19 avril 2019 | Mise à jour le 19 avril 2019
Ce lundi, le maire de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Gilles Poux, a rendu public le rapport L'atlas des inégalités territoriales. Hervé Ossant, secrétaire général de l'union départementale 93 de la CGT, interviewé sur le sujet nous répond.
Qu'est-ce que cette étude peut apporter aux combats portés par la CGT ?
Ce n'est pas une surprise, mais c'est une étude qui a le mérite de mettre des chiffres sur les « maux », que peuvent vivre les habitants de la Seine-Saint-Denis. Ils mettent en lumière la rupture de l'égalité républicaine sur le département. Elle vient confirmer un constat que nous avions fait, depuis déjà pas mal d'années, et principalement sur les fermetures de nos services publics.
En 2012, à notre initiative, mais avec d'autres syndicats et des associations, nous avions fait un livre blanc qui s'intitulait « Liberté, Égalité, Fraternité, service public », où on avait déjà répertorié un grand nombre d'éléments sur le terrain qui confirme les résultats de ce rapport…
Les fermetures des services publics : CAF, CPAM, Trésorerie qui n'ont pas cessé d'augmenter dans le département ont contribué à la précarisation de la population. Dans notre département, il y a la barrière de la langue, on accueille plus de 134 nationalités, d'où la nécessité d'avoir plus d'agences administratives. On peut dire que l'éloignement des administrations n'a fait qu'aggraver la situation. On constate une souffrance sociale très prégnante.
Est-ce que la situation décrite dans le rapport de La Courneuve est la même pour les 4 autres villes du 93 qui ont porté plainte en Seine-Saint-Denis (Stains, Saint-Denis, L'Île-Saint-Denis, Bondy)?
C'est malheureusement un phénomène global sur la Seine-Saint-Denis. J'aimerais souligner qu'il n'y a pas que les milieux ruraux qui sont touchés par la désertification de nos services publics. D'ailleurs le parlement avait lui aussi mis à jour, une étude transpartisane qui mettait, l'accent sur la rupture républicaine dans nos quartiers.
Il met en évidence les manques liés aux missions régaliennes sur la justice, la santé, l'éducation… Le constat est le même. Paradoxalement, ce département est un eldorado pour les entreprises. Il y a une dichotomie entre des entreprises qui déclarent 152 milliards de chiffre d'affaires (en 2014) et un taux de chômage qui ne baisse pas. Le service public, économiquement, c'est efficace, et socialement aussi. La vraie question est de savoir comment les entreprises contribuent au bien commun. Malgré le dispositif mis en place par Plaine Commune, qui a signé des conventions pour garantir un minimum d'embauche locale pour les habitants du 93, la situation d'emploi de la population n'évolue pas !
Le rapport dénonce des inégalités dans plein de domaines (santé, emploi, éducation, environnement…). Face à cette situation, comment agissez-vous actuellement ?
On voit bien que les réformes vont vers l'externalisation de nos administrations. Or pour les usagés la situation va de mal en pis. Le gouvernement va sortir du grand débat avec des conclusions.
Ici, c'est in vivo que l'on fait le grand débat ! Par exemple : une agence anciennement EDF devenue Engie située à La Courneuve que des militants occupent depuis mi-novembre 2018, pour continuer à offrir un minimum de service de proximité. 1200 usagers sont passés dans cette boutique. Cela démontre bien la nécessite d'un service de proximité est toujours d'actualité.
Cette initiative est née de la fermeture totale des agences. Elle est la démonstration de l'utilité des services publics, surtout dans notre département où le taux de chômage est élevé, où la fracture numérique est un vrai problème. Tout le monde ne peut pas s'équiper de matériels informatiques, les accès internet ne sont pas gratuits. Il y a aussi la barrière de la langue, etc. Cela confirme le besoin d'avoir de l'humain devant soi.
Il y a une vraie volonté politique d'aller vers le privé, d'asphyxier des collectivités avec des dotations qui baissent de la part de l'État, etc., et c'est regrettable.
Allez-vous changer vos méthodes d'action suite à ce rapport ?
En 2007, le maire de La Courneuve avait porté plainte contre l'État pour discrimination sociale. Actuellement, on réfléchit à comment tous ensemble, on peut amener notre pierre à la mobilisation. La solution, à mon sens, est de fédérer tous les acteurs : associations, militants, politiques et syndicats… Comment faire le lien avec d'autres organisations syndicales, des politiques, des associations afin d'avoir une dynamique commune…
Le but est de mettre un coup de projecteur sur ces inégalités qui se creusent et de mobiliser pour avoir des territoires équilibrés dans toute la France. On veut déconstruire l'idée que le service public est un coût, alors qu'il est une chance !
Besoin urgent de services publics en Seine-Saint-Denis