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Avec La lutte des classes, le cinéaste du Nom des gens confronte les idéaux d'un couple bobo aux réalités de l'école publique, mise à mal par la discrimination sociale qui s'opère au profit des établissements privés. Une comédie juste et décapante, à l'heuredes mobilisations contre la réforme Blanquer.
Michel Leclerc avait fait mouche avec Le nom des gens (2010), drôle et pertinente comédie politique, couronnée notamment par le César du Meilleur scénario original en 2011, qui dézinguait les préjugés en matière de patronymes et d'appartenances politiques. La lutte des classes, avec son titre à double sens, apparaît comme un prolongement naturel de son projet de déconstruction des clichés sociaux.
La pierre angulaire en est l'école publique, qui concentre les idéaux d'émancipation, d'égalité des chances, d'ascenseur social, de garantie du pacte républicain, de laïcité, le tout contre la tentation du communautarisme… De tout cela, cette brûlante comédie politique et populaire en parle, dans la plus pure tradition du genre.
Gentrification et traversée du périphérique
Grâce à la gentrification de leur quartier, Sofia et Paul acceptent de vendre leur deux-pièces parisien une blinde qui leur permettra d'acheter une petite maison à Bagnolet, juste de l'autre côté du périphérique. Réalité du marché oblige. Elle, brillante avocate d'origine maghrébine, est ravie de retourner où elle a grandi et de reprendre le flambeau dans l'animation de la vie du quartier.
Lui, batteur punk rock déçu, mais convictions anarchistes encore chevillées au Perfecto, gère pépère le foyer, les enfants. Leur fils Corentin est heureux à l'école primaire du quartier jusqu'à ce que ses copains désertent pour aller rejoindre l'élite dans le privé catholique. C'est Jean-Jaurès contre Saint-Benoît. Or, les parents veulent toujours le meilleur pour leurs enfants…
Tout le monde en prend pour son grade
Tiraillés entre leurs valeurs politiques de gauche et leurs inquiétudes parentales ordinaires – qu'on peut également appeler « leurs intérêts privés » –, Sofia et Paul, joyeusement interprétés par Leïla Bekhti et Édouard Baer, incarnent le clivage rampant de notre société. On devine les ressorts comiques, les situations de malentendu et de tension qui s'enchaînent à partir de ce scénario.
La force de ce long métrage est d'éviter toute vision manichéenne et de donner vie à une large galerie de personnages d'où personne n'est exclu et où tout le monde est égratigné à parts égales.
La place de l'école républicaine questionnée
Au-delà du clivage à peine caricatural entre « des écoles pourries, des écoles de bougnoules » et « des écoles privées, tout propre, tout net, rien qui dépasse », c'est la place de l'école publique et républicaine dans un projet de société inclusive qui est questionnée. Celle-là même que défendent plusieurs syndicats d'enseignants, dont la FERC-CGT, et des parents d'élèves, plusieurs fois mobilisés dans la rue ces dernières semaines contre la réforme Blanquer.
Dans un contexte libéral toujours plus concurrentiel, la réussite sociale est devenue un objectif en soi. Entre les parents emportés par l'angoisse tyrannique des diplômes, prêts à renier leurs convictions pour ne pas voir leur enfant livré à ces autres Redouane, Ryan, Adama et compagnie – sur qui ils projettent leur propre idée de la différence –et les parents de ceux-ci qui, s'ils pouvaient se le permettre, seraient les premiers à les envoyer dans le privé… chacun cherche à mieux se placer dans la course. Or, « réussir sa vie, ce n'est pas la même chose que réussir dans la vie, nuance », lance Paul, en père de famille sans ambition – ou, au choix, très ambitieux.
Un manque d'ambition pour l'école publique
C'est sur le manque d'ambition pour cette école publique et le manque de moyens qui lui sont alloués que chute le récit. Sous des allures loufoques et avec une énergie folle, Michel Leclerc file la métaphore jusqu'au bout en mettant littéralement en scène l'effondrement du bâtiment scolaire, premier lieu de socialisation, d'échange, de création de culture commune.
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