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Économie

La Caisse des dépôts et consignations lance la banque des territoires et inquiète

22 juin 2018 | Mise à jour le 22 juin 2018
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La Caisse des dépôts et consignations lance la banque des territoires et inquiète

La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) lançait sa « Banque des territoires », le 30 mai. Sous des atours de meilleure efficacité, le projet suscite des inquiétudes. La CGT craint notamment une banalisation de son activité bancaire et le début du démantèlement de cette instance publique bicentenaire. Entretien avec Jean Philippe Gasparotto, secrétaire général de l’union des syndicat CGT de la Caisse des Dépôts.
De quoi s’agit-il précisément ?

Jean-Philippe Gasparotto : Alors qu’elle rend plein de services aux collectivités locales en finançant leurs investissements, la CDC est en fait mal connue. La direction prétend donc réunir toutes les activités de la CDC et de celles de ses filiales qui concernent les territoires et collectivités locales dans une seule direction appelée « Banque des territoires ». L’initiative est présentée comme visant à offrir des services coordonnés, plus lisibles et plus cohérents. Sur le papier, cela présente bien mais l’organisation mise en place derrière dit tout autre chose : on va banaliser l’activité bancaire de la CDC, puis essayer de marchandiser ce service en direction des collectivités locales.

C’est-à-dire ?

Actuellement, la CDC est un établissement public dont la particularité est d'être placé sous le contrôle du Parlement ; il est donc autonome vis-à-vis du pouvoir exécutif. Or, la loi Pacte, qui vient d’être présentée en conseil des ministres et qui englobe la Banque des territoires, prévoit que la CDC soit supervisée comme une banque. C’est-à-dire qu'elle dépendra de l’autorité de contrôle prudentiel de la Banque de France, avec les mêmes critères banalisés, relevant du droit commun, que ceux d’une banque commerciale. Qui plus est, cette loi prévoit aussi de renforcer la présence et le contrôle du pouvoir exécutif sur la CDC au sein de son instance de gouvernance, à savoir la commission de surveillance… ce qui pose un problème d’indépendance. Par exemple, tous les ans, la CDC reverse une partie de ses résultats à l’Etat. Jusqu’ici, cela était soumis à l’avis du Parlement (par le biais de la commission de surveillance), mais avec la loi Pacte, cet avis sera désormais remplacé par un décret du Ministre des Finances. On craint donc un glissement de gouvernance du Parlement vers l’exécutif et une soumission aux règles du marché bancaire.

Concrètement, par exemple ?

Aujourd'hui, la CDC agit en service public. Par exemple, quand elle fait des prêts aux collectivités locales ou au logement social, ce sont des prêts réglementés, dont le taux est fixé par le ministre, et qui fonctionnent à partir des fonds collectés – notamment grâce à l’épargne des livrets A. Le principe est que tous les territoires, qu’ils soient riches ou pauvres, bénéficient du même service de la part de la CDC. La prise de risque n’est évidemment pas la même, mais ce qui préside, c’est bien le principe fondateur de service public et d’égalité entre les territoires. Demain, si la CDC est soumise à des critères bancaires standards, forcément, elle sera amenée à prendre davantage en compte les risques et donc à favoriser les prêts à un territoire prospère plutôt qu’à un déshérité.

Vous allez plus loin en parlant d'un risque de démantèlement…

En effet. La CDC ne fait pas seulement des prêts aux collectivités locales ou aux organismes de logements sociaux, elle gère aussi la retraite d’un retraité sur cinq (quasiment tous les régimes publics de retraites) dans un système intégré. Or, ce pan de l’activité n’est pas inclus dans la banque des territoires. Dans le contexte actuel d’évolution et de mutualisation des régimes de retraites prévue par la mission Delevoye, notre crainte est que cette partie de la CDC, qui concerne à peu près la moitié de ses agents, soit séparée de l’autre partie regroupée en banque des territoires. On aurait donc un groupe à trois têtes avec d’un côté, la BPI (banque publique d’investissement), une partie de la CDC qui ferait de la gestion de retraites aux côtés de la CNAV, et une autre la banque des territoires qui reprendrait peu ou prou le modèle de l’ancienne banque Dexia.

Rien de choquant, en apparence…

En apparence, non. Mais ce qui est choquant, c’est la logique de renonciation au principe fondateur de service public de protection de l’épargne populaire et d’orientation vers des besoins d’intérêt général qui se profile. Avec l’arrivée de la loi Pacte en préparation et le lancement de la banque des territoires, on craint le passage imminent à une logique marchande. Tout à l’opposé de la revendication CGT d'un pôle financier public. Le libéralisme macronien est très dirigiste et se sert des outils de l’administration et de l’Etat pour conduire à marche forcée sa logique de libéralisation. Pour poursuivre cet objectif, la réforme de la CDC apparaît comme un des outils rêvés…

Que représente actuellement la CDC ?

Le groupe CDC compte environ 150 000 salariés dans le monde et 80 000 en France. C’est par exemple, CDC Habitat (principal bailleur social avec 300 000 logements), c’est Transdev (plus grand réseau de transport en commun public après la SNCF), c’est la CNP (Premier assureur de personnes en France). Elle représente en outre le financement de 110 000 logements sociaux en 2017, soit 150 000 milliards d’euros de prêts cumulés ; et 20 milliards d’euros de prêts aux collectivités territoriales. C’est aussi le financement de l’équipement numérique du territoire, le développement des énergies renouvelables, etc.