Des jeunes militants planchent sur la CGT de demain
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D'un côté, 292 grandes entreprises employant quelque 3,9 millions de salariés (en équivalent temps plein), soit plus du quart d'entre eux ; de l'autre, 3,9 millions de très petites entreprises, sous-traitantes ou non, employant 2,5 millions de travailleurs (Tableaux de l'économie française, édition 2019, Insee Références, 26 mars 2019) et, entre les deux, quelques milliers d'entreprises de taille intermédiaire : le monde du travail est très hétérogène et change rapidement. Ainsi de la situation de plus d'un million d'auto-entrepreneurs, un phénomène en pleine croissance.
La majorité d'entre eux peine à se rémunérer au niveau du Smic. Parmi eux, des travailleurs ubérisés, subordonnés à des plateformes numériques et dont le statut de salarié n'est pas même reconnu (voir NVO de mai 2019). Pour la CGT, tous méritent d'être protégés, défendus, et donc de pouvoir s'organiser, se syndiquer, explique Loïc Morel, en charge de l'espace « vie syndicale » de la confédération.
La CGT ne découvre pas, à l'occasion de ce 52e congrès, l'urgente nécessité d'un déploiement syndical au plus près des réalités de travail dans leur diversité, pour recréer un rapport de force à la fois face aux difficultés quotidiennes à l'entreprise et face au rouleau compresseur des réformes libérales. Elle en avait déjà fait un enjeu majeur des résolutions du précédent congrès, notamment.
Pourtant, comme le souligne Valérie Lamoot, du pôle « ressources et données » de l'espace « vie syndicale », on est encore loin du compte. Le nombre d'adhérents actifs à la clôture de l'exercice 2017 n'est que de 553 994, soit un taux de syndicalisation de seulement 2,49 %. Il était un an plus tôt de 563 210 (2,53 %). Parmi les retraités, la CGT compte 99 240 adhérents (0,7 %) contre 101 140 (0,7 %) pour l'exercice précédent. Si l'érosion est ténue, ces chiffres mettent surtout en lumière la faiblesse générale de la syndicalisation, en dépit de certains écarts entre territoires ou professions.
Certes, les fermetures de sites, l'externalisation d'activités vers la sous-traitance, la mobilité souvent imposée aux salariés, les changements multiples de situations dans l'intérim, l'effritement de collectifs de travail, la peur du chômage, la répression antisyndicale… expliquent pour une part les difficultés de la syndicalisation. Mais le rôle de l'organisation est aussi en jeu, explique Jean-Edmond Coatrieux, du pôle « vie syndicale », plaidant pour un déploiement syndical qui se structure à la fois là où les syndicats sont déjà implantés, et là où ils n'existent pas encore.
De ce point de vue, souligne-t-il, la CGT n'est pas un « réseau », mais bien une organisation qui entend donner toute sa place à chacun, et c'est sur le lieu de travail, au plus près de ses réalités, que s'organise la vie syndicale. L'an passé, le nombre de bases organisées de la CGT (syndicats, sections syndicales et sections multiprofessionnelles) a légèrement progressé, passant de 36 003 à 36 128 (ce chiffre ne correspondant pas forcément au nombre de syndicats, mais à celui des bases réglant les cotisations à CoGéTise).
Pour autant, s'inquiète Loïc Morel, beaucoup trop de nouveaux syndiqués ne restent pas à la CGT et cela interpelle la qualité de la vie syndicale (voir NVO de mai 2019). Ce n'est pas un hasard, rappelle en substance Jean-Edmond Coatrieux, si la CGT entend donner toute leur place aux syndiqués. Leur permette d'être pleinement acteurs de la définition et de la défense des revendications dans l'entreprise, de l'orientation du syndicat dans son ensemble, ne relève pas que du slogan. Il en va au contraire du respect de la démocratie, et du pragmatisme dans la recherche d'efficacité…
Si la CGT entend renforcer ses syndicats existants, elle ambitionne aussi de s'adresser à toutes celles et tous ceux qui, aujourd'hui, demeurent isolés, ne bénéficient pas encore de l'existence d'une organisation syndicale sur leur lieu de travail, souffrent de l'absence de droits et garanties collectives dans l'exercice de leur activité. Tous ceux-là sont parmi les plus vulnérables et ont d'autant plus besoin de la CGT. C'est le cas de tous ces travailleurs ubérisés, subordonnés à une plateforme qui a transféré tous les risques sur eux, sans qu'ils bénéficient d'aucun droit du travail ; c'est le cas de travailleurs dits « auto-entrepreneurs » qui aspirent à l'autonomie mais souffrent le plus souvent de leur dépendance à un donneur d'ordres ; c'est le cas de salariés de microentreprises, souvent seuls face à un petit patron…
Pour la CGT, il s'agit d'aller à leur rencontre, de leur permettre d'exprimer leurs besoins, leurs revendications, de leur proposer de s'organiser pour les défendre. Une démarche qui suppose l'engagement conjoint d'organisations territoriales et professionnelles de la CGT et confère des responsabilités toutes particulières aux unions locales (UL). Cela appelle aussi une grande inventivité quant aux modalités, au moins provisoires, d'organisation de ces travailleurs.
Plusieurs expériences méritent, à ce titre, d'être soulignées. Citons le travail important réalisé avec les livreurs à vélo, soit comme à Paris, dans le cadre d'une coopération de la CGT avec un collectif organisé, soit en leur proposant de créer leur syndicat CGT, comme en Gironde. Soulignons également, dans un autre contexte, le travail que mène la CGT dans plusieurs départements avec les assistantes maternelles (quelque 330 000 en France), une profession de femmes le plus souvent isolées à leur domicile, dépendant de plusieurs employeurs particuliers, et au statut mal reconnu.
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Ainsi de syndicats de sites, comme dans certains centres commerciaux où les salariés ont à la fois des revendications propres à leur enseigne et des revendications communes. Ainsi de syndicats multi-entreprises, comme à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine (voir NVO de mai 2019).
« Il faut proposer à tous de construire leur syndicat, pour que nul syndiqué ne reste isolé », rappelle Jean-Edmond Coatrieux. Car, dit-il, « on peut avoir les meilleures revendications, [mais] les défendre suppose d'être une force organisée ». Pour y parvenir, comme le rappelle Loïc Morel, l'espace « vie syndicale » met des formations à la disposition des organisations, ainsi qu'un guide intitulé Un syndicat c'est quoi ? L'ambition est énorme, mais l'enjeu aussi ; face à l'ampleur des attaques subies par le monde du travail, il s'agit de permettre au syndicalisme de lutte, de proposition et de négociation tel que le conçoit la CGT de se déployer, avec tous les travailleurs.
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