8 février 2019 | Mise à jour le 13 février 2019
Jeudi 7 février, le tribunal de commerce de Bobigny a tranché : L'Humanité est en redressement judiciaire. Une situation grave qui interroge plus largement sur la situation de la presse en France et la nécessité de soutenir le pluralisme d'opinion au nom d'une démocratie digne de ce nom.
« La situation de L'Humanité et le pluralisme dans sa globalité nous préoccupent ». En une phrase, Didier Lourdez, secrétaire général du Livre CGT (SGLCE-CGT) qui regroupe une partie des ouvriers des imprimeries et de la distribution de la presse a donné le ton, lors d'une conférence de presse, lundi 4 février, alors qu'on était encore en attente du sort réservé par le tribunal de commerce de Bobigny à nos confrères de L'Huma.
Depuis, la décision est tombée et L'Humanité a été placée en redressement judiciaire avec poursuite de l'activité. « Le président (du tribunal) a estimé que la continuité de l'exploitation de l'entreprise était viable (…) Nous entrons dans une phase dite d'observation de 6 mois au cours de laquelle nous devrons développer un plan de continuation avec deux administrateurs et un mandataire judiciaire », note un communiqué du SNJ-CGT de l'Humanité. Trésorerie à apurer, interdiction de faire de nouvelles dettes et placement sous la tutelle d'un mandataire… Le journal a certes un répit, mais reste dans une situation financière très difficile. Comme bon nombre de ses confrères…
La presse est un domaine à préserver
C'est que la presse n'est pas un produit comme les autres. Porteur de sens, de valeurs et d'opinions, il participe à la diffusion des idées et à ce titre joue un rôle primordial dans la vitalité d'une démocratie. Le pluralisme de la presse est une richesse qu'il faut préserver. D'où cette inquiétude sur la situation du quotidien communiste qui donne la parole à ceux qui l'ont rarement, hiérarchise son information autrement en consacrant la part belle à l'information sociale.
« Les décisions prises concernant la presse ne peuvent l'être sous le seul prisme de la rentabilité économique sous peine de se voir imposer qu'un seul courant d'idée porté par les forces de l'argent seules à posséder les moyens d'exister dans un tel modèle (…)
La tendance à la concentration des médias dans les groupes de presse possédés par des multimilliardaires est un recul démocratique majeur. Le fait que la publicité soit un élément central dans la vie des journaux est aussi néfaste à leur indépendance »Didier Lourdez secrétaire général du Livre CGT (SGLCE-CGT)
Pas seulement la question d'un journal mais de tout un secteur
De fait, certaines des causes économiques à la situation catastrophique de la presse sont connues de longue date : prétendue gratuité de l'information, désaffection pour la lecture, octroi (et dépendance) ou non de la publicité… Mais on s'interroge moins sur la responsabilité des éditeurs, des financiers, de l'État dans le marasme dans lequel se trouve la presse écrite.
Ce secteur est une chaîne, une entreprise avec des salariés (journalistes et administratifs), d'autres qui impriment et d'autres encore qui la distribuent. Or, en septembre 2018, la publication de rapport Schwartz avait déclenché la colère du SGLCE : la libéralisation du secteur préconisée par ce rapport heurtant de plein fouet le système de distribution des journaux. Celui-ci, organisé après la Libération par la loi Bichet de 1947, a mis en place un système coopératif pour favoriser l'égalité de traitement entre tous les titres instituée notamment par le groupage de la distribution et la péréquation des coûts qui en découle.
Préserver le pluralisme et la diversité des parutions
C'est donc d'un vrai changement d'approche qu'a besoin la presse pour conserver ce qui reste de pluralisme dans le secteur. Ceux de L'Huma en sont bien conscient. Les salariés du journal sont placés devant « un défi majeur : comment en pleine crise de la presse réinventer le journal de l'émancipation et de la transformation sociale ? » Et le communiqué du SNJ-CGT de citer le père fondateur de L'Huma : « faire vivre un grand journal sans qu'il soit à la merci d'autre groupe d'affaires, est un problème difficile, mais non pas insoluble », écrivait Jean Jaurès en 1904.
À noterMobilisation générale pour L'Humanité, vendredi 22 février au Palais des Congrès Marcel Dufriche à partir de 17 heures. Rue de Paris à Montreuil.
? Métro Gambetta ou Ménilmontant.