8 octobre 2020 | Mise à jour le 8 octobre 2020
L'équipementier aéronautique, sous-traitant de rang 1, coupe dans ses effectifs à l'instar d'autres entreprises de la filière. La suppression d'un tiers des emplois du groupe en France intervient alors que l'argent public coule à flots et que son donneur d'ordre, Airbus, restaure son cash-flow.
Florent Coste, secrétaire du syndicat CGT Latécoère, sait manier le sarcasme : « Pour que le projet ait un sens, il faudrait supprimer plus de postes, une externalisation ou une délocalisation. Là, au-delà de la perte de compétences et de savoir-faire, on est confrontés à un problème immédiat de fonctionnement : l'entreprise se place dans l'incapacité de produire, même dans un contexte de baisse de charge, ironise-t-il pour dénoncer la stratégie de l'équipementier aéronautique. 475 emplois supprimés sur les 1 500 que le groupe compte en France, le chiffre est inepte. À l'échelle du groupe, cela représente 40 % des effectifs pour l'activité “aérostructures” et 130 emplois sur les 600 que recense l'activité “câblages”, précédemment délestée de 400 intérimaires et prestataires par la direction. »
Effet domino pour l'emploi…
Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), présenté le 30 septembre en comité social et économique (CSE), prévoit un plan de départs volontaires et une clause de mobilité pour une centaine de postes notamment.
« Deux dispositions qui pourraient grossir la cohorte des licenciés potentiels, analyse le militant. On sort d'un PSE, bouclé en 2019, qui réduit d'ores et déjà le volant de volontaires au départ (150, NDLR). Et puis on traverse une période, particulièrement dans la filière, où les salariés réfléchissent avant de partir. » Les négociations s'ouvrent pour quatre mois, mais les déclarations du directeur général laissent les salariés perplexes. Comment Latécoère pourrait ne fermer aucun site en France, tandis que les productions d'aérostructures et d'équipements électriques sont largement délocalisées ?
… effet levier pour la finance
Tandis que Philip Swash, un ancien d'Airbus arrivé en mars, défend un projet de transformation travaillé avec le gouvernement, la CGT avance son hypothèse : « Latécoère utilise ces annonces comme levier de négociation pour faire les poches des salariés dans le cadre d'un accord de performance collective (APC), et toucher à leurs conditions salariales et sociales. »
Avec le soutien de l'État, qui continue d'accorder son aide sans contrepartie.
Passé fin 2019 sous la coupe du fonds d’investissement nord-américain Searchlight, dette oblige, Latécoère reçoit « 60 millions d'euros au titre d'un prêt garanti par l'État (PGE) et 30 millions d'euros perçus sur les exercices 2017, 2018 et 2019 au titre de crédits d'impôts (compétitivité emploi, recherche), subventions et avances remboursables. »
Camp contre camp
Si la pandémie de Covid-19 provoque une baisse du trafic aérien, elle n'explique pas seule la stratégie opportuniste déployée par l'équipementier toulousain et les autres entreprises de la filière.
Il est bien question d'un modèle économique tourné vers la finance et de sa structuration autour de gros donneurs d'ordre tels que Airbus et Boeing. « La bataille des idées, celle de la création des richesses et de l'avenir de la filière au regard de l'emploi et des enjeux climatiques, on est en plein dedans », conclut Robert Amade, délégué syndical chez Capgemini et membre de la coordination CGT aéronautique.
« L'attaque patronale continue et chacun y va de son plan ; PSE et/ou APC. Les salariés sont pris dans un jeu de poker menteur, d'autant que la situation d'Airbus est bien meilleure en 2020 qu'en 2019 avec des commandes en hausse et que l'avionneur retrouvera son cash-flow d'ici à la fin de l'année. Les seuls moyens qu'il nous reste sont la résistance et la mobilisation. »