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Transport aérien

Interview : Faux plan d’aide et vraie poursuite de la casse de l’emploi chez Air France

7 avril 2021 | Mise à jour le 7 avril 2021
Par | Photo(s) : Kenzo Tribouillard / AFP
Interview : Faux plan d’aide et vraie poursuite de la casse de l’emploi chez Air France

Le Ministre de l'Économie annonce qu'en échange de 18 créneaux cédés à la concurrence, la Commission européenne a autorisé la recapitalisation d'Air France avec un plan d'aide de 4 milliards. Vincent Salles, de la CGT Air France, dénonce un plan d'aide qui « oublie » 13 000 suppressions d'emplois.

Bruno Le Maire vient d'annoncer que L'État allait apporter une aide de 4 milliards d'euros pour Air France et monter au capital de l'entreprise à hauteur du 30%. Ne s'agit-il pas d'une bonne nouvelle ?

Autant on pourrait penser que c'est une bonne nouvelle, autant nous considérons que cela ne l'est pas. Bruno Le Maire présente les choses d'une manière qui relève de la tromperie. Il laisse entendre que le gouvernement injecterait quatre milliards d'euros supplémentaires par rapport aux sept milliards précédemment donnés. Pour autant, ces sept milliards étaient en réalité un prêt : quatre milliards de prêt bancaires à un taux à 5% et trois milliards de prêts d'Etat à 7%. Et ce au moment même où États et banque empruntent aujourd'hui quasiment à des taux négatifs. Bruno Le Maire vient simplement de demander à la Commission européenne des transformer ces trois milliards en injection de capital dans l'entreprise. Ce n'est donc pas de l'argent supplémentaire. Ensuite, il y a un milliard qui constitue une augmentation de capital. Mais dans ce milliard, il y a un investissement extérieur et l'État y contribue pour moitié. In fine, l'injection de l'État ne se monte qu'à 500 millions d'euros. Ce n'est pas anodin de présenter ce plan comme une aide de quatre milliards. Dans le discours de M. Le Maire, on entend qu'Air France va devoir faire des efforts et renouer avec la compétitivité parce qu'on aide l'entreprise et que les contribuables qui financent Air France attendent un retour. Ainsi, on met la pression sur les salariés pour leur faire accepter des mesures d'austérité à venir.

Vous estimez qu'il ne s'agit donc pas d'un plan d'aide ?

S'il s'agit d'un plan d'aide, on ne voit à aucun moment des contreparties sociales. Il y a en parallèle une casse sociale qui s'opère chez Air France. Nous avons recensé 13 000 suppressions d'emplois qui sont en ce moment soit déjà réalisés soit en cours sur l'ensemble du groupe Air France d'ici la fin de l'année. On parle de contreparties de compétitivité, de contreparties de rendement, de contreparties pour céder de l'activité (les 18 créneaux ouverts à la concurrence sur Orly), mais à aucun moment, Bruno Le Maire ne dit: « on vous aide, mais on vous demande de préserver des emplois en contrepartie« . Ainsi on met en avant 7 milliards qui sont présentés comme une aide, mais on ne parle jamais des suppressions d'emplois. Ce chiffre sera utilisé comme un épouvantail par la direction pour faire passer des mesures d'austérité, mais Bruno Le Maire se présente en sauveur. C'est une incroyable duperie.

S'il n'y a pas de contreparties en termes d'emplois, il y en a en revanche ces 18 créneaux qu'Air France doit attribuer à la concurrence…

Oui, et ça c'est un renoncement de la part du gouvernement et de Bruno Le Maire, qui ont cédé devant la Commission européenne et Margrethe Vestager qui les a contraints à ouvrir à la concurrence. Et c'est encore là l'ambiguïté de la situation d'Air France où on nous fait valoir un coup que nous sommes une entreprise privée et un coup que nous sommes une entreprise publique. En tout cas, les salariés que nous sommes voyons bien la différence depuis que nous avons été privatisés, et nous subissons plans sociaux sur plans sociaux. Quant à cette obligation qui nous est faite de céder des activités pour la donner à des concurrents, c'est inacceptable. Cela met en difficulté Air France tandis qu'on dit qu'on nous aide ! En plus, les conditions qui nous sont imposées ne sont pas les mêmes que celles accordées à Lufhansa. Pour la compagnie allemande, les créneaux cédés ne l'ont été que pour 18 mois seulement. De plus, en Allemagne, seules les compagnies qui n'ont pas bénéficié d'aides d'État peuvent s'emparer de ces créneaux. C'est-à-dire qu'Outre-Rhin, la concurrence pour Lufthansa sera extrêmement limitée. Air France ne bénéficie en rien de tels avantages.

Bruno Le Maire affirme qu'en tout cas les 18 créneaux d'Orly ne seront pas attribués à des compagnies qui dérogeraient aux règles sociales et fiscales, ce qui semble exclure Ryanair a priori. Qu'en pensez-vous ?

Je dis que Bruno Le Maire est un être exceptionnel (rire). Il fait passer des choses qui devaient être normales pour des phénomènes extraordinaires. Est-il normal que la concurrence qui, selon le dogme européen, doit être libre et non faussée, soit réellement non-faussée ? Il a ce talent de faire passer pour un exploit extraordinaire le fait que les concurrents, à qui Air France a été obligé de céder ces créneaux, doivent aussi respecter la réglementation de droit français !