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« On a réussi de justesse à maintenir l’interdiction du travail des enfants », Gautam Mody, syndicaliste indien

17 juillet 2020 | Mise à jour le 10 juillet 2020
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« On a réussi de justesse à maintenir l’interdiction du travail des enfants », Gautam Mody, syndicaliste indien

Gautam Mody, secrétaire général de la New Trade Union Initiative of India

En Inde, le gouvernement nationaliste « pro business » a mis à profit la crise sanitaire pour dégainer des ordonnances annihilant le Code du travail. Entretien avec le syndicaliste Gautam Mody, secrétaire général de la New Trade Union Initiative of India (NTUI).
Article paru dans La CGT Ensemble ! de juin 2020
La crise sanitaire a de lourdes conséquences pour les travailleurs indiens, dans quel contexte social se trouvait l'Inde juste avant le confinement ?

La NTUI, une centrale syndicale à part En 2001, plusieurs syndicats indépendants du secteur organisé et informel se groupent sous la bannière de la Nouvelle initiative syndicale (NTUI). Leur credo ? Rompre avec le syndicalisme traditionnel indien, organiquement et fortement lié aux partis politiques. Cinq ans plus tard, la NTUI se constitue en fédération syndicale nationale.

En 2016, lors de son dernier congrès, elle revendique 1,3 million d'adhérents ; 30 % des 500 délégués présents sont des femmes – trois sont élues membres du bureau national, qui en compte six. Ce qui montre l'engagement de la NTUI en faveur de la promotion de l'égalité des genres. Autre fait exceptionnel pour l'Inde, où habituellement les dirigeants syndicaux restent plusieurs dizaines d'années en place, la NTUI a fait le choix d'un renouvellement régulier de ses instances. Gautam Mody, son actuel secrétaire général, a ainsi été désigné il y a quatre ans.

De nos jours, la NTUI a réussi à s'imposer comme une force syndicale indépendante des partis politiques, des gouvernements et des employeurs, et ainsi a pu fluidifier les relations entre les onze principales centrales syndicales. Ce qui a débouché, entre autres, sur une grève générale unitaire début  2016 contre les politiques néolibérales et les mesures d'austérité du gouvernement indien.

La situation économique se détériore depuis 2008, avec une forte aggravation depuis l'arrivée au pouvoir, en 2014,  du  parti  nationaliste  de  droite hindou,  le  Bharatiya  Janata  Party (BJP). Il s'est attaqué à notre protection sociale, au salaire minimum, etc. Bien  que  le  BJP  soit  un  parti  « pro business »,  l'investissement  dans le pays a chuté.

En conséquence, le taux  de  chômage  a  bondi,  notamment chez les jeunes [6,1 %, NDLR], à un niveau jamais atteint depuis cinquante ans. Notre pays a aussi été le théâtre de graves violences contre les musulmans, exactions attisées par le BJP qui veut « hindouiser » le pays, institutionnaliser la discrimination envers les musulmans, pour s'attirer en retour la sympathie de la petite et moyenne bourgeoisie hindoue.

Des images très dures ont été diffusées dans les médias au début du confinement, notamment celles montrant la police frappant violemment la population. Quelle est la situation des travailleurs ?

Nullement planifié, le confinement a été annoncé seulement quatre heures avant son entrée en vigueur ! Seuls 10 % des transports en commun fonctionnent,  la  plupart  des  gens  de la classe populaire ne peuvent donc plus travailler. Les gens qui se rendent au travail ont une voiture, ils appartiennent plutôt à la classe moyenne.

On estime à 400 millions le nombre de personnes ayant basculé dans la pauvreté, faute de versement d'un salaire ! La crise frappe aussi très durement les migrants contraints de faire des centaines de kilomètres à pied.

C'est dans ce contexte que l'exécutif a démantelé le Code du travail…

Il  a  été  suspendu  par  ordonnances pour 1 200 jours dans cinq États [le pays en dénombre plus de trente, NDLR]. Dans l'Uttar Pradesh, qui compte 200 millions d'habitants, les entreprises sont exemptées de droit du travail. On a réussi de justesse à maintenir l'interdiction du travail des enfants.

Quatre autres États ont suivi, la journée de travail est passée de huit à douze heures. La durée légale peut être ainsi étendue à plus de soixante-dix heures par semaine. La notion d'accident du travail n'existe plus, ni celle de congés payés, de salaire minimum, etc.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Il y a une énorme fracture entre une classe plutôt aisée, pro-gouvernement, et celle populaire, qui concentre 700 à 800 millions  d'individus.  Celle-ci  s'est révoltée, notamment à travers les réseaux  sociaux,  confinement  oblige. Cela a porté ses fruits, tout comme les protestations de l'OIT, via son directeur général Guy Rider. Pour l'heure, ces ordonnances n'ont pas été transposées en loi définitive. Il faut continuer à combattre, notamment avec l'appui de la solidarité internationale. Où que l'on soit dans le monde, le Covid ne doit pas servir d'alibi pour exploiter les travailleurs.