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Occupations : au temps des cerises

Isabelle Avran
15 mars 2021 | Mise à jour le 15 mars 2021
Par | Rédactrice en chef adjointe de la NVO

Dix jours après le début de l'occupation du théâtre de l'Odéon à Paris le 4 mars dernier, le mouvement fait tache d'huile. Théâtres ou autres lieux de culture, à Paris, Strasbourg, Pau, Nantes, Lille, Montauban, Villeurbanne, Rennes, Brest, Niort, Périgueux, Toulouse, Marseille, Montpellier, Nîmes, Pau, Limoges, Saint-Étienne, La Motte-Servolex, Bourg-en-Bresse, Besançon, Châteauroux, Angers, Tours, Orléans, Ivry, Noyon, Rouen, Laon, Amiens, Lille, ou encore la Fabrik, Centre dramatique national de l'Océan indien à la Réunion… vivent, comme d'autres salles de spectacle, de danse, cirques ou médiathèques, au rythme de la mobilisation des artistes et techniciens, travailleuses et travailleurs de la culture, guides conférenciers, élèves particulièrement inquiets pour leur avenir, intermittents ou non, avec ou sans papiers, à l'appel de la CGT spectacle, et ont déjà reçu de nombreux soutiens.

Depuis un an, ils subissent, et les citoyens la subissent eux aussi, la fermeture des lieux culturels et l'annulation des festivals… La culture ? « Ce qui a fait de l'Homme autre chose qu'un accident de l'univers », disait André Malraux ; mais une activité non essentielle, visiblement, pour l'actuel gouvernement. « Face à l'engorgement des hôpitaux, conséquence d'une casse systématique du système public de santé, le choix du gouvernement est clair : il privilégie la production, les lieux de grande consommation tandis qu'il maintient fermés les lieux de vie, de création et de sociabilité », disent les occupants de l'Odéon. Le 6 mars, Roselyne Bachelot est venue leur dire son « amour » de la culture. Mais ils préfèrent les preuves d'amour et les actes concrets aux déclarations.

Or le 2 mars Élisabeth Borne annonçait, en dépit de son rejet unanime par les organisations syndicales, la mise en œuvre au moins en partie de la réforme de l'assurance chômage au 1er juillet, réduisant encore plus les droits des privés d'emploi, qui plus est en pleine pandémie. Réclamant la réouverture des lieux culturels dans le respect des règles sanitaires et de pouvoir vivre de leurs métiers, les militants exigent aussi l'abrogation de la réforme de l'assurance chômage, « une prolongation de l'année blanche, son élargissement à tous les travailleur.es précaires, extras et saisonniers entre autres (…) », l'accès aux congés maternité et aux congés maladie…

Ils réclament travail et protection sociale pour toutes et tous. Et d'entrée de jeu, la place du théâtre s'est fait agora des luttes. Partout. Ils réinventent des lieux de vie et de service public. Et l'on voit fleurir les banderoles des postiers d'Aubin et des métallos de Sam dans l'Aveyron en soutien aux occupations, ou des manifestations solidaires à Reims ou Guingamp, leurs luttes confluent contre la précarité, pour l'emploi, pour des salaires décents, pour l'égalité des droits, la justice sociale. Alors le gouvernement et ses alliés commencent à avoir peur. À Toulouse, des affiches sont arrachées. À Nice, la direction a barricadé le théâtre pour empêcher son occupation.

Le gouvernement, lui, a cru calmer la colère et étouffer le mouvement en annonçant, le 11 mars, des mesures qui ne relèvent que de « l'aumône », comme les fustigent les militants : vingt millions d'euros supplémentaires pour « soutenir les équipes artistiques en région, aider les plus fragiles, préparer la reprise », la prolongation de l'année blanche et, pour les intermittents ne pouvant en bénéficier, dix-millions d'euros pour réabonder le Fonds d'urgence (FUSSAT). Des miettes. Qui ne suffiront ni à freiner la mobilisation qui s'étend ni à enrayer les convergences qui se dessinent. Car ce qui est en jeu, ce sont les droits, la dignité, et la vie.