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Le voyage que nous propose la cinéaste japonaise Naomi Kawase est à la fois spatial et temporel. Retour en arrière et retour à la nature se mélangent dans ce beau film méditatif qui pèche néanmoins par ses dialogues.
Le cinéma, lorsqu'il ne vise pas à distraire ou à défendre une thèse, est un art de l'ellipse, de la suggestion plutôt que de la démonstration. Naomi Kawase, réalisatrice japonaise dont l'histoire personnelle sous-tend nombre de ses films (elle a été abandonnée par ses parents) y excelle, comme elle unit avec grâce ce que la culture nippone comporte de mysticisme avec des questionnements existentiels.
Si Voyage à Yoshino est un film splendide, portée par des acteurs superbes dans une nature grandiose, il présente aussi les défauts de ses qualités… Entre le sombre La forêt de Mogari, film du deuil et de la perte et le lumineux Still the water, ce retour vers le passé et la nature peine en effet à trouver le ton juste, notamment au niveau de certains dialogues qui se voulant inspirés frôlent parfois le sentencieux.
Dommage, car les acteurs japonais Masatoshi Nagase, incarnant Tomo, forestier taciturne et Mari Natsuki jouant Aki, vieille chamane aveugle et sorte d'esprit sylvestre, sont très justes dans leur économie de mots et de gestes. On pense parfois, pour Aki, à l'art si frappant du théâtre nô.
Juliette Binoche se glisse dans la peau de Jeanne, Française venue chercher dans l'enveloppante forêt de Yoshino, une plante dont on ne sait si elle est une chimère où une merveille de la nature, un champignon qui ne se reproduirait que tous les 1000 ans en dispersant ses spores dans les sous-bois. Le talent de l'actrice lui permet d'éviter de justesse la pesanteur de certains dialogues, mais on rêverait presque ici d'un film sans parole…
Les liens charnels ou spirituels entre Jeanne, Tomo, Aki, puis le jeune Rin, que Tomo recueille alors qu'il est blessé et inconscient ne nous sont dévoilés que par touches où les éléments naturels (un arbre presque mort, Ko, le chien de Tomo) sont autant de révélateurs. En contrepoint, les souvenirs de vieux habitants de la région évoquent un passé enfoui, mais pas totalement disparu, où Jeanne possède une place qui ne s'est pas effacée…
La manière dont Naomi Kawase capte l'essence de la nature environnante est d'une grande beauté, tant dans la qualité de l'image que du son dont le grand écran donne toute la mesure. Si Tomo, Aki et le chien Ko semblent en parfaite symbiose avec leur milieu, l'arrivée de Jeanne bouleverse ce fragile équilibre, d'autant que sa quête de la mystérieuse plante n'est pas la seule raison de son arrivée dans ce lieu retiré…
La région de Yoshino non loin de Nara, ancienne capitale impériale et ville natale de Naomi Kawase, célèbre pour ses 30 000 cerisiers et ses temples et sanctuaires est un écrin pour ce film contemplatif qui mérite attention, même s'il n'est pas le plus réussi de son auteure.
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