquiétude bien légitime des salariés refoulés au portillon du siège de l'entreprise a vite cédé le pas à la colère lorsqu'ils apprennent que le patron s'est exilé au Luxembourg. Une destination qui ne doit rien au hasard si l'on s'en tient aux sulfureux précédents de cette entreprise aux pratiques entrepreneuriales plus que douteuses. La direction s'était vue condamnée, en 2015, à 150 000 euros d'amende pour travail dissimulé et blanchiment, 750 000 euros avaient été saisis sur des comptes bancaires.

Des BMW, Ducati, deux Ferrari, une Dodge, avaient été confisqués. Trois de ses dirigeants avaient même écopé de peines de prison avec sursis pour montage d'un système pyramidal de sous-traitance en cascade destiné à frauder les cotisations Urssaf pour un montant de 2 millions d'euros sur la seule période 2008-2009. En dépit de quoi, Bodyguard continuait de s'afficher publiquement comme leader mondial dans le domaine de la sécurité. Et d'engranger les contrats de prestation de service pour le compte d'entreprises ayant pignon sur rue. Parmi ses principaux clients, divers hôpitaux publics et bâtiments administratifs franciliens. Et cette perle, la RATP, qui avait confié à Bodyguard la sécurité et le gardiennage de ses dépôts de bus.

Des solutions, en bonne intelligence

Liquidés mais pas coulés, les 430 salariés s'en sont remis à la CGT de l'Essonne qui intervient au pied levé sur plusieurs fronts. Un rassemblement est organisé ce jeudi 19 avril devant le siège de l'entreprise à Évry, pour entrainer la solidarité publique et faire du bruit autour de cette affaire scandaleuse. Le volet judiciaire a été confié par à un cabinet d'avocat qui traitera avant toute autre la question, urgente, de la prise en charge par l'AGS des salaires non versés du mois d'avril ainsi que celle du licenciement des salariés pour qu'ils puissent prétendre à leurs droits au chômage.

Enfin, la CGT de l'Essonne a mis en branle son réseau d'adhérents présents dans toutes les entreprises clientes de Bodyguard afin d'entrer en contact avec leurs directions. À commencer par la RATP où la CGT compte négocier l'intégration des 200 salariés qui travaillaient pour elle via Bodyguard. « L'entreprise a été liquidée, mais les besoins des clients demeurent, on devrait trouver des solutions pour tous, en bonne intelligence », assure Jean-Louis Bétoux.