Souffrance dans la pharmacie
Plusieurs rapports d’experts pointent une dégradation de la santé des salariés chez le premier laboratoire pharmaceutique français. Les syndicats dénoncent la stratégie de... Lire la suite
C’est une vague de suicides qui est devenue le symbole de la souffrance au travail. Neuf ans après les premières plaintes et selon leur ordonnance du 12 juin, les juges instructeurs du pôle de santé publique de Paris ont renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris l’entreprise France Télécom – devenue Orange – tout comme son ancien PDG, Didier Lombard, et six autres dirigeants et cadres. « Incitations répétées au départ », mobilités « forcées », missions « dévalorisantes », « isolement » : dans leur ordonnance de plus de 650 pages, les juges ont retenu une longue liste de pratiques « répétées » qui auraient forgé « une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés » et « à créer un climat professionnel anxiogène ».
Rappelons que France Télécom avait connu entre 2008 et 2009, une vague de suicides qui lui valut d’être la première entreprise du CAC 40 à être mise en examen pour harcèlement moral, un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. Pour la première fois, la justice aura à trancher une affaire de harcèlement moral d’une telle ampleur au sein d’une entreprise de cette taille, neuf ans après les premières plaintes.
« Le cas de France Télécom apparaît révélateur de l’absence de volonté (ou de l’incapacité) française de permettre aux salariés de participer à la prise de décision sur leur travail dans leur entreprise », note Dominique Méda, professeure de sociologie, dans une tribune du quotidien Le Monde du 7 juillet. Et de s’appuyer sur les travaux de deux chercheurs : Duncan Gallie et Ying Zhou, « Work Organisation and employee involvement in Europe » (organisation du travail et implication des salariés), Eurofound, Publications office of the European union, 2013.
Cherchant à montrer les facteurs susceptibles d’expliquer la présence de telles organisations (…), les auteurs relèvent une corrélation avec un unique facteur : la force des syndicats. Que faire donc pour éviter qu’un nouveau drame du type de France Télécom ne se reproduise ? « Accorder une attention déterminante aux organisations du travail, rendre obligatoire la consultation des salariés et de leurs associations aux décisions, accroitre le nombre d’administrateurs représentant les salariés aux conseils d’administration, faire respecter l’idée que l’entreprise n’est pas formée uniquement en vue de l’intérêt des associés », répond la sociologue et directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso) de l’Université Paris Dauphine-PSL. Et de conclure : « toutes ces recommandations que la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) semble avoir négligées ».